TRADUÇÃO
Fusées
Para encerrar esta homenagem a Baudelaire, propomos a tradução do fragmento XV da série Fusées, que abre os Journaux intimes do poeta.
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Le monde va finir. La seule raison pour laquelle il pourrait durer, cest quil existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particulièrement à celle-ci: quest-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel? Car, en supposant quil continuât à exister matériellement, serait-ce une existence digne de ce nom et du dictionnaire historique? Je ne dis pas que le monde sera réduit aux expédients et au désordre bouffon des républiques du Sud-Amérique, que peut-être même nous retournerons à létat sauvage, et que nous irons, à travers les ruines herbues de notre civilisation, chercher notre pâture, un fusil à la main. Non; car ces aventures supposeraient encore une certaine énergie vitale, écho des premiers âges. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou anti-naturelles des utopistes, ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie. De la religion, je crois inutile den parler et den chercher les restes, puisque se donner la peine de nier Dieu est le seul scandale en pareilles matières. La propriété avait disparu virtuellement avec la suppression du droit daînesse; mais le temps viendra où lhumanité, comme un ogre vengeur, arrachera leur dernier morceau à ceux qui croiront avoir hérité légitimement des révolutions. Encore, là ne serait pas le mal suprême.
Limagination humaine peut concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres états communautaires, dignes de quelque gloire, sils sont dirigés par des hommes sacrés, par de certains aristocrates. Mais ce nest pas particulièrement par des institutions politiques que se manifestera la ruine universelle, ou le progrès universel; car peu mimporte le nom. Ce sera par lavilissement des curs. Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de lanimalité générale, et que les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme dordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie? Alors, le fils fuira la famille, non pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé par sa précocité gloutonne; il la fuira, non pas pour chercher des aventures héroïques, non pas pour délivrer une beauté prisonnière dans une tour, non pas pour immortaliser un galetas par de sublimes pensées, mais pour fonder un commerce, pour senrichir, et pour faire concurrence à son infâme papa, fondateur et actionnaire dun journal qui répandra les lumières et qui ferait considérer Le Siècle dalors comme un suppôt de la superstition. Alors, les errantes, les déclassées, celles qui ont eu quelques amants et quon appelle parfois des Anges, en raison et en remerciement de létourderie qui brille, lumière de hasard, dans leur existence logique comme le mal, alors celles-là, dis-je, ne seront plus quimpitoyable sagesse, sagesse qui condamnera tout, fors largent, tout, même les erreurs des sens! Alors, ce qui ressemblera à la vertu, que dis-je, tout ce qui ne sera pas lardeur vers Plutus sera réputé un immense ridicule. La justice, si, à cette époque fortunée, il peut encore exister une justice, fera interdire les citoyens qui ne sauront pas faire fortune. Ton épouse, ô Bourgeois! ta chaste moitié dont la légitimité fait pour toi la poésie, introduisant désormais dans la légalité une infamie irréprochable, gardienne vigