Résumé
Cet article a comme objectif comprendre la construction du corps par le bodybuilding. Il s’agit d’une étude de terrain qui a permis d’interviewer des bodybuilders du nord-est du Brésil. Des entretiens de type semi-structuré ont été réalisés avec un échantillon de huit hommes et deux femmes. Nous avons procédé à une analyse de contenu des entretiens. Les résultats ont permis d’identifier des usages différenciés du bodybuilding en lien avec les expériences passées du corps, les modes d’engagement et le sexe. Si la souffrance évoquée pour expliquer son engagement dans la pratique est individuelle, l’adhésion à de nouvelles normes de construction du corps se fait par un collectif de personnes qui conduisent à normaliser la consommation de substances pharmacologiques.
Mots-clés: Corps Humain; Dopage dans les sports; Sociologie
Abstract
This article looks into the construction of the body by bodybuilding. It is a field study interviewing bodybuilders in North-eastern Brazil. Semi-structured Interviews were conducted with a sample of eight men and two women and underwent content analysis. The results allowed identifying various uses of bodybuilding regarding subjects’ past experiences with their bodies, modes commitment to the practice, and sex. If the suffering evoked to explain their commitment is individual, adherence to new standards of construction of the body takes place through a collective of people who lead to normalization of consumption of pharmacological substances.
Keywords: Human body; Doping in Sports; Sociology
Resumen
El objetivo de este artículo es entender la construcción del cuerpo por el culturismo. Se trata de un estudio de campo que permitió entrevistar a culturistas del Nordeste de Brasil. Las entrevistas de tipo semiestructurado se realizaron con una muestra de ocho hombres y dos mujeres. Realizamos un análisis de contenido de las entrevistas. Los resultados han permitido identificar usos diferenciados del culturismo según las experiencias pasadas del cuerpo, los modos de compromiso y el sexo. Si el sufrimiento planteado para explicar su compromiso con la práctica es individual, la adhesión a nuevas normas de construcción del cuerpo se hace por un colectivo de personas que llevan a normalizar el consumo de sustancias farmacológicas.
Palabras clave: Cuerpo humano; Dopaje en los deportes; Sociología
1 INTRODUCTION
«Dans la panoplie de la consommation, il est un objet plus beau, plus précieux, plus éclatant que tous - plus lourd de connotations encore que l’automobile qui pourtant les résume tous : c’est le corps» (BAUDRILLARD, 1970, p.199).
Bien que le corps ne soit pas seulement un objet, cette citation de J. Baudrillard est encore plus d’actualité aujourd’hui avec le développement de nombreuses pratiques et techniques qui visent à faire du corps un signe, un élément emblématique de notre identité. Le corps est considéré par J. Baudrillard, dès 1970, comme le plus bel objet de consommation : la société impose des modèles de corps reconnus comme des idéaux, mais qui sont essentiellement des signes. L’idéal du corps, central dans le bodybuilding, est ainsi autant un signe qu’une chimère inatteignable. Dans les sociétés occidentales, l’obsession de la forme, la quête d’un corps idéal et du bien-être ont bien été identifiés par David Le Breton (1990). On vit dans une société de l’apparence dans laquelle de nombreux dispositifs contribuent à cette quête d’un corps idéal (SANT’ANNA, 2005; SOARES, 2008). Ce sont en particulier les dispositifs médiatiques, avec une circulation des images et des modèles de corps idéalisés. Les magazines, journaux, sites internet, émissions de télévision, montrent des modèles de corps transformés par des régimes, des exercices, par la consommation de produits ou encore par des logiciels de type Photoshop.
Comme le souligne Baudrillard, ces consommations sont liées à des promesses, de liberté, de bonheur et de succès grâce à un corps supposé parfait ou proche des normes les plus diffusées dans les magazines, dans les journaux et dans les programmes de la télé (ALBINO ; VAZ, 2008). De nombreuses publicités stimulent l’usage de plusieurs produits diététiques, des pratiques corporels, des cosmétiques, des régimes et des chirurgies esthétiques comme solutions pour obtenir un corps parfait et parfois de prévenir les maladies (OLIVEIRA et al., 2010). Mais la diffusion des normes ne se fait pas seulement par les médias. L’importante offre de pratique de musculation constitue un moyen de répondre à cette injonction au corps idéal et contribue à ce qu’un nombre croissant des jeunes s’engagent dans le body-building au Brésil. Non seulement leur pratique s’intensifie au fur et à mesure de l’engagement dans une carrière, mais en outre ils commencent à utiliser des stéroïdes anabolisants, dans le but de développer rapidement leur masse musculaire (IRIART ; ANDRADE, 2002). Cependant, si des travaux ont permis de comprendre les pratiquants dans différents pays, pour la plupart dans les pays occidentaux, la connaissance des pratiques dans d’autres pays, en particulier au Brésil, est plus lacunaire. Or, la diffusion du bodybuilding soulève également des enjeux de santé publique et relatifs au bien-être des personnes alors que les relations entre corps, sport et dopage demeurent peu explorées au Brésil. Certes, il s’agit d’un sujet sensible pour lequel il n’est pas toujours facile de collecter des données. Mais les enjeux de société et de santé suggèrent la nécessité de mieux comprendre ces usages particuliers du corps. Ainsi, nous nous sommes adressés à un échantillon de bodybuilders afin de mieux connaître la façon dont les personnes construisent leur corps par le bodybuilding. Cet article ne peut permettre une estimation de la prévalence des pratiques de dopage, mais dans son approche compréhensive elle est susceptible d’identifier le rapport à la culture du dopage et donc les freins ou les facteurs incitant à la normalisation d’une consommation de produits dopants. Cette étude vise donc bien à mieux comprendre la relation entre corps, sport et dopage dans le contexte brésilien, qui ne fait guère l’objet de recherches.
2 BODYBUILDING ET CONSOMMATION DE PRODUITS DOPANTS
Le bodybuilding est une pratique dans laquelle la pharmacologie est moins dissimulée que dans d’autres sports de haut niveau, et la consommation de produits dopants fait souvent partie de la production de la performance. Une consommation de produits d’amélioration de l’apparence a été identifiée dans plusieurs pays comme un élément caractéristique de la culture du bodybuilding dans différents pays (PERERA, 2017, MONAGHAN, 2001, KLEIN, 1993). La temporalité du processus a également été observée et identifiée comme une sorte de conversion - presque dans une dimension religieuse d’adhésion et de croyance (COQUET; OHL; ROUSSEL, 2014) - des praticiens de musculation au bodybuilding et à ses pharmacologies. Il est clair que le dopage est un élément constituant de la pratique et de la construction des corps d’une fractions de ces sportifs. Par exemple, les bodybuilders interviewés en Suisse apprennent en même temps les techniques d’entraînement, de nutrition et les pratiques pharmacologiques afin de contrôler leurs corps (COQUET; OHL; ROUSSEL, 2014). En France, comme le montre Perera (2017, p. 108) « la prise de produits marque le passage au statut de bodybuilders », ne pas s’inscrire dans ce parcours d’initiation c’est risquer l’indifférence voire l’exclusion du cercle des pratiquants. D’autres travaux, effectués au Danemark (CHRISTIANSEN et al., 2017), suggèrent l’existence d’une diversité des usages des stéroïdes anabolisants. Ces auteurs distinguent quatre types idéaux d’usage : des personnes fascinées par les effets de la pharmacologie sur la physiologie humaine; des personnes motivées par un bien-être qui doit se voir dans les apparences; des personnes qui souhaitent juste profiter de la vie, même s’il y a des risques lors de la prise de produit; et des personnes qui utilisent les stéroïdes anabolisants pour être performant en compétition.
Mais malgré cette tendance à une consommation importante de produits dopants dans le bodybuilding, les recherches permettent d’identifier des différences selon les pays. Ainsi, dans un travail de comparaison entre les USA et la Suède, Andreasson et Henning (2018) montrent que les politiques publiques sont divergentes en raison de conceptions différentes de la liberté individuelle et de la responsabilité de l’Etat en matière de régulation. Ainsi, si les Etats-Unis sont très libéraux en matière de dopage, puisqu’ils considèrent que cela relève de la responsabilité individuelle, les pays du Nord de l’Europe comme la Suède considèrent qu’il revient à l’Etat d’intervenir, y compris dans des centres de fitness privés, pour préserver la santé des citoyens. En conséquence, s’il existe parfois des contrôles lors des compétitions aux USA, l’Etat intervient très peu en matière de régulation ou de prévention contrairement à la Suède. Comme dans d’autres pays, au Brésil, la politique antidopage est de la responsabilité de l’Autorité Brésilienne de Contrôle de Dopage (ABCD)1. Mais cet organe, institué par le gouvernement brésilien en 2011, est finalement assez récent en comparaison avec d’autre pays. L’organisation de la Coupe de Monde de football (2014) puis des Jeux Olympiques (2016) on conduit à y développer l’antidopage (BAUME et al., 2015). Mais la prévention y est limitée. Elle s’appuie principalement sur un type « primaire » (HAUW, 2016), dans lequel l’information sur le code mondial antidopage, les bonnes pratiques et les valeurs du sport est accompagnée d’une présentation des risques médicaux, qui cible en particulier le bodybuilding2. Ces observations incitent à penser que l’action publique est très limitée et que le modèle ressemble plus au modèle américain très libéral, avec une régulation encore plus réduite même si le bodybuilding est utilisé comme repoussoir dans un certain nombre de messages.
Ce qui n’empêche évidemment pas que le bodybuilding connaisse un franc succès au Brésil. Le Brésil est le plus grand marché de l’Amérique latine en ce qui concerne les clubs de gym et c’est le deuxième marché mondial après les États-Unis d’Amérique3. Le nombre de compétitions, environ 70 par an selon le Président d’IFBB-Brésil (International Federation of Bodybuilding and Fitness - Brésil), et leur succès atteste de cette attractivité du bodybuilding. Depuis 2013 le pays accueille l’»Arnold Classic Brasil», un grand événement international de la discipline. En avril 2018, l’Arnold Sports Festival South America qui se déroule à São Paulo a attiré 689 hommes et 679 femmes dont 527 participants sont du Brésil. Les recherches de Hansen et Vaz (2006) et de Guimarães Filho, Moura et Antunes (2011), réalisées au Brésil, montrent que les clubs de gym contribuent au culte au corps. Le bodybuilding semble faire écho à une « ‘mutation’ du corps dans nos sociétés modernes » (PERERA ; GLEYSE, 2018, p. 10) et fait ainsi partie des nombreuses techniques de transformation du corps très prisées au Brésil. Faut-il voir un lien avec l’histoire du Brésil, qui semble donner une image unifiée de lui-même par des pratiques corporelles telle la capoeira, la samba ou le football ? Pour Garrabé (2010), le corps a été utilisé comme ressource à l’expérimentation des libertés et de socialisation de l’indiscipline des esclaves et affranchis, devenus ensuite travailleurs prolétaires. Ce qui a conduit à circuler des pratiques corporelles et culturelles (rythmes, danses, mélodies, instruments de musique, etc.) qui ont permis d’inventer « de nouvelles expressivités » (GARRABE, 2010, p.3). Il est probable que cette histoire et l’importance du corps dans la façon de penser la culture brésilienne conduise à l’appréhender comme un capital particulièrement important. Le succès des transformations esthétiques au Brésil, avec plus que 2,5 millions d’interventions en 2009, chirurgicales ou non, situe le pays en tête de ces pratiques, juste derrière les États-Unis, et ce malgré un niveau de vie nettement moins élevé (STREHLAU ; CLARO ; LABAN NETO, 2015). Mais l’accès aux techniques de chirurgie esthétique est plus limité, pour des raisons économiques notamment. Or, le bodybuilding se présente comme une ressource à la transformation de l’esthétique du corps plus accessible, notamment en raison d’un moindre coût.
Il est donc probable que la consommation de produits dopants en bodybuilding, identifiée dans de nombreux pays (IRIART ; CHAVES ; ORLEANS, 2009) et l’Agence Mondiale Antidopage (l’AMA) comme le deuxième sport qui a le nombre de cas de dopage le plus élevé (WADA, 2014), soit élevée au Brésil. Le Brésil se caractérise d’ailleurs par une prévalence élevée de l’usage de stimulants par rapport à d’autres pays (PEREIRA; SARDELA, 2014). Mais comme cette étude s’appuie sur les données de laboratoires antidopage, elle ne donne que peu d’indications sur les pratiques des sportifs amateurs et en particulier des bodybuilders. Et très peu d’études portent sur le bodybuilding au Brésil en dehors de celles de Iriart et Andrade (2002) et celle de Sabino et Luz (2014) qui abordent des questions de Santé Publique. On trouve aussi une étude portant sur l’Espagne sur le bodybuilding réalisée par Ibarzábal (2011)4. Une autre étude a été publiée dans une revue brésilienne (TRABAL, 2013), mais elle traite des discours des consommateurs de substances considérées comme dopantes en France.
3 MÉTHODOLOGIE
Il s’agit d’une étude de terrain à partir d’une approche qualitative, parce que nous nous sommes adressés aux bodybuilders, avec l’intention de nous engager dans une démarche compréhensive de leurs expériences. Pour Daniel Céfai (2003), un travail de terrain est basé sur une méthode empirique et « la place du corps est capitale dans cette forme d’investigation [...]. Le corps percevant, agissant et parlant est le médium de la compréhension, et c’est à travers les épreuves qu’il traverse qu’un sens émerge petit à petit » (CÉFAÏ, 2003, p.544).
Pour comprendre la construction du corps de bodybuilders, nous avons utilisé un échantillon de 10 pratiquants, 8 hommes et 2 femmes, de la région nord-est du Brésil, notamment des villes de Natal du Rio Grande Norte et Aracaju de Sergipe5, en utilisant les réseaux de personnes impliquées dans ce milieu. L’échantillon n’a pas été sélectionné avec l’intention de trouver des populations consommatrices de produits dopants. Au-delà du volontariat, le critère pour participer de la recherche est de faire de la compétition de bodybuilding ou d’en avoir déjà fait, indépendamment du niveau de compétition qu’il soit national ou international. Les entretiens se sont déroulés dans des lieux choisis par les volontaires ou à l’Université.
Concernant la méthodologie, les entretiens de type semi-structuré ont été réalisés à partir d’un guide d’entretien construit spécifiquement pour la recherche actuelle et visant principalement à comprendre les usages du corps et la façon dont les pratiquants s’engagent dans la construction d’un corps bodybuildé. Les entretiens ont été enregistrés et nous avons aussi utilisé un carnet pour noter les principales observations liées à la recherche. Nous avons contacté une deuxième fois les 10 sujets pour collecter des informations complémentaires sur leur situation sociale. Seule une personne, B3, n’a pas répondu à cette deuxième sollicitation.
Pour l’analyse des entretiens nous avons réalisé une analyse thématique du contenu des entretiens (BARDIN, 2011) en étant attentif aux éléments qui émergeaient dans en premier temps, après plusieurs lectures des entretiens du corpus, puis dans une analyse plus systématique des thèmes les plus présents (temporalité de l’engagement, transformation du corps, normalisation des pharmacologies, etc.). Nous avons aussi pris des notes sur les réactions et des prises de position pendant l’interview. Après une pré-analyse, nous avons traité et interprété les résultats en confrontant les observations et interprétations à des regards croisés.
Nous avons réalisé, après l’exploitation du matériau empirique, une fiche de contenu en codifiant les données selon une analyse thématique mise en œuvre, en cohérence avec les objectifs de la recherche. Suite à quoi les principales catégories permettant l’interprétation des résultats obtenus ont été élaborées. Le projet de recherche a été approuvé par un Comité d’Éthique d’une Université Publique brésilienne et les interviewés ont autorisé les entretiens et leur divulgation sous condition d’anonymisation. Le tableau 1 présente les principales caractéristiques de chaque interviewé d’une façon qui permet de préserver l’anonymat.
Les personnes ont entre 21 à 34 ans, tous habitent dans la région nord-est du Brésil, notamment cinq habitent à Natal et cinq habitent à Aracaju. Cinq ont une formation de niveau Supérieur, y compris un Post-Graduation. Quatre ont suivi une enseignement Supérieur mais sans aboutir à un diplôme, une seule personne n’a que le niveau du Lycée. La formation professionnelle la plus fréquente est l’Éducation Physique, cela concerne six d’entre eux. Ce n’est pas surprenant parce que pour accéder aux populations de bodybuilders nous avons utilisé les réseaux de connaissance et une méthode de type « boule de neige ».
4 L’ENGAGEMENT DANS LE BODYBUILDING
Les motifs de l’engagement à faire du bodybuilding peuvent varier. Coquet, Ohl, & Roussel (2014) ont identifié plusieurs logiques. La première est liée à l’insatisfaction de son corps. Il s’agit d’une variable très récurrente, que l’on retrouve dans l’anorexie, et qui finalement n’est pas discriminante indépendamment de la prise en compte des parcours de vie. La seconde est en lien avec des évènements biographiques, divorce, échec scolaire, difficultés familiales, qui se combinent avec l’insatisfaction du corps comme principaux déterminants de l’engagement dans le bodybuilding. Le bodybuilding est utilisé comme ressource pour faire face à des difficultés en construisant une identité jugée positive. Le troisème mode d’entrée correspond à l’expression d’un style de vie, d’une norme partagée par un groupe social. Il s’agit d’une sorte d’habitus, au sens de P. Bourdieu (1984), et correspond à des hommes, le plus souvent, engagés dans des professions pour lesquels le corps est un capital. On retrouve des anciens sportifs mais aussi des personnes travaillant dans des métiers de la sécurité pour lesquels le corps musclé est une ressource. Pour ces pratiquants le milieu professionnel et le milieu de la pratique sont proches socialement.
Les données collectées, permettent d’identifier des motifs comparables dans le cas du Brésil à certains pratiquants suisses (COQUET; OHL; ROUSSEL, 2014) : l’insatisfaction corporelle, avec un corps trop mince ou trop gros, est caractéristique de cette population. Les bodybuilders 2, 4, 7 et 10 disent qu’ils se trouvaient trop minces. Mais n’est pas seulement le corps mince qui est rejeté, c’est aussi le corps en excès et non conforme qui l’est :
Ce qui m’a motivé a été ... c’est le fait de... j’étais un... un... j’étais une personne... extrêmement ... comme je peux dire ... grassouillette... et je me motivais en voyant les « mecs forts ». Je voudrais avoir un physique comme eux (B1).
B1 était grassouillet et il souhaitait être comme les « mecs forts », comme les bodybuilders. Un autre modèle de corps musclé souhaité est celui des super héros des dessins animés, comme dit le bodybuilder 4 :
Alors, depuis enfant on regardait des dessins animés où les super héros étaient très musclés. Et on avait cette référence. Super héros musclés... et au moins moi, je voulais être pareil. Depuis enfant je faisais de la flexion, j’essayais de faire de la barre chez moi. Et donc, jusqu’à aujourd’hui on essaye (B4).
