Abstracts
Les musées d’histoire ont connu durant les dernières décennies en France des mutations rapides, marquées par une série de constructions ou de rénovations. L’histoire de tels chantiers, intervenus plus tardivement par rapport aux autres types de musées, permet de s’interroger sur les rapports nouveaux tissés à ces occasions entre musées d’histoire et historiographie savante. On constate que le musée d’histoire, aujourd’hui, est davantage un musée du présent qu’un musée érudit au sens traditionnel du terme. Refusant la nostalgie, le musée idéal doit élaborer une nouvelle représentation du patrimoine conçue comme une dynamique inédite du « patrimoine » dans la société. L’enjeu est de refuser une marchandisation spectaculaire de l’histoire qui exclut l’approche critique et savante, tout en combattant l’éventuelle disparition de la spécificité muséographique derrière le seul savoir historien, aux dépens des revendications de la mémoire sociale. Dans ces conditions, le rapport du patrimoine et de l’écriture de l’histoire devient un enjeu central pour les musées d’histoire.
Musée; Patrimoine; Historiographie; Philosophie de l’histoire; Nationalisme
The museums of history have known some spectacular changes in contemporary France for two decades. New buildings have been constructed, and a lot of old ones have been renovated. The study of some specific cases, for example the museums devoted to the history of World War II, or to the history of migrations, demonstrates how museology is nowadays far from the pure illustration of erudite knowledge. The ideal museum of french history is today a museum very concerned by the present state of affairs, the political agenda or the social agency. Its aims are linked to the consciousness of « heritage » in the contemporary society. One difficulty is not to becoming a commercial product, a kind of entertainment, or of « edutainment » for kids. The challenge is to play the role of a place of memory, or even to figure a tool for collective thinking about the new stakes of national identity.
Museum; Heritage; Historiography; Philosophy of History; Nationalism
Os museus de história na França conheceram, durante as últimas décadas, rápidas mudanças marcadas por uma série de construções ou reformas. A história desses canteiros de obra, que se deu mais tarde em comparação às intervenções em outros tipos de museu, permite-nos questionar as novas relações tecidas, nessas ocasiões, entre os museus de história e a historiografia erudita. Constata-se que o museu de história é hoje mais um museu do presente do que um museu erudito, no sentido tradicional do termo. Sem se prender à nostalgia, o museu ideal deve elaborar uma nova representação do ?patrimônio?, concebendo-o como uma dinâmica inédita dentro da sociedade. O desafio consiste em recusar uma ?mercantilização? espetacular da história que exclua a abordagem crítica e erudita, combatendo, ao mesmo tempo, o possível desaparecimento da especificidade museográfica por trás do raro saber histórico à custa das reivindicações da memória social. Nessas condições, a relação entre o patrimônio e a historiografia torna-se o principal desafio para os museus de história.
Museu; Patrimônio; Historiografia; Filosofia da História; Nacionalismo
MUSEUS
Le musée dhistoire en France entre traditions nationales et soucis identitaires
Dominique Poulot1
RÉSUMÉ
Les musées dhistoire ont connu durant les dernières décennies en France des mutations rapides, marquées par une série de constructions ou de rénovations. Lhistoire de tels chantiers, intervenus plus tardivement par rapport aux autres types de musées, permet de sinterroger sur les rapports nouveaux tissés à ces occasions entre musées dhistoire et historiographie savante. On constate que le musée dhistoire, aujourdhui, est davantage un musée du présent quun musée érudit au sens traditionnel du terme. Refusant la nostalgie, le musée idéal doit élaborer une nouvelle représentation du patrimoine conçue comme une dynamique inédite du « patrimoine » dans la société. Lenjeu est de refuser une marchandisation spectaculaire de lhistoire qui exclut lapproche critique et savante, tout en combattant léventuelle disparition de la spécificité muséographique derrière le seul savoir historien, aux dépens des revendications de la mémoire sociale. Dans ces conditions, le rapport du patrimoine et de lécriture de lhistoire devient un enjeu central pour les musées dhistoire.
Mots Clés: Musée. Patrimoine. Historiographie. Philosophie de lhistoire. Nationalisme.
RESUMO
Os museus de história na França conheceram, durante as últimas décadas, rápidas mudanças marcadas por uma série de construções ou reformas. A história desses canteiros de obra, que se deu mais tarde em comparação às intervenções em outros tipos de museu, permite-nos questionar as novas relações tecidas, nessas ocasiões, entre os museus de história e a historiografia erudita. Constata-se que o museu de história é hoje mais um museu do presente do que um museu erudito, no sentido tradicional do termo. Sem se prender à nostalgia, o museu ideal deve elaborar uma nova representação do ?patrimônio?, concebendo-o como uma dinâmica inédita dentro da sociedade. O desafio consiste em recusar uma ?mercantilização? espetacular da história que exclua a abordagem crítica e erudita, combatendo, ao mesmo tempo, o possível desaparecimento da especificidade museográfica por trás do raro saber histórico à custa das reivindicações da memória social. Nessas condições, a relação entre o patrimônio e a historiografia torna-se o principal desafio para os museus de história.
Palavras-chave: Museu. Patrimônio. Historiografia. Filosofia da História. Nacionalismo.
ABSTRACT
The museums of history have known some spectacular changes in contemporary France for two decades. New buildings have been constructed, and a lot of old ones have been renovated. The study of some specific cases, for example the museums devoted to the history of World War II, or to the history of migrations, demonstrates how museology is nowadays far from the pure illustration of erudite knowledge. The ideal museum of french history is today a museum very concerned by the present state of affairs, the political agenda or the social agency. Its aims are linked to the consciousness of « heritage » in the contemporary society. One difficulty is not to becoming a commercial product, a kind of entertainment, or of « edutainment » for kids. The challenge is to play the role of a place of memory, or even to figure a tool for collective thinking about the new stakes of national identity.
Keywords: Museum. Heritage. Historiography. Philosophy of History. Nationalism.
Les musées dhistoire connaissent en France des mutations rapides, marquées par une série de constructions ou de rénovations, et lannonce de louverture de différents chantiers. Cette modernisation générale de linstitution est intervenue après celle des musées dart. Le phénomène vaut dêtre noté, car le considérable succès de lécole historique française des années 1960-1980 navait pas débouché sur un renouveau des expositions ou des musées dhistoire. Les plus éminents des historiens avaient alors investi lédition, ou la télévision, bien davantage quils navaient participé à des entreprises muséales, voire plus largement patrimoniales. Pareille observation pose donc dentrée de jeu la question du rapport entre musées dhistoire et vicissitudes historiographiques.
Le rapport entre musées dhistoire et historiographie relève a priori de lévidence. Car les musées dhistoire ne sont pas ou pas seulement des musées exposant des collections historiques: auquel cas tout musée serait a priori un musée dhistoire. Ce sont des musées qui se nourrissent et se réclament de lhistoire, cest-à-dire du regard et du travail des historiens professionnels universitaires pour lessentiel. De ce point de vue, on ne discerne aucune règle précise quant aux rapports entretenus par tel ou tel établissement avec le monde savant ainsi déventuels critères dorganisation, de taille ou de qualité de la collection, de financement, de règles de gestion et de direction etc., qui amèneraient un musée à se soucier davantage quun autre de régler ses expositions sur le savoir académique. Autrement dit, les musées dhistoire varient de manière considérable quant à leurs objectifs et à leurs obligations par rapport à ce quil est convenu dappeler la science historique. Enfin, la diversité des muséographies dhistoire ne peut être sous-estimée. Certains musées donnent à voir lunité de lhistoire, voire sa clôture, à partir des matériaux rassemblés2. Mais dautres établissements illustrent la représentation du passé sur le mode de ce "petit bonheur, le petit miracle de la reconnaissance et de son moment dintuition et de croyance immédiate", "la reconnaissance du passé comme ayant été quoique nétant plus"3.