Dans la perception d’un corps trop mince ou trop gros, on peut percevoir une relation avec les corps problématique, comme montre l’étude de Coquet, Ohl, & Roussel (2014). La référence à un corps très musclé est très largement diffusée dans les différents médias brésiliens. C’est notamment le cas dans le lieu d’enquête, la ville de Natal, où a été réalisée une étude sur les usages du corps et l’image du corps dans la sphère publique. Cette étude a montré une forte présence d’images de corps athlétiques, très musclés, présentés en association avec des suppléments alimentaires. Ces corps aux muscles volumineux et très saillants sont associés à la réussite sociale (ARAUJO ; FRANCO ;MENDES, 2016). Ce qui semble indiquer une culture dans laquelle la conformité des apparences au modèle du muscle constitue, au moins dans les imaginaires, une ressource sociale. Le souhait de « grandir », n’est pas seulement lié au physique, comme le montrent Iriart et Andrade (2002). C’est aussi lié à volonté de grandir de manière subjective, comme augmenter l’estime de soi, avoir une prise sur sa vie ou même surmonter un moment difficile, comme le chômage ou d’autres accidents des parcours de vie. C’est plus particulièrement le cas de B7, qui doit faire face à une séparation et une réorganisation de sa vie, et perçoit le bodybuilding comme une ressource important de « reconstruction » de soi, à la fois objectivement par une reconstruction de son corps, mais surtout symboliquement pour avoir une prise sur sa vie et la « reconstruire ». Comme lui, d’autres personnes sont des situations précaires et investissent le bodybuilding pour faire du corps un instrument pour se reconstruire et donner le sentiment d’un contrôle de sa vie.
Mais il y a d’autres insatisfactions, par exemple liées au style de vie. Le bodybuilder 8 était sédentaire, fumeur, buvait d’alcool. Il voulait s’engager dans bodybuilding afin de se discipliner et de gagner en rigueur, tout comme les bodybuilders 3 ou le 6 qui ont le sentiment de reprendre ainsi le contrôle de son style de vie.
Ce que me fascine en fait c’est justement cette question du culte au corps. Devenir le corps chaque fois plus parfait. C’est le défi de tous les jours. C’est un sport qui me défie et j’aime les défis. [...] Le bodybuilding est votre vie. C’est vous ..., vivre en régime. C’est avoir une routine réglée du sommeil. C’est repos, des heures d’entraînements fréquents. Vous ne pouvez pas être en fête avec des débordements, ce type de chose. Donc, le bodybuilder est un mec discipliné. Ça c’est chouette ! C’est mieux d’avoir ce style de vie et ça me motive (B6).
Il y a indéniablement une discipline des corps mise en œuvre par ces routines réglées et cette surveillance. Difficile d’affirmer qu’il s’agit de stratégies biopolitiques, au sens de Foucault (1976), mais il ne fait pas de doutes que les promesses d’un corps « nouveau » sont au cœur du marketing des vendeurs de bodybuilding. Le corps musclé est consommé comme un signe doublement valorisant, de l’identité des individus et de leur style de vie. Mais si la valorisation du muscle peut être évidente pour les hommes, parce qu’il est un symbole de virilité, elle l’est moins pour les deux femmes de notre échantillon. Comme elles l’indiquent, elles s’engagent avec le soutien d’un réseau d’hommes à la fois pour entrer et pour rester dans la pratique. La bodybuildeuse 5 dit que, ce qui l’a motivé à faire le bodybuilding a été une personne qu’elle considère comme un père, c’est-à-dire, l’ex-représentant d’une entreprise qui vend des suppléments alimentaires. Et la bodybuildeuse 9 a commencé après un accident de voiture, lors de sa physiothérapie elle a fait des entraînements spécifiques qui lui ont permis de rencontrer d’autres personnes dont son mari. Il s’agit ici d’une entrée typique des femmes dans les pratiques sportives masculines, l’accompagnement masculin leur permet de légitimer leur usage atypique du corps et les nombreuses controverses qui y sont associées (SHILLING; BUNSELL, 2009) ; (ROUSSEL et al., 2010) ; (LOWE, 1998).
Mais tous les bodybuilders ne s’engagent pas en raison d’une expérience négative du corps, d’un corps trop maigre ou trop gros, qu’il faudrait corriger. Certains le font, au contraire, parce qu’ils perçoivent leur corps comme une forme de capital. Ce sont des personnes déjà engagées dans le sport, elles ont une expérience de la compétition et souhaitent entretenir ou parfaire un capital corporel. C’est notamment le cas de certains étudiants en Éducation Physique/Sciences du Sport qui ont des objectifs professionnels pour lesquels le corps est une ressource. Ainsi, B6 a manqué de ressources pour l’achat de ses produits, mais il a pu utiliser son capital corporel pour devenir policier militaire, et poursuivre sa pratique dans de bonnes conditions, en étant accompagné par des spécialistes qui connaissent les produits. Le bodybuilder 3 est arbitre mais souhaite devenir international, et faire autorité au niveau national semble plus facile avec un corps imposant et pourrait ouvrir à une carrière d’arbitre international. Le bodybuilder 6, quant à lui souhaite avoir une apparence très musclée qui, selon lui, pourrait l’aider à avoir plus d’audience sur les réseaux sociaux dans lesquels il met en scène son corps. Le but est aussi économique : il espère que des personnes le sollicitent pour être leur entraîneur ou fournir des conseils. Avoir un corps très musclé est ainsi perçu comme un capital parce qu’il donne un sentiment de compétence dans l’entraînement, la nutrition et les pharmacologies.
5 DES EXPERIENCES CORPORELLES AMBIVALENTES
L’apprentissage du bodybuilding est « un apprentissage par corps » (FAURE, 2000), c’est d’ailleurs un élément central de la perception du bodybuilding. Interrogés sur leur perception du corps pendant la pratique, les bodybuilders tiennent des discours ambivalents qui mêlent l’agrément et l’épuisement. Si neuf d’entre eux relatent des sentiments agréables, ils admettent tous que les routines d’entraînement sont épuisantes et que le stress, la souffrance, la douleur, la fatigue sont des passages obligés de l’apprentissage ; ils sont au cœur d’une morale de l’effort qui s’apprend en même temps que se transforme le corps. Ainsi, ils apprennent à ne jamais abdiquer malgré la souffrance.
Les interviewés 3 et 7 soulignent le plaisir qu’ils ressentent, les bodybuilders 4 et 9 insistent sur des sentiments du dépassement. Sans pour autant nier la dureté de l’effort et des entraînements, la souffrance peut se transmuer en plaisir. C’est ainsi que le bodybuilder 10 exprime un sentiment mêlant bonheur et confiance en soi, quand il a réussi à atteindre tout ce qu’il a planifié, malgré une charge de travail excessivement intense et un contrôle serré de son mode de vie. C’est aussi ce que la bodybuildeuse 5 fait pour se sentir bien dans la pratique.
Je me sens bien. En vérité, même en contest ou en off, je cherche toujours à être dans le régime. Je fais le « jour de la poubelle » qui est quand on mange des bêtises. Je ne fais pas ça avec fréquence pour ne pas avoir de difficulté a perdre du poids ou diminuer le pourcentage de graisses quand rentrer dans la période de pré-compétition. Donc, ainsi, quand j’entre dans la période de compétition je reste tranquille. « Je reste cool ». J’aime et tout est bien pour moi (B5).
Elle contrôle son corps par l’exercice et le régime, mais elle s’accorde parfois un temps de relâchement contrôlé en faisant le « jour de la poubelle », c’est-à-dire, en s’autorisant une nourriture jugée « impure ». Cette écart est identifié par Sabino, Luz et Carvalho (2010, p. 352), comme un jour de fête. Les auteurs se référent à une certaine transgression, après des mois des régimes rigides, ils s’offrent de la nourriture prohibée. Mais leurs « orgies alimentaires » demeurent contrôlées.
Les sentiments à l’égard de la douleur varient selon leurs expériences et la phase d’entraînement ou d’apprentissage, elle ne peut se comprendre par ses seules dimensions physiologiques puisque la tonalité symbolique joue un rôle essentiel (LE BRETON, 2012). : « la douleur est d’abord un fait de situation » et la performance sportive est une expérience des limites de la douleur (LE BRETON, 2012, p.11). Le corps des bodybuilders est travaillé par l’exercice mais aussi par un changement de perception dû à une carrière morale qui, comme pour les cyclistes (BRISSONNEAU; AUBEL; OHL, 2008), modifie la perception des sollicitations intenses du corps.
Sabino et Luz (2014) montrent que pour les bodybuilders de Rio de Janeiro la douleur est une norme du quotidien. On retrouve cela chez les bodybuilders 1, 3, 5 et 8. Ils considèrent la douleur comme un état ordinaire, elle fait partie de l’expérience de la pratique. Le travail de Perera (2017) réalisé en France indique que la souffrance est également utilisée comme un passage nécessaire pour être reconnu comme bodybuilder : « Souffrir en silence et soulever toujours plus sont les normes à valoriser et à intégrer » (PERERA, 2017, p. 50). La douleur fait écho à l’orthodoxie d’une pratique construite autour de trois principes ‘Dedication, Determination, Discipline’ (FUSSELL, 2015) qui guident la socialisation des corps et en particulier ce que signifie la douleur.
Les bodybuilders construisent ainsi une carte sensorielle capable de classer les types de la douleur selon l’intensité et sa manifestation (SABINO ; LUZ, 2014). Comme pour le bodybuilder 1, la douleur doit à minima être considérée comme supportable, c’est presque une condition pour poursuivre son engagement. Mais généralement la douleur est perçue comme « une amie constante » (bodybuilder 8), qui permet même de s’entraîner blessé, avec des crampes et des arythmies énormes. Pour le bodybuilder 8, « il faut apprendre à vivre avec cela », c’est-à-dire domestiquer la douleur comme usage ordinaire du corps ; c’est ce qu’a réussi à faire le bodybuilder 2 : malgré un engagement très important, il l’a domptée au point de l’effacer lors des entraînements. Ce n’est que quand il est blessé que la sensation de douleur est présente.
Mais là encore l’adhésion à une doxa (BOURDIEU, 1984), spécifique au bodybuilding (COQUET; OHL; ROUSSEL, 2014), conduit à croire que la pratique vaut la peine de tous les sacrifices, y compris de son corps. Le bodybuilder 2 fait référence, avec respect, aux athlètes reconnus qui se sont entrainés malgré la douleur en prenant des antalgiques. Les comparaisons avantageuses, comme celle du bodybuilder 5 qui rappelle que la douleur est présente dans tous les sports, permet de normaliser l’usage des pharmacologies pour aller toujours plus loin dans le gain de muscle. On retrouve des processus analogues de ceux identifiés dans le cyclisme professionnel (BRISSONNEAU ; AUBEL ; OHL, 2008) ou en athlétisme (SCHOTTE, 2016) dans lesquels la transformation du corps physique est associée à une modification du sens donné aux expériences du corps. La douleur est considérée comme « domestiquée », car elle est gérée, effacée, elle se transforme même en plaisir, à la fois par le changement de signification des sensations corporelles et les techniques pharmacologiques comme les amphétamines ou les corticostéroïdes. C’est le cas du bodybuilder 6 qui a domestiqué la douleur et lui permet de l’utiliser comme étalon de la puissance et de force.
La douleur est plaisante. Dans le sport la douleur est plaisante. Et plus ça fait mal, vous vainquez cette douleur, cette barrière. C’est plaisant. Cette sensation de dépassement, que vous êtes plus fort que la douleur. Pour moi elle est plaisante, elle me défie. Et à chaque fois que je la surmonte pour moi ça me donne plaisir (B6).
Après avoir souffert symboliquement d’un corps en trop, en excès de poids ou en manque de muscle, le sentiment d’un pouvoir sur soi par le contrôle exercé sur son corps et la force qui s’en dégage permet d’affirmer une identité positive. On comprend que cette souffrance devienne un plaisir. Surmonter cette douleur est une manière de reprendre en main son existence : « La mémoire de la douleur surmontée est le témoin privilégié » (LE BRETON, 2012, p. 207).