De manière générale, le musée dhistoire travaille moins au répertoire des sources de lhistoire quil ne sanctionne lémergence de curiosités nouvelles, en pesant sur les vicissitudes des intérêts savants, en vulgarisant (plus ou moins bien) les acquis érudits auprès des visiteurs, par le biais de catalogues et de notices4. Mais si le lien avec les archives est clair dans la constitution dune histoire savante, les révolutions successives de lécriture de lhistoire engageant systématiquement ou presque des révolutions documentaires, il nen va de même pour les collections des musées dhistoire, et pour leurs modes dinterprétation. Léventuelle interaction entre la représentation vulgarisatrice des acquis de la recherche dans les musées et leffet, en retour, des représentations muséographiques sur lhistoriographie savante na guère été abordée.
Une question mal posée: des historiens flattés et frustrés
Les historiens français ne se sont guère intéressés à lhistoire des musées avant le début des années 1990: les grands colloques datent du milieu de la décennie, liés à des commémorations tel le colloque organisé par le Service culturel du musée du Louvre à loccasion de la commémoration du bicentenaire du musée les 3, 4 et 5 juin 1993 ou à des expositions à lintérieur même des musées5. Lintérêt des historiens de lart, pour être bien antérieur, nen était pas moins limité aux relations entre artistes et institutions quand il nétait pas exclusivement focalisé sur lhistoire des décors de ces établissements6.
Dune manière plus spécifique, nombre dhistoriens universitaires ont développé une forme de célébration, des musées dhistoire, quils aient été ou non partie prenante dans leur réalisation, dans la mesure où ces établissements leur semblent à plus ou moins juste titre autant de tribunes ou doutils afin daffirmer un engagement civique, une utilité sociale, une autorité intellectuelle de lhistoire. Pour dautres, cependant, lanalyse du musée dhistoire est surtout prétexte à se livrer à un retour critique sur le rapport quentretient la fiction muséographique avec le travail érudit; pareille réflexion sinspire souvent des travaux de la génération des années 1970 (Michel de Certeau), à partir des perspectives sémiotiques ouvertes tant par la mise en évidence de "leffet de réel" (Roland Barthes) que par la poétique des tropes au sein dune "métahistoire" (Hayden White). Enfin une critique volontiers radicale des pouvoirs du musée, sur le mode de la critique du spectacle, développe une condamnation plus générale du musée dhistoire contemporain, qui semble condamné à sacrifier tant aux dispositifs de la consommation touristique quà un devoir conventionnel de mémoire. Cette perspective a été particulièrement développée à propos de deux musées, consacrés respectivement à la première et à la seconde guerre mondiale, celui de Péronne et celui de Caen7. A Péronne, le débat se complique de polémiques ou de conflits dinterprétation entre ce quil est convenu dappeler "lécole de Péronne", et ses critiques qui, tels Nicolas Offenstadt ou Rémy Cazals, soutiennent que ce ne sont pas nos sentiments humanistes daujourdhui qui survalorisent les mutineries et leur répression, mais quil sagit bien là de sentiments contemporains, ce dont la lecture des témoignages dépoque les journaux des tranchées doit nous convaincre.
Reste que le musée est majoritairement abordé par les historiens sur le mode sinon du mépris, au moins de la condescendance, le cas échéant au nom dun appel à son gouvernement par les historiens eux-mêmes. A quoi répond un discours non moins stéréotypé des conservateurs et autres professionnels des établissements quant à la spécificité du métier et quant aux exigences propres du media quest le musée. Bref, tout se passe comme si les historiens déploraient de ne pas contrôler, ou de ne plus contrôler, les musées dhistoire, leurs discours et leurs scénographies, et aspiraient à une reconquête, voire à un renouveau dusages savants perdus. De là une éventuelle censure des dispositifs muséographiques imaginés par des conservateurs tenus pour autant dhistoriens amateurs par les historiens académiques. Une manifestation spectaculaire en a été fournie naguère dans le dossier réuni par la revue Le Débat à loccasion de linauguration du musée dOrsay: Maurice Agulhon y donnait une appréciation de la partie proprement historique du musée, à savoir le "passage des dates", seul témoignage dune ambition historienne dans ce musée dart. Il le faisait explicitement à la manière dont un professeur corrige une copie délève, distribuant bons et mauvais points, ou encore à la manière dont un professionnel peut considérer ceux qui saventurent en amateurs sur son terrain8. Cétait là poser le débat en termes dalternative entre un musée conservatoire dobjets, ou dimages, et une institution capable dinitier à une histoire spécifique de la culture matérielle, ou du visuel.
Le regret, devenu banal, de ce quil est convenu dappeler un divorce du musée et des historiens suppose quil y avait naguère une heureuse union ou au moins un mariage de raison entre historiens et musées, ce qui relève largement de linvention a posteriori dun âge dor perdu, au nom duquel on jugerait aujourdhui un présent déplorable. En fait, sur la longue durée, la responsabilité de lhistoire dans les musées dhistoire na jamais appartenu directement aux historiens. Pour le dire rapidement, en France au moins, les historiens professionnels ne sont généralement pas à lorigine des musées dhistoire. Certes, ils peuvent lancer des pétitions en faveur de la réalisation de tel ou tel établissement idéal9 mais de telles initiatives ont tous les risques dapparaître corporatistes et de ne rencontrer quun silence assourdissant. Les initiatives proviennent au cours du XXème siècle danciens acteurs de lhistoire pour la seconde guerre mondiale de déportés, de résistants etc. , ou de collectionneurs passionnés10. La décision de bâtir un musée dhistoire, tout au long de lhistoire contemporaine française, vient généralement du milieu politique, local ou national, et répond à telle ou telle actualité. Ainsi, le procès Barbie, un tortionnaire de la Gestapo, en 198711, et la redécouverte de la tragédie des enfants juifs déportés dIzieu ont-ils conduit à créer la Maison des enfants dIzieu, et un musée à Lyon, tandis que la commémoration du bicentenaire de la Révolution française a amené le département de lIsère à ouvrir un musée de la Révolution à Vizille, sans disposer préalablement daucune collection.
Une tradition muséographique spécifique
Le XIXème siècle a connu, dès lorigine, des musées dhistoire contemporaine. Telles sont les salles de Napoléon, de lexpédition dEgypte ou des moulages de monuments commandés par lEmpereur, que Lenoir avait prévu dintituler salles du XIXème siècle; tel est le musée de Versailles de Louis-Philippe représentant la Révolution et la conquête de lAfrique du Nord, tel est encore, sur un autre plan, le musée des Souverains sous Napoléon III. Ces musées se répartissent, sommairement, entre des musées consacrés aux annales de la France et à ses grands hommes, des laboratoires de la science (archéologique, historique, paléographique, ethno-historique), enfin des représentations dun être collectif, dune identité maintenue à travers les âges, comme en suspens ou à lécart des vicissitudes plus communes de lhistoire, sur le mode dun présent perpétuellement réécrit.