6 LA PRISE DE PRODUITS ET LES SOINS
L’usage de substances comme les stéroïdes anabolisants pour améliorer la performance sportive et l’esthétique est en croissance, notamment dans les sports qui demandent une grande masse musculaire (IBARZÁBAL, 2011). C’est aussi le sentiment qu’en ont les bodybuilders interviewés. Pour eux, dans le sport de haut niveau c’est très courant de viser la performance par le dopage. Dans le bodybuilding au Brésil, l’usage des pharmacologies fait « partie du métier ». Alors que chez les bodybuilders suisses observés par (COQUET; ROUSSEL;OHL, 2018) la consommation de produits divise la population, entraîne souvent des doutes, y compris chez les consommateurs, les pratiquants de notre échantillon sont beaucoup plus à l’aise avec leur consommation. Pourtant ces bodybuilders brésiliens n’ont été choisis en raison de leur utilisation importante de substances et les méthodes de sélection des pratiquants ont été assez proches. De plus, la composition de l’échantillon au Brésil a un niveau de formation assez élevé et est très liée au milieu académique de l’Éducation Physique. Population qui a priori devrait être informée des risques et de dopage. Mais malgré cela, l’usage de substances est un élément omniprésent. Pour eux, la croyance en la valeur du muscle est telle que les effets négatifs sur la santé sont ignorés et ne freinent pas l’usage des produits pharmacologiques, alors que pourtant certains interviewés relatent des cas de mort en raison du dopage. La normalisation se voit aussi dans le peu d’embarras des bodybuilders à propos des produits, la plupart parlent volontiers de leurs expériences et de l’usage des substances. Le dopage n’est pas un souci et on comprend cette la large diffusion des produits dopants que tous les interviewés utilisent. Ils consomment à la fois des substances autorisées par l’AMA, comme vitamines et des suppléments, et des substances prohibées tels des stéroïdes anabolisants (voir tableau 2).
Il est intéressant de noter que toutes les personnes interrogées, sauf B9, prennent des produits dopants. C’est en partie lié à l’échantillon qui comporte des compétiteurs de niveau régional (B3, B8, B9), national (B3, B4, B10) ou même international (B5 e B10). Et comme le choix n’a pas été de trouver des consommateurs de produits, et que nous avons contacté différents profils, cela semble indiquer une large diffusion de la consommation chez les compétiteurs comme les non-compétiteurs. Par ailleurs, ce qui surprend est à la fois la combinaison importante de produits consommés, y compris des substances qui ne sont pas sur la liste des interdictions de l’AMA, et la normalisation de la consommation puisque les pratiquants étaient très à l’aise pour en parler. Cela peut s’expliquer par un effet régional puisque, malgré des disparités, le bodybuilding est bien enraciné dans la région Nord-est, comme démontre le calendrier 2018 de la IFBB - Brésil. Et même si cette fédération interdit l’usage de certaines substances, ce qui occasionne la disqualification de compétiteurs, l’utilisation de ces substances interdites est très largement diffusée. Et les pratiquants ont clairement indiqué modifier leur nutrition et l’usage de substances avant et pendant les compétitions par rapport aux périodes d’entraînement. Or, cette stratégie est efficace parce que les contrôles hors compétition sont très rares en bodybuilding au Brésil6. Cette culture des produits des bodybuilders au Brésil, le travail des corps par une combinaison d’exercices, de régimes et de pharmacologies n’est pas juste une pratique individuelle. Comme pour les bodybuilders en Suisse (COQUET ; OHL ; ROUSSEL, 2014), ils sont guidés par des « experts » du bodybuilding et/ou des médecins, par exemple pour choisir le meilleur produit (B5 et B7), et parfois ils se débrouillent seuls pour des raisons financières (B2, B6, B8). Mais la division du travail et la présence d’accompagnateurs est plus explicite que dans le cas des pratiquants en Suisse. L’entraîneur est la figure centrale au Brésil, sept d’entre eux affirment qu’il est responsable de la préparation pharmacologique, mais des endocrinologues, médecins et nutritionnistes viennent aussi en soutien. Le monde médical est plus volontiers impliqué dans ces pratiques qu’en France ou en Suisse.
C’est d’ailleurs ce que constatent aussi Sabino et Luz (2014) qui montrent participation croissante des médecins à la prescription des médicaments. Ce qui pourrait étonner, est que les interviewés ne différencient pas clairement l’accompagnement des entraîneurs de l’accompagnement médical, les deux interviennent comme experts de la pharmacologie. Dans ce cas, l’idée d’une réduction des risques par accompagnement médical (KAYSER; SMITH, 2008) ne fonctionne pas vraiment. D’ailleurs l’expertise pharmacologique n’est pas monopolisée par le monde médical, certains deviennent même les experts de leur propre pharmacologie comme les bodybuilders 2 et 8 ou le 6 qui utilisent un médecin uniquement pour des contrôles de routine :
Je cherchais . C’est parce que ça est commun dans le milieu. Tout le monde utilise. C’est commun une personne parler à l’autre et lui dire ce qu’il utilise. [...] Et ...on étudie la physiologie, un peu de pharmacologie et on s’applique (B2).
C’est moi-même j’étudie et je fais l’usage (B8).
Ce que je fais actuellement, je fais par mon propre compte, à travers de ce que j’ai appris, des expériences que j’ai fait avec moi-même et des recherches que je fais. Mais je vais toujours voir un endocrinologue. Je le fais pour faire les examens de routine pour savoir comment va ma santé, comment sont mes taux, l’hémogramme, les hormones... je vais toujours soigner ma santé (B6).
7 CONCLUSION
Les résultats de cette étude confirment les résultats obtenus dans d’autres études sur la pluralité des voies d’accès au bodybuilding, et sur la diversité de pratiques et de motivations des bodybuilders brésiliens. Au-delà du mal-être lié au corps, identifié dans la plupart des études, ce sont aussi des parcours de vie difficiles et la volonté d’utiliser le corps comme un capital qui expliquent la force de l’engagement dans le bodybuilding. Ils confirment aussi, qu’au-delà de la construction des corps musclés, et de la place importante du corps comme objet de consommation, les bodybuilders trouvent dans leur pratique une source de valorisation sociale et d’estime de soi.
La deuxième caractéristique de ces bodybuilders brésiliens est que leurs pratiques de dopage sont plus facilement rendues publiques que dans d’autres cas (COQUET et al., 2014), ce qui laisse à penser que la prise de produits est plus normalisée dans cette région du Brésil que dans d’autres pays.