Lémergence neuve dun culte des grands hommes est à lévidence un élément essentiel de la société des Lumières qui, à travers ce culte, "nen finit pas de se raconter à elle-même son propre avènement"12. Lessentiel tient en effet à léloge de la valeur des génies pour leur temps et leur nation, éloge qui sinscrit dans une crise des systèmes traditionnels de représentation. Dans la littérature utopique, particulièrement, commente B. Baczko, le discours historique se confond avec un discours moralisant et didactique "un discours que lon pourrait qualifier de monumental en ce sens quil est parfaitement traduisible en une série de monuments qui seraient autant dimages distribuant au peuple des exemples édifiants et des leçons de morale"13. Au début du règne de Louis XVI, la France connaît, avec le comte dAngiviller (1730-1809), nommé à la Direction des Bâtiments, une nouvelle politique de la postérité: lun des symboles en est, en décembre 1774 et janvier 1775, la commande chaque année de "tableaux dhistoire et de statues dont le sujet sera les grands hommes français"14. La série, dintention patriotique, obéit à la rhétorique du "moment significatif": chaque sculpture illustre une attitude moralement et historiquement significative du personnage, longuement explicitée dans le livret du Salon. Poursuivie régulièrement de 1776 à 1787 elle donne lieu à vingt-sept statues15. Cette politique de limagerie nationale sinscrit dans un débat sur les valeurs à reconnaître à lhistoire française, et sur les éventuels modèles patriotiques à y trouver16.
Par la suite, la Révolution semble procurer lopportunité dune politique de la mémoire enfin morale et rationnelle. Au musée des Monuments français, lobligation impérieuse dintelligence de lhéritage historique requiert un effort de clarté et defficacité qui eût été auparavant parfaitement incongru. Au musée de Lenoir, la distribution des uvres obéit à un classement "par âge et par ordre de date, cest-à-dire en autant de pièces séparées que lart nous offre dépoques remarquables". La succession de salles offre le résumé "des monuments de tous les siècles, chronologiquement placés". La spécificité des Petits-Augustins tient à son décor, qui veut donner "à chacune des salles le caractère, la physionomie exacte du siècle quelle doit représenter"17, grâce au réemploi de "détails" provenant de monuments détruits, voire dépecés à linitiative de Lenoir lui-même.
Sous la Restauration le Musée des monuments français est fermé au nom dune politique de la tradition continuée18, et dans une perspective dexpiation19. Un nouveau type de musée dhistoire apparaît peu après, au service des annales de la France. Tel est le musée de Louis-Philippe dont Victor Hugo dira à son inauguration triomphale le 10 juin 1837 quil "a donné à ce livre magnifique quon appelle lhistoire de France cette magnifique reliure quon appelle Versailles"20. Versailles illustre les vertus du musée de site, pour détourner une expression contemporaine, tant le château était un lieu à (ré)occuper: un lieu dont il fallait inventer la destination à nouveaux frais. Le projet de Louis-Philippe retrouve, comme la relevé Jean Adhémar, la tradition de lenseignement du Prince et de lusage pédagogique des images, dans une longue durée des galeries de portraits et des histoires de France qui voit rééditer Anquetil et labbé Velly, et place toujours le légendaire Pharamond au seuil de la France21. Le musée de Versailles acculture en France lidée de musée dhistoire: il en fait respecter le principe, après une première réalisation, celle de Lenoir, à la fois trop idéologique et trop personnelle, bref marginale. Avec Versailles, le musée dhistoire acquiert définitivement une légitimité22.
Lélaboration du Musée des thermes de Cluny sous lautorité de la Commission des Monuments historiques, créée en 183723, inaugure une culture des lieux au sein des musées dhistoire. Les installations suggestives conçue par Alexandre du Sommerard (1779-1842) ainsi dans la chambre de François Ier sinscrivent explicitement dans une quête dexpériences du passé que le triomphe du roman historique a largement popularisée24, donnant lieu à un véritable "chronotope"25 du Moyen-Age et de la Renaissance. A la manière de lécole narrative imaginée par Prosper de Barante, où les sources originales donnent la parole au passé comme pour se raconter lui-même, la mise en scène de reliques et de pièces dart décoratif fournit une expérience sensible de la différence des temps26. Chez Lenoir, lesprit dun siècle sexprimait dans les extraits de "monuments" disposés afin de représenter létat de chaque siècle; chez Du Sommerard les "antiquités" contribuent à recréer différents contextes ou milieux, qui évoquent des usages et des pratiques, et restituent un cadre de vie27.
Un autre type de musée dhistoire est latelier, consacré à lavenir de la science davantage quà la présence dun passé ressuscité ou quà limpératif de transmission à la postérité. Il sagit de travailler à lélaboration de lhistoire à partir de reliques ou de traces trouvées le plus souvent in situ. En 1835 Boucher de Perthes propose ainsi de fonder différents musées dantiquités françaises, gallo-romaines, gauloises et celtiques28: "ce nétait pas la nature même du dépôt et sa valeur métallique, ou sa beauté réelle, qui en aurait fait le prix, prévient-il, mais les conséquences quon eût pu en déduire. En un mot, ceût été un cadre pour lavenir". Le musée des archives, ouvert en 1867 se veut de même une école de travaux pratiques de la science, à linverse du musée de Versailles, qui fait figure de véritable repoussoir29. Comme laffirme la Revue des Questions Historiques "cest devant ces monuments du passé quil ferait bon professer un cours de paléographie élémentaire". Le règne de Napoléon III voit encore la fondation du musée des antiquités nationales en 1862 au château de Saint-Germain, sous lautorité dune commission de savants. Là aussi une sociabilité savante sorganise autour du musée et alimente la jeune recherche préhistorique30.
Les premiers musées dhistoire, issus de la Révolution, héritiers dune mentalité discriminatoire propre aux utopies éclairées, avaient incarné une toute-puissance de linstitution devant le passé défunt. Cest au musée, installé dans une temporalité neuve, que le passé pouvait acquérir une signification dont il était cruellement dépourvu en tant que tel. Sous la monarchie de juillet, une conception annaliste de lhistoire confie la surveillance de son écriture et de sa transmission au Prince et à ses conseillers. Le musée renoue les fils de lancienne et de la nouvelle France, grâce à une mise en scène prestigieuse, au sein dun cadre patrimonial. Au milieu du XIXème siècle, et une fois oublié limaginaire du temps refait à neuf, un dessein de musée atelier apparaît, lié à un idéal laborieux, quasi archivistique, de rapport à lhistoire: il appelle le travail savant comme les efforts dune sociabilité érudite.
Par la suite, la vie du peuple à travers lhistoire occupe une place grandissante dans la mise en scène des musées ou des expositions : cest de "nous", de lhistoire collective, celle de la communauté imaginaire de la nation, que parle désormais le musée dhistoire31. Une exposition dhistoire du travail est la grande attraction de lexposition de Paris, en 1867 et 1878, qui montre le développement de lactivité humaine à travers 5000 outils et instruments depuis lâge de pierre jusquau début du XIXème siècle. À loccasion des Expositions universelles de 1878 et de 1900, les deux à Paris, les "Rues des Nations" manifestent les spécificités des vies historiques nationales. Un témoignage spectaculaire de cet intérêt toujours plus grand porté au quotidien domestique est Lhistoire de lhabitation humaine présentée à lexposition de 1889 sous la forme dune série de 23 maisons grandeur nature dessinées par Charles Garnier. Enfin dautres dispositifs se développent tout au long des foires du XIXème siècle: les restaurants nationaux et les reconstitutions de villages nationaux. En 1900, tel est le paysage offert par lexposition consacrée au Vieux Paris32. Les aspects de petites patries ou de traditions religieuses peuvent trouver leur place au sein des expositions et déboucher sur des musées spécifiques, ou au moins des départements particuliers détablissements. Une première exposition consacrée à lart juif en 1878, à partir de la collection Strauss, met ainsi laccent sur les aspects ethnologiques de cette communauté.
Un basculement des références temporelles
Lexposition dimages ou dobjets présentés comme autant de symboles de labjection, destinés à susciter lhorreur, ou au moins à appeler la désapprobation sur un phénomène ou une entité, est un ressort permanent des musées dhistoire contemporains: en ce sens, tout musée dhistoire est un musée de la criminalité historique. La Révolution avait eu peur de la contagion sensualiste des images de la royauté et de la religion, et le musée dhistoire de Lenoir avait mobilisé les monuments de la monarchie afin de montrer la barbarie des temps écoulés. Cette histoire de la criminalité de lAncien régime devient au XXème siècle celle de la barbarie des ennemis de la patrie.
La première institution qui documente et expose lhistoire contemporaine du XXème siècle est en effet la bibliothèque et musée de la guerre, fondée en 1917 à linitiative dun riche industriel parisien, Henri Leblanc, et de sa femme dans leur appartement de lavenue Malakoff. Abrité au château de Vincennes à partir de 1925, il est aujourdhui installé pour la bibliothèque à Nanterre (BDIC) et pour le musée aux Invalides, avec très peu despace dexposition, ce qui le cantonne à des expositions temporaires. Lappel à lémotion du souvenir, à la damnatio memoriae, est évident dans le premier catalogue raisonné rédigé en 1916 par Henri Leblanc, quant il écrit: "Durant des siècles, on pourra venir chez nous se remémorer les gloires et les horreurs de cet immense conflit, on pourra se documenter, et du même coup remplir son âme de lamour de la France et de lhorreur de lAllemagne et de lAllemand"33.
Le propos est identique au musée de sculpture comparée: Camille Enlart signale au musée, par des étiquettes spécifiques, ceux des moulages dont les originaux ont été endommagés par les Allemands. Il ajoute que, passée la stigmatisation des pratiques de la première guerre mondiale,
les étiquettes vert clair se multiplieront quand même au Trocadéro. Il conviendra den mettre aux monuments de la Gaule romaine ruinés depuis la première incursion des Barbares, aux vestiges de Thérouanne anéantis par leurs descendants en 1553; aux bustes détruits à Strasbourg en 1870. Le musée qui résume lhistoire de notre culture artistique doit signaler désormais à la haine et au mépris des civilisés loeuvre quont poursuivie à travers les siècles les ennemis de la civilisation34.
Ces épisodes confirment le processus de construction de lidentité nationale dans le sentiment de la perte dun héritage commun, et vérifient lintuition de Renan dans la célèbre conférence de la Sorbonne de 1882 intitulée Quest-ce quune nation?: "En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes: car ils imposent des devoirs, ils commandent leffort en commun"35. La commémoration des destructions de la première guerre mondiale fait de ces collections un véritable "lieu de mémoire" national.
Les musées de lhistoire immobile
Les musées des petites patries disparaissent peu à peu après la seconde guerre mondiale: lancienne thématique provinciale sefface avec la mort de leurs identités traditionnelles. Toute loeuvre historienne dun Philippe Ariès en porte témoignage, avec la nouvelle inflexion dune histoire des mentalités qui se nourrit de linspiration traditionaliste déçue36. "Lhistoire immobile" chère à Emmanuel Le Roy Ladurie triomphe pour peindre le "monde que nous avons perdu" (Peter Laslett) au sein de musées dart et tradition populaire dont le réseau, initié par Georges-Henri Rivière, éclipse des musées dhistoire définitivement vieillis. Lidéal du musée laboratoire au service de lethnographie française sincarne par exemple au musée de Beaune au cours des années 1950-196037. Au cours de la décennie 1970-1980 cest dans certains musées de la seconde "génération Rivière" que sexpose la modernité de lécole des Annales, et que sopère la mise en scène dune histoire sociale "vue den bas". Ainsi, le musée de Bretagne à Rennes se veut une forme dauto-représentation dune communauté: lexposition de "sacs à procès" illustre la justice de lâge classique, selon des modalités qui reprennent à leur compte les lectures de Pierre Goubert et de lécole des secondes Annales. Leffort est moins accompli pour lhistoire immédiate, dont des dispositifs médiatiques télévision, journaux sont censés rendre compte de manière un peu paresseuse.
Linvention de lécomusée ou du musée de société a largement participé dun mouvement de retour sur soi de lanthropologie, du lointain au proche: lanthropologie de la France sest élaborée à ce moment, remplaçant en quelque sorte lanthropologie de lautre par celle du même38. Les causes en sont complexes, qui mêlent le processus de décolonisation, la reconversion de lanthropologie universitaire, enfin lélaboration dune demande publique grâce à la Mission du Patrimoine ethnologique, qui est venue complexifier la situation entre la recherche et les musées39.
Une génération de musées de mémoire
Les années 1960 voient le 20ème anniversaire de la Libération, et la fondation de musées de la Seconde Guerre mondiale, à linitiative dassociations ou damicales. Ces musées sont directement porteurs dune mémoire et didéaux; ils sont souvent situés sur un lieu symbolique camp du Struthof, lieu dexécution de la citadelle de Besançon, ou territoire de maquis et de combats comme le Vercors. Le musée de la résistance nationale de Champigny-sur-Marne date de 1965; installé dans un hôtel particulier du XIXème siècle, en bordure de la Marne, dans un parc baptisé du nom de Vercors, pseudonyme du fondateur des Editions de Minuit clandestines, il rassemble les plus importantes collections relatives à la résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale, fruit de plus de 2000 donations et de dépôts privés ou publics. Plus largement, il veut témoigner de lhistoire sociale française de 1929 à 1947.
La présentation de lactuel musée se fait toujours lécho de sa fondation:
Dans les années 1960, la nécessité de bâtir une structure afin denseigner la Résistance et de pérenniser la mémoire de cette époque exemplaire se fit jour. En effet, en ces temps encore très proches de la fin de la guerre, la politique de mémoire initiée par les pouvoirs publics restait traditionnelle dans lesprit et dans la forme Danciens Résistants lancèrent alors lidée dun Musée de la Résistance nationale. Ils se constituèrent en association et, pendant 20 ans, collectèrent auprès de leurs camarades de lutte et de leurs familles documents et objets40.