Un troisième trait remarquable est que la préparation du bodybuilder n’est pas une pratique individuelle et cachée, montrée au seul cercle des insiders. Elle organisée par une petite équipe de soutien (entraîneur, nutritionniste, médecin…). Mais elle devient individuelle lorsque le bodybuilder manque de ressources économiques. On ne sait pas exactement si les difficultés économiques de ces bodybuilders conduisent à accroître les risques, avec des produits achetés sur Internet, l’absence de conseils, ou si, au contraire, le dispositif collectif de soutien permet d’aller plus loin dans la consommation de produits dopants. En fait, il semblerait que les risques soient différents. Dans le premier cas, il s’agit surtout d’un risque de mauvais usage des produits, par méconnaissance ou difficulté à connaître la composition des produits ; dans le second, on est plutôt face à une rationalisation « maîtrisée » mais qui incite à aller plus loin dans l’expérimentation de produits, en étant rassuré par l’équipe de soutien qui fonctionne comme une sorte de dispositif de confiance.
Les résultats de cette étude montrent ainsi la nécessité de prévenir les risques en engageant des discussions dans différentes instances, dont les formations de niveau Supérieur en Éducation Physique/Sciences du Sport, afin de comprendre, sans juger, comment le dopage est constitué en norme et quelle serait la meilleur stratégie de prévention à mettre en place.
RÉFÉRENCES
- ALBINO, Beatriz Staimbach; VAZ, Alexandre Fernandez. O corpo e as técnicas para o embelezamento feminino: esquemas da indústria cultural na Revista Boa Forma. Movimento, v.14, n.1, p. 199-223, jan./abril, 2008.
-
ANDREASSON, Jesper; HENNING, April. Glocal fitness doping: Policy, practice and prevention in the United States and Sweden. Performance Enhancement & Health, 2018, https://doi.org/10.1016/j.peh.2018.11.001
» https://doi.org/10.1016/j.peh.2018.11.001 - ARAÚJO, Iasmim de Pontes; FRANCO, Marcel Alves ; MENDES, Maria Isabel. B.S. O corpo em outdoors da cidade de Natal/RN. Licere, Belo Horizonte, v.19, n.2, p.136-167, 2016.
- BARDIN, Laurence. Análise de conteúdo. São Paulo: Edições 70, 2011.
- BAUDRILLARD, Jean. La société de consommation. France : Éditions Denoël, 1970.
-
BAUME, Norbert et al. Antidoping programme and biological monitoring before and during the 2014 FIFA World Cup Brazil. British Journal of Sports Medicine, v.49, n.9, p. 614-622, 2015. https://doi.org/10.1136/bjsports-2015-094762
» https://doi.org/10.1136/bjsports-2015-094762 - BOURDIEU, Pierre. Distinction: a social critique of the judgement of taste. Cambridge, Mass: Harvard University , 1984.
- BRISSONNEAU, Christophe; AUBEL, Olivier; OHL, Fabien. L’épreuve du dopage. Paris: Presses Universitaires de France, 2008.
- CÉFAÏ, Daniel, Postface. In : CÉFAÏ, Daniel (Org.). L’enquête de terrain. Paris : Éditions La Découverte, 2003. p.465-615.
- CHRISTIANSEN, Ask Vest; SCHMIDT VINTHER Anders; LIOKAFTOS Dimitris. Outline of a typology of men’s use of anabolic androgenic steroids in fitness and strength training environments. Drugs: Education, Prevention and Policy. v. 24, n. 3, p. 295-305, 2017.
-
COQUET, Ronan; OHL, Fabien; ROUSSEL, Peggy. Conversion to bodybuilding. International Review for the Sociology of Sport, v. 51, n. 7, p. 817-832, 2014. https://doi.org/10.1177/1012690214557102
» https://doi.org/10.1177/1012690214557102 -
COQUET, Ronan; ROUSSEL, Peggy ; OHL, Fabien. Understanding the paths to Appearance and Performance Enhancing Drug use in bodybuilding. Frontiers in Psychology, v.9, p. 1431, 2018. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2018.01431
» https://doi.org/10.3389/fpsyg.2018.01431 - FAURE, Sylvia. Apprendre par corps. Socio-anthropologie historique du champ chorégraphique France: L’Harmattan, 2000.
- FOUCAULT, Michel. Histoire de la sexualité I: la volonté de savoir. Paris: Éditions Gallimard, 1976.
- FUSSELL, Samuel. W. Muscle: Confessions of an unlikely bodybuilder. EUA : Open Road Media, 2015.
-
GARRABÉ, Laure. Ethnographie des jeux du corps dans le maracatu rural (Pernambuco, Brésil). Journal des anthropologues. 2010., Disponivel em : http://journals.openedition.org/jda/741 DOI : 10.4000/jda.741
» https://doi.org/10.4000/jda.741» http://journals.openedition.org/jda/741 -
GUIMARÃES FILHO, José Carlos de Moraes; MOURA, Diego Luz; ANTUNES, Marcelo Moreira. Quando a beleza põe a mesa: uma análise das condições de trabalho do profissional de educação física em mega-academias. Motrivivência, v. 23, n. 36, p. 197-213, jun.2011. DOI:10.5007/2175-8042.2011
» https://doi.org/10.5007/2175-8042.2011 - HANSEN, Roger; VAZ, Alexandre Fernandes. “Sarados” e “gostosas” entre alguns outros: aspectos da educação de corpos masculinos e femininos em academias de ginástica e musculação. Movimento, v.12, n. 1, p.133-152, jan./abr. 2006.
- HAUW, D. Psychologie du dopage. Louvain-La-Neuve: De Boeck Supérieur, 2016.
- IBARZÁBAL, Félix Arbinaga. Fisicoculturistas consumidores de esteroides anabolizantes y sus relaciones con la autodescripcíon física y la ansiedade social. Universitas Psychologica, v.10, n.1, p. 137-147, 2011.
-
IRIART, J.A.B; ANDRADE, T.M. Musculação, uso de esteróides anabolizantes e percepção do risco entre jovens fisiculturistas de um bairro popular de Salvador, Bahia, Brasil. Caderno de Saúde Pública, v.18, n.5, p.1379-1387, 2002. http://dx.doi.org/10.1590/S0102-311X2002000500031
» http://dx.doi.org/10.1590/S0102-311X2002000500031 -
IRIART, Jorge Alberto Bernstein; CHAVES, José Carlos; ORLEANS, Roberto Ghignone de; Culto ao corpo e uso de anabolizantes entre praticantes de musculação. Caderno de Saúde Pública, v.25, n.4, p.773-782, 2009. http://dx.doi.org/10.1590/S0102-311X2009000400008
» http://dx.doi.org/10.1590/S0102-311X2009000400008 -
KAYSER, Bengt; SMITH, Aaron C. T. Globalisation of anti-doping: the reverse side of the medal Current anti-doping policy is sufficiently problematic to call for debate and change. British Medical Journal, v. 337, n.7661, p. 85-87, 2008. https://doi.org/10.1136/bmj.a584
» https://doi.org/10.1136/bmj.a584 - KLEIN, Alan M. Little big men: bodybuilding subculture and gender construction. Albany: State University of New York, 1993.