A Grenoble, cest en 1963 que des Anciens combattants de la Résistance, des enseignants, réalisent avec laide des Archives départementales de lIsère, une exposition sur la Résistance dauphinoise. Son succès conduit à un Musée permanent inauguré en 1966, dans un local de la ville de Grenoble (lappartement natal de Stendhal), qui devient en 1970 le Musée de la Résistance et de la Déportation soutenu par Pierre Mendès-France, alors député de lIsère.
Vingt ou trente ans plus tard, les derniers témoins disparaissent, et les associations issues de la Résistance et de la déportation en viennent à seffacer peu à peu. Lurgence est alors de repenser les formes de la transmission dengagements et de militantisme, en particulier afin dassurer le devenir du patrimoine de ces musées, de leurs archives et de leurs collections. Il faut enfin et surtout réfléchir aux nouvelles fonctions de ces musées à légard de visiteurs dépourvus de la mémoire dune génération. La génération des anciens combattants ou des maquisards, fondateurs des premiers musées, sefface et doit envisager dautres modalités dappropriation et de médiation des collections quelle a réunies. Lors dune enquête de lIHTP, voici quelques années, à propos de la commémoration, Mona Ozouf avait fait remarquer que dans bien des cas les musées locaux consacrés à la seconde guerre étaient des musées où se réaffirmait le sentiment davoir vécu ensemble quelle que soit linsignifiance des événements précis qui y avaient été vécus. Il ne sagissait donc pas de participer de la grande histoire, mais daffirmer une mémoire à soi, de rappeler avoir été ensemble et le cas échéant de manière solidaire. La gamme des musées dhistoire peut ainsi comprendre des variations tout à fait considérables, depuis lévénement traumatique la destruction dOradour jusquau rappel des privations de nourriture le musée de la vie quotidienne sous lOccupation, qui réunit semelles de bois articulé et tickets de rationnement.
Caen et Péronne constituent deux symboles, à certains égard opposés lun est un musée didées et de limplication, lautre est un musée dobjets de la nouvelle génération des musées de guerres. Le mémorial-musée de la Paix est inauguré à Caen en 198841. Lhistorial de la grande guerre ouvre à Péronne en 1992. Le musée de Péronne est le seul, de tous les musées actuels, dont on peut dire quil témoigne directement dun travail historien, mené au sein du Centre de recherches qui a été adjoint au musée proprement dit. Mais les deux participent de lieux de mémoire conscients deux-mêmes comme lavait annoncé Pierre Nora les Lieux de mémoire datent de 1984 pour le 1er volume. Il sagit aussi dune rupture avec le musée dhistoire typique quest le musée militaire: à savoir le musée de lArmée, créé en 1905 par la fusion du musée dArtillerie (né sous la Révolution et installé en 1871 aux Invalides) et du musée historique de lArmée, fondé en 1896 par une société, La Sabretache, dont le président, le peintre Edouard Detaille, souhaitait constituer, à partir de ses propres collections, un musée militaire national sur le modèle des salles rétrospectives de lExposition universelle de Paris de 188942.
A Caen il sagissait de créer "un nouveau type de musée" grâce à un "voyage dans lhistoire", à une mise en scène revendiquée. La visite se termine par 3 films, dont le D Day est le plus populaire. Mais les visites ne décollent pas en regard de la fréquentation in situ des musées privés ou locaux installés sur les plages. Pour diverses raisons, le mémorial de Caen a, au cours des années 1980-1990, cristallisé les polémiques entre historiens et intellectuels critiques. De J.-P. Rioux et des historiens de lIHTP aux philosophes du Collège de philosophie dabord associés au projet (pour J.-L. Déotte au moins), jusquaux critiques dhistoriens étrangers (D. J. Sherman), le mémorial a été lobjet privilégié danalyses parfaitement contradictoires exactement comme lécomusée du Creusot sur un autre plan, faisant ainsi de létablissement un tournant dans la représentation muséale de lhistoire en France. Le legs muséographique, en particulier, est évident: le futur Mémorial Charles de Gaulle prévu à Colombey-les-Deux-Eglises en 2008 est installé dans un bâtiment réalisé par les architectes Millet-Chilou, concepteurs du mémorial de Caen, installé au pied de la colline où se dresse aujourdhui la Croix de Lorraine et de vastes dimensions.
Le musée de Péronne est également dirigé contre la tradition figée des musées dhistoire: le terme choisi dHistorial combine Histoire et mémoire. Stéphane Audouin-Rouzeau, historien étroitement associé à linstitution, écrit ainsi en 1992 que lhistorial est aussi mémorial, dans un article dHistoria intitulé La grande guerre prend fin aujourdhui43. En 1987 lHistorial organisa un mouvement appelé Faites entrer votre nom au musée, pour collecter les objets: dune part les noms des donateurs seront consignés dans les activités de lHistorial, dautre part les objets recueillis seront "une part inaliénable du patrimoine historique national" (Le Courrier picard, 1987). Ceci est à mettre en rapport avec diverses initiatives très médiatiques à propos de "parole des poilus" (France Inter) comme avec la valeur esthétique et pécuniaire croissante des objets de tranchées, au fur et à mesure quune littérature érudite se déploie sur le sujet.
On pourra reprendre le diagnostic porté par Sophie Wahnich:
lhistorial de Péronne est un lieu pour écrire une histoire qui juge et qui condamne la conflit et qui travaille à son effacement. A ce titre lhistorial est le lieu de linvention dune mémoire européenne pour le présent [ ] Caen laisse peu de place à la mémoire de la seconde guerre mondiale. Il en propose surtout une histoire très construite [ ] Pour le temps présent, il juxtapose à cete histoire des discours idéologiques qui ne sont pas à proprement parler une élaboration de la mémoire de la guerre, et des mémoriaux qui à léchelle du débarquement et de la bataille de Normandie ne sont que des évocations de ce quil faudra bien aller chercher ailleurs44.
Au-delà de ces deux grans établissements, les musées dhistoire locale ont évidemment été présents dans les rénovations et les constructions de musées menées à bien entre la fin des années 1970 et la fin de la décennie 1990 et qui sélèvent à environ 300. Ces trente dernières années ont vu une évolution décisive des musées dhistoire, dans les politiques culturelles territoriales surtout, au fil des volontés politiques locales, ainsi quune mutation des professionnels et de leurs pratiques. Telle est, par exemple, la création en 1984 dun musée sur la commune dEstivareilles (musée départemental de lArmée Secrète et de la Résistance) ouvert en présence de Lucien Neuwirth, grande personnalité de la Résistance et de lArmée Secrète de la Loire.
Les musées dhistoire sont entrés dans les politiques culturelles ainsi que dans les actions menées en faveur du développement touristique avec les écomusées, les musées de société, les musées de site archéologique, les maisons de parc régional etc.45 Lune des singularités du musée dhistoire est quil engage souvent un partenariat entre lEtat et les collectivités locales, contrairement aux grands musées nationaux qui relèvent seulement de ladministration centrale. En ce sens, son histoire institutionnelle reflète à bien des égards les spécificités de cette relation. Dune part le modèle des musées nationaux, tel quil a été configuré par la Direction des Musées de France, est très important du point de vue administratif et symbolique, quant aux définitions de linstitution musée, quant à ses orientations et à ses activités46. Dautre part, les collectivités se sont volontiers engagées dans les musées de société et dhistoire, au fur et à mesure que les enjeux territoriaux et culturels semblaient limposer. Elles pouvaient trouver dans des établissements qui substituaient la perspective patrimoniale régionale à une perspective exclusivement disciplinaire un élément satisfaisant de leur politique de culture et de communication47. Mais la quasi-absence des musées dans les lois de décentralisation peu à peu votées, comme dans beaucoup de dispositifs de partenariat contractuel, ou leur faible place dans les dispositifs de la déconcentration du Ministère de la Culture les postes de conseillers musées au sein des Directions en régions (les DRAC) ont été pourvus très lentement ont abouti à un retard par rapport à dautres engagements et à dautres chantiers, comme celui du spectacle vivant.
Linvestissement des collectivités locales doit se garantir dexigences scientifiques et muséographiques nouvelles: à lInspection de la DMF une jeune chartiste, Marie-Hélène Joly, est en charge des musées dhistoire, à laquelle succède Nicolas Georges. Une association des musées dhistoire voit le jour simultanément. La nécessité de disposer dun état des lieux des musées dhistoire de la Seconde Guerre mondiale se fait évidente, afin desquisser le fonctionnement des musées, leurs statuts, la question des propriétés des collections, leurs publics, leur typologie48. Comme le dit lInspection des musées en 2000,
Ces musées souffrent dun manque de réflexion sur lextension même de la notion de résistance. Lavenir de ces musées ne pourra faire léconomie dune réflexion nationale. Car si la création sest faite au gré des initiatives locales et associatives, la disparition progressive de maintes petites structures devra être encadrée et faire lobjet dune réflexion globale49.
Les rassemblements de hasard, le plus souvent, dobjets personnels que sont les premiers musées de la Résistance, doivent être réexaminés à la lumière de critères scientifiques, de conservation, comme déventuelles exigences de fréquentation touristique. Il reste que lintervention de lEtat est demeurée faible dans les quelque 200 musées relevant de la catégorie des musées de guerres mondiales50.
Le Guide des musées et collections dhistoire en France paru en 1996 sous la direction de Marie-Hélène Joly affirme que
la sauvegarde na de sens que si elle est organisée et structurée. La simple présentation au public ne suffit pas car contrairement aux musées des Beaux-Arts la délectation esthétique nest pas le seul objet. Elle est une partie, avec la curiosité, létonnement, le souvenir parfois, du propos. Lautre versant reste la signification de lobjet pour lexplication de lhistoire ou de linstitution (JOLY, 1996).
Cétait là affirmer les valeurs spécifiques du musée dhistoire contre le musée des beaux arts, modèle hégémonique dans la tradition française de la DMF. Le but du musée dhistoire est de servir le travail dexplication de lhistorien, ce qui loblige à fournir aux historiens des outils spécifiques en loccurrence des clés de lecture des images (matériel de propagande, affiches etc.). Ce que jappellerai le moment disciplinaire du musée dhistoire est marqué en 1996 par le colloque de lHistorial de Péronne coordonné par Marie-Hélène Joly et Thomas Compère Morel, Des musées dhistoire pour quoi, pour qui? édité ensuite sous le titre: Des musées dhistoire pour lavenir (1998)51.
La leçon a porté: Robert Bresse, Directeur du musée de lArmée, chargé de la maîtrise douvrage de la modernisation du musée de lArmée qui va séchelonner sur 5 ans déclare ainsi aujourdhui: "Ma mission est de transformer un musée dobjets en musée dhistoire"52. Telle est lune des orientations de la rénovation du musée de lArmée, conduite en cinq tranches sensiblement égales dune quinzaine de millions deuros chacune: le creusement total dune des cours des Invalides pour installer lhistorial Charles de Gaulle est un chantier spectaculaire, pour un dispositif essentiellement audio-visuel. LHistorial devrait constituer un "monument audiovisuel" structuré autour du son et de limage, "matériaux muséographiques gaulliens" par excellence, sans la participation daucun objet53. Comme le déroulement dun film, le déroulement dune visite au sein de ces mémoriaux ne permet pas le retour en arrière, la comparaison, larrêt sur limage pour lexpliquer: cest un appel à lémotion, à la réaction, sans donner place à lengagement et à la réflexion. Une esthétique du choc, comme le suggère le philosophe J.-L. Déotte, gouverne alors lexpérience du musée. Plus largement, le spectacle du musée sintègre alors dans un rapport gouverné par lémotion.
Les nouveaux musées de léthique et du développement durable ou du divertissement bien-pensant
La thématique de la mémoire juste (P. Ricoeur) ou plus largement la révision critique des lieux de mémoire nationale fait du musée dhistoire un nouveau lieu de reconquête civique, spécifiquement républicain à partir des années 1990, contre la montée de lextrême droite notamment et déventuels dérapages antisémites. Lagenda politique national sempare à nouveaux frais de ces établissements, en collaboration ou en concurrence avec certaines associations ou avec certaines collectivités locales. En considérant la nouvelle configuration des musées consacrés à la seconde guerre mondiale, Jean-Yves Boursier juge ainsi que "Nous sommes passés de laltérité (le musée supporté par un groupe) à la norme et au discours moral, appuyés par des opérations de communication"54. De là lapparition de lieux qui ne relèvent pas du genre du musée dhistoire, mais bien du genre singulier dun "mémorial hors sol" selon la curieuse formule de Gilles Vergnon, car il porte un message suivant: "lhorreur de la guerre, le dégoût de la barbarie, la compassion pour ses victimes, mais aussi la déshistoricisation de la Résistance, immergée dans léternel combat du Bien contre le Mal"55.
Le trend funèbre du musée dhistoire en France est-il à rapprocher du dark tourism ainsi baptisé par John Lennon, un spécialiste britannique de léconomie du tourisme?56 A la fois exorcisme dun trauma, instrument de deuil, le mémorial de Caen a choisi délargir la transmission de la Première Guerre mondiale tant chronologiquement que géographiquement. De là, louverture sur la guerre froide et les mouvements pour la paix dans le monde actuel. Péronne a choisi la perspective européenne, voire internationale, de même que la Coupole, centre dhistoire et de mémoire du Nord-Pas de Calais, centré sur lhistoire militaire et sur lhistoire des techniques en relation avec des musées britanniques, allemands et belges57. Le Centre européen du résistant-déporté dans le camp du Struthof veut représenter les exemples les plus différents de lengagement contre le nazisme. Ce musée, entièrement repensé, est désormais consacré à lhistoire du camp de concentration de Natzweiler et de ses camps annexes, à partir des anciennes collections, ainsi que des objets des principaux camps de concentration et dextermination, puisquil sagit de fournir des informations sur les 14 principaux camps de concentration installés en Europe. Non loin de là, le Mémorial de lAlsace Moselle, à Schirmeck, dans un vaste bâtiment à la façade de verre, consacre une scénographie exceptionnelle à lhistoire dune frontière fluctuante qui, de 1870 aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, pèse encore sur lidentité de toute une région et présente également les bases de la construction européenne. Ailleurs, au musée de la résistance et de la déportation de Grenoble, on veut évoquer la thématique des crimes contre lhumanité et les génocides du Rwanda et du Cambodge.