- LE BRETON, David. Anthropologie du corps et modernité. Paris : Presses Universitaires de France, 1990.
- LE BRETON, David. Anthropologie de la douleur. Paris : Éditions Métailié, 2012.
- LOWE, Maria. R. Women of steel: Female bodybuilders and the struggle for self-definition. New York: New York University, c1998.
- MONAGHAN, Lee. F. Bodybuilding, drugs, and risk. London: New York: Routledge, 2001.
- OLIVEIRA, Alexandre Palma de et al. Culto ao corpo e exposição de produtos na mídia especializada em estética e saúde. Movimento, v. 16, n. 01, p. 31-51, jan./mar. 2010.
-
PEREIRA, Henrique M. G.; SARDELA, Vinicius F. Stimulant Doping Agents Used in Brazil: Prevalence, Detectability, Analytical Implications, and Challenges. Substance Use & Misuse, v. 49, n. 9, 1098-1114, 2014. https://doi.org/10.3109/10826084.2014.907653
» https://doi.org/10.3109/10826084.2014.907653 - PERERA, Éric. Emprise de poids: initiation au body-building. Paris: L’Harmattan, 2017.
-
PERERA, Éric ; GLEYSE, Jacques.Introduction. Body-building et mutation du corps dans nos sociétés modernes. Staps, v. 119, n.1, p. 7-10, 2018. doi:10.3917/sta.119.0007
» https://doi.org/10.3917/sta.119.0007 -
ROUSSEL, Peggy et al. The metamorphosis of female bodybuilders: Judging a paroxysmal body? International Review for the Sociology of Sport, v.45, n.1, p.103-109, 2010. DOI: 10.1177/1012690209353371
» https://doi.org/10.1177/1012690209353371 -
SABINO, César; LUZ, Madel. Forma da dor e dor da forma: significado e função da dor física entre praticantes de bodybuilding em academias de musculação do Rio de Janeiro. Physis, v.24, n.2, p.467-490, 2014. http://dx.doi.org/10.1590/S0103-73312014000200008
» http://dx.doi.org/10.1590/S0103-73312014000200008 - SABINO, César; LUZ, Madel; CARVALHO, Maria Cláudia. O fim da comida: suplementação alimentar e alimentação entre frequentadores assíduos de academias de musculação e fitness do Rio de Janeiro. História, Ciências, Saúde - Manguinhos, v.17, n.2, p.343-356, abr./jun. 2010.
- SANT’ANNA, Denise Bernuzzi de. Transformações do corpo: controle de si e uso dos prazeres. In: RAGO, Margareth; ORLANDI, Luiz B. Lacerda; VEIGA-NETO, Alfredo (Org.). Imagens de Foucault e Deleuze: ressonâncias nietzschianas.2. ed. Rio de Janeiro: DP&A, 2005. p. 99-110.Páginas do capítulo citado
-
SCHOTTE, Manuel. Les possibles corporels: support biologique, déterminations sociales. Revue Européenne des Sciences Sociales, v.54, n.1, p.201-220, 2016. https://doi.org/10.4000/ress.3520
» https://doi.org/10.4000/ress.3520 -
SHILLING, Chris; BUNSELL, Tanya. The female bodybuilder as a gender outlaw. Qualitative Research in Sport and Exercise, v.1, n.2, p.141-159, 2009. http://dx.doi.org/10.1080/19398440902909009
» http://dx.doi.org/10.1080/19398440902909009 - SOARES, Carmen Lúcia. A educação do corpo e o trabalho das aparências: o predomínio do olhar. In: ALBUQUERQE JÚNIOR, Durval Muniz de; VEIGA-NETO, Alfredo; SOUZA FILHO, Alípio de. Cartografias de Foucault. Belo Horizonte: Autêntica, 2008. p.69-82.
-
STREHLAU, Vivian Iara; CLARO, Danny Pimentel; LABAN NETO, Silvio Abrahão. A vaidade impulsiona o consumo de cosméticos e de procedimentos estéticos cirúrgicos nas mulheres? Uma investigação exploratória. Revista de Administração (São Paulo) v.50, n.1, p.73-88, 2015. http://dx.doi.org/10.5700/rausp1185
» http://dx.doi.org/10.5700/rausp1185 - TRABAL, Patrick. E se os esportistas que se dopam quisessem “fazer direito”? Movimento, v. 19, n. 04, p. 11-43, out./dez.2013.
- WORLD ANTI-DOPING AGENCY. Anti doping rules violations. London 2014.
-
1
Disponível em : http://www.abcd.gov.br/
-
2
Voir par exemple : http://www.abcd.gov.br/arquivos/bombatofora_apresentacao_ABCD.pdf
-
3
Ces informations peuvent être vues dans le site de l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques. https://www.sebrae.com.br/sites/PortalSebrae/ideias/como-montar-uma-academia-de-ginastica,80387a51b9105410VgnVCM1000003b74010aRCRD. Accès :15 juin 2018.
-
4
Cette enquête a été réalisée sur les sites de la base de données LILACS, BIREME et SciELO en mai 2017.
-
5
Natal est une ville qui a 877.662 des habitants et Aracaju est une ville qui a 571.149 des habitants, selon les informations du l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques. Disponible en : http://cidades.ibge.gov.br/xtras/perfil.php?lang=&codmun=240810 Accès 12 mai 2017
-
6
Les tests hors compétition représentent environ 10% des tests urinaires (549 sur 5518), les tests sanguins sont peu nombreux (total de 156), source : WADA, 2017, Anti-Doping Testing Figures, p. 12.
Publication Dates
-
Publication in this collection
25 July 2022 -
Date of issue
2019
History
-
Received
14 July 2017 -
Accepted
23 Feb 2019 -
Published
27 Mar 2019