Le désenclavement de la muséologie historique française passe par laffiliation à des réseaux internationaux détablissements, par exemple au sein de lICOM ou dassociations spécialisées. En ce sens, les nouvelles constructions ou les rénovations témoignent dexigences professionnelles de qualité internationale mais encore de certaines modes muséographiques liées au tourisme international, du succès de certains architectes dont le marché est lui-même global, enfin des effets de légitimation recherchés par la quête de modèles unanimement reconnus58. Lexemple le plus significatif, peut-être, est celui du programme de la Cité de limmigration au MAAO. Jacques Toubon, ancien ministre de la Culture et patron du projet, a fait le tour du monde des musées dimmigration en quête dinspiration avec son équipe. Un colloque international sur les musées dimmigration dans le monde a été organisé à la BNF, enfin laveu dune inspiration dElllis Island a été maintes fois réitéré par le ministre et par son équipe.
Dans un pays qui navait pas bâti, sauf exceptions, de musées dhistoire jusque-là, les dernières décennies ont vu fleurir les constructions de musées, ce qui est en soi une nouveauté. Ces édifices se veulent partie prenante de la stratégie dinterprétation du musée. Cest ainsi quà Caen et à Péronne limage de la fracture a été privilégiée, signifiant le statut de ville martyre de la Deuxième Guerre mondiale pour lune, et pour lautre les meurtrissures des champs de bataille de la Somme. Henri Ciriani a choisi à Péronne la faille pour symboliser la tranchée et la rupture de la guerre, et a joué sur le vocabulaire post-corbuséen. Le syndrome de la "tombe absente" évoquée par James Young à propos de larchitecture enterrée des mémoriaux et autres musées59. Ailleurs encore, à Oradour ou en Vendée, il sagit de bâtiments qualifiés par un journaliste du Monde de "furtifs", cest à dire quils disparaissent dans le paysage, seffaçant derrière la mise en valeur dun site de mémoire ou derrière un environnement naturel dont il sagit de rendre compte dans une perspective de développement durable.
LHistorial de la Vendée, géré par le conseil général, et situé près de La Roche-sur-Yon, au village de Lucs-sur-Boulogne, a coûté 14 millions deuros pour le musée seul, auxquels sajoutent quatre millions pour la scénographie. Soit, daprès son conservateur,60 "deux fois moins cher que la moyenne des musées de France". La particularité architecturale est dêtre recouvert par une toiture végétalisée de 8 000 m2, imaginé par Plan 01, un collectif de quatre cabinets darchitectes parisiens. Lintérieur du bâtiment, de caractère industriel, est modulable, à partir dun hall de 1 020 m2 qui gouverne sept espaces correspondant à des périodes historiques, en partant de la Préhistoire. Sur le modèle du multiplex cinématographique qui a connu ces dernières décennies un grand développement à travers la France, tout est conçu pour rendre le musée ludique, avec une cafétéria, une boutique, un musée des enfants unique en France. Les expositions, toutes temporaires, illustrent des Vendéens célèbres, comme Richelieu, et mettent en scène la guerre de Vendée. Une telle réalisation rompt complètement avec linstallation précédente dun écomusée de la Vendée, comme avec la création dun célèbre spectacle historique sous la forme dun cas relativement unique de Re-Enactment dans la société française contemporaine, le Puy-du-fou.
Il y a quelques années deux spécialistes des sciences sociales posaient cette question:
Lutopie puyfolaise va-t-elle continuer à se déployer en mobilisant toujours ou bien va-t-elle seffriter dans la gestion, dans la concurrence ou dans la conformité avec des normes culturelles capables dattirer un public dautant plus large quelles seront moins rivées à la célébration dune société aujourdhui disparue ?61
On constate aujourdhui que le musée dhistoire de la Vendée annonce avec dautres sans doute ailleurs en France un ensemble de reconfigurations institutionnelles et historiennes62. Il incarne un équipement conforme aux normes du loisir contemporain, capable de concilier éducation et distraction de loisir, aux dépens de formes traditionnelles dérudition locale et peut-être du maintien dune qualité muséographique nationale telle que lInspection des musées a toujours tenté jusque-là de la maintenir. En cela il reflète les nouvelles conditions de financement et de réalisation de ces équipements, comme le nouveau statut dune histoire qui cultive autant le marché touristique que la démarche identitaire la construction de lidentité vendéenne étant dans lhistoire savante un topos classiquement réinterrogé, qui napparaît pas ici déterminant.
Lhistoire de limmigration constitue un enjeu symétrique, si lon ose dire, du cas vendéen. Les expositions du musée dauphinois consacrées aux minorités présentes dans lagglomération grenobloise les Grecs, les Italiens, les Maghrébins... sont la première manifestation de quelque ampleur dune reconnaissance des communautés et de lhistoire de limmigration dans les musées français63. Daprès leur conservateur, J.-C. Duclos, "le musée de patrimoine régional ne peut prétendre remplir pleinement ses missions sil limite son domaine dintervention aux seules périodes historiques et aux seules cultures dorigines"64. Ainsi, le musée intègre dans sa démarche lhistoire contemporaine, voire immédiate, et de plus en plus les cultures étrangères comme objet dexposition. Dans ce dessein, linstitution a conçu et réalisé depuis 1989 une série dexpositions évoquant la mémoire des communautés qui composent la population iséroise avec par exemple : LItalie des Pouilles (Corato: Grenoble en 1989), la Grèce (Des Grecs en 1993), lArménie (DIsère et dArménie en 1997) et la communauté maghrébine en 2000 (DIsère et du Maghreb, Pour que la vie continue...). Ce cycle dexpositions consacrées à linvestigation scientifique sur les identités transplantées dans le Dauphiné a pour objectif de "constituer la mémoire collective, de contribuer à lapprentissage de la différence, du respect des cultures et du partage dune même identité, fut-elle composite"65. En fait, les études de publics menées à ce propos concluent plutôt que le musée enseigne la reconnaissance de ressemblances. La muséographie employée à savoir la présentation de personnages qui apparaissent comme autant de porte-parole de leurs différentes communautés évoque le mode nord-américain de faire appel à dauthentiques histoires de vies ou à des témoignages scénarisés par une équipe voire à des fictions pures et simples pour communiquer aux visiteurs une vue "participative"66. La muséologie de limmersion, terme couramment employé aujourdhui à propos des musées des sciences, a largement touché le musée dhistoire. Le musée français use plus modestement et plus timidement quaux Etats-Unis et quau Canada de lhistoire-fiction pour ses scénarios, mais la tendance est néanmoins très repérable dans la première version de lexposition du musée du maquis du Vercors, à propos de lassassinat dune petite fille. En particulier, tel semble lenjeu de loralité au musée, de la présence de récits et de bruits dans le musée de la résistance de Grenoble en particulier, en accompagnement dun streetscape.
Une histoire-mémoire à différentes échelles
Par là, le musée dhistoire illustre particulièrement le dilemme entre "une histoire qui apprend plus et explique moins, et une histoire qui explique plus et apprend moins" que soulignait Claude Lévi-Strauss voici une génération:
[Car] lhistoire biographique et anecdotique, qui est tout en bas de léchelle, est une histoire faible, qui ne contient pas en elle-même sa propre intelligibilité, laquelle lui vient seulement quand on la transporte en bloc au sein dune histoire plus forte quelle; et celle-ci entretient le même rapport avec une classe de rang plus élevé. Pourtant, on aurait tort de croire que ces emboîtements reconstituent progressivement une histoire totale; car ce quon gagne dun côté, on le perd de lautre. Lhistoire biographique et anecdotique est la moins explicative; mais elle est la plus riche du point de vue de linformation, puisquelle considère les individus dans leur particularité, et quelle détaille, pour chacun deux, les nuances du caractère, les détours de leurs motifs, les phases de leurs délibérations. Cette information se schématise, puis sefface, puis sabolit, quand on passe à des histoires de plus en plus "fortes"67.
Pour sortir par en bas, en somme le musée dhistoire devient le musée biographique de tel ou tel personnage; et pour sortir par en haut, il devient ou redevient le musée de lhomme. Aujourdhui lun des enjeux du nouveau musée de Marseille est de fait une historicisation du musée des ATP. Georges-Henri Rivière nétait pas historien, et le musée présentait une vue éternelle des traditions françaises dans un rapport dempathie, de connivence, aux objets de la tradition. Au contraire, daprès son nouveau directeur, Michel Colardelle, le futur établissement doit considérer les objets comme profondément inscrits dans lhistoire. Cest contre lidéologie Malraux, comme il lappelle, que se joue lappel à la contextualisation celle de la Méditerranée contemporaine, dans un questionnement qui se décline en 5 thèmes, renouvelés tous les 5 ans: le Paradis, leau, le chemin, la cité, le Masculin/Féminin.
Lappel à la mémoire est devenu un leitmotiv de lhistoire "au second degré"68. Entre la formule de Paul Valéry à propos de la nouvelle conscience de la mortalité des civilisations et celle de Daniel Halévy à propos de laccélération inédite de lhistoire se fait jour un besoin de se rassurer quant à la permanence de la nation, de la société ou de la communauté telle est au moins la thèse dune compensation de laccélération de lhistoire pointée par Hermann Lübbe et développée par lui à propos de la muséalisation contemporaine en général.
Par rapport à la situation des années 1950-1970, les musées dhistoire bénéficient aujourdhui dune image renouvelée et dun préjugé plus favorable dans le public69. Ils ont tenu compte des modifications des ambitions et des pratiques des historiens: suivant en quelque sorte le constat de Pierre Nora quant à léclatement de lhistoire, les expositions en leur sein sont devenues très thématisées et spécialisées, voire fragmentées, tout en conservant leur revendication dautorité et leur anonymat dauteur, ce qui ne va pas sans poser problème à lheure de lego-histoire. Lactualité présente est marquée par la multiplication des musées-mémoriaux, qui vont de lhistoire coloniale de lAfrique du Nord aux mémoriaux de sites, aux mémoriaux de victimes et aux musées de la paix. Cest ce que Annette Becker nomme les "musées ouverts", créés sur les lieux mêmes des drames quils commémorent70. Les intentions sont largement marquées par une éthique des droits de lhomme, et sinscrivent dans le présent de manière beaucoup plus explicite que dans les musées dhistoire traditionnellement conçus comme consacrés à lenseignement de lhistoire. Une sorte de devoir dimplication des visiteurs est ici à lagenda des musées dhistoire.
Le musée dhistoire jouit dune très grande crédibilité parce quil expose lauthenticité par excellence, en présentant des témoins véridiques du passé, présentés comme autant dévidences dune présence du passé, et qui valent pour preuve de la véracité des propositions du musée. Mais le musée dhistoire, aujourdhui, est bien davantage un musée du présent quun musée dhistoire au sens traditionnel du terme. Dans les musées des années 1980, "limmersion dans les pratiques du passé, loin dêtre nostalgique, éveille aux problèmes du présent"71. Lécomusée, en particulier, élabore une nouvelle représentation du patrimoine conçue comme prise de conscience delle-même par la société, grâce à la mise au jour (interminable) de ses "propriétés"72. Il participe en ce sens dune dynamique inédite du "patrimoine" dans la société, dont témoignent aussi les recherches commanditées par la Mission du Patrimoine sur les pratiques et les politiques culturelles de lidentité. Si le musée dhistoire classique mobilisait le passé pour lavenir, lécomusée, lui, figure plutôt, selon une excellente formule de Freddy Raphaël, "une provocation de la mémoire"73. Lutopie des écomusées Rivière des années 1970 a tenté de donner une position dacteurs aux visiteurs même si, comme la montré Octave Debary à propos du Creusot, cétait sur léchec dun travail de mémoire inachevé que de telles thèses reposaient parfois.
Au siècle dernier, la patrimonialisation sattachait à rendre une voix aux monuments désormais silencieux, à tous les restes du passé, dans un sentiment durgence dû à la hantise de la perte. Le champ patrimonial était "un autre pays", plus beau ("Time beautifier of things") dêtre étranger et disparu74. Le musée dhistoire contemporain veut plutôt conférer une signification au vécu des jours, à travers la série des expositions, la succession des points de vue et des cadrages dune population et dun territoire. En ses tâtonnements, voire ses errements, cette nouvelle figure de musée manifeste la recherche dune alternative à la construction du siècle dernier. Bien des musées dhistoire ou darchéologie, qui connaissent un développement spectaculaire, satisfont à une préoccupation patrimoniale, mais se veulent directement liés aux mouvements sociaux ou communautaires, ou encore à lintérêt que suscitent les nouveaux thèmes de laprès-modernité : lidentité, léthique, le genre sexuel...Le cas des musées de la Résistance est aussi particulièrement révélateur denjeux présents75.
Si, au terme dune histoire complexe, le musée dhistoire fait figure dinstitution centrale et de nos jours peu contestée de la culture occidentale, il recouvre désormais des réalités si diverses, quant aux collections quil mobilise et aux démarches dont il se réclame, que sa définition en apparaît durablement menacée. Surtout, la légitimité de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine historique repose aujourdhui moins sur le respect de lintention des ancêtres quil donnerait à comprendre et transmettre que sur lintérêt général du public - et de communautés - pour la mémoire, son travail et ses représentations. Reprenant le théoricien critique post-moderne Andreas Huyssen, Daniel J. Sherman souligne ainsi, à lissue de sa comparaison des musées de Péronne, Verdun et du mémorial de Caen, que lintérêt des musées dobjets est de demeurer ouverts aux multiples discours de la mémoire contre, à la fois, une marchandisation spectaculaire de lhistoire qui exclut lapproche critique et savante, et une fusion du propos muséographique et du savoir historien qui suscite en retour une frustration de la mémoire76. Lintérêt contemporain porté aux hauts lieux, aux monuments historiques, aux châteaux privés et autres demeures ou territoires touchés par la conversion patrimoniale est dailleurs devenu en quelques années un sujet dinterrogation et détude pour lethnologue. Cest lhabitant et le visiteur qui concentrent ici lattention, dans une relation qui entend "domestiquer lhistoire"77. Le rapport du patrimoine et de lécriture de lhistoire devient un enjeu dactualité pour les musées dhistoire, dans une relecture des constructions de lidentité et des traditions, entre continuité dintentions et déplacement des horizons de référence.
Références
Artigo apresentado em 4/2007. Aprovado em 5/2007.
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Publication Dates
-
Publication in this collection
15 Jan 2008 -
Date of issue
Dec 2007
History
-
Accepted
May 2007 -
Received
Apr 2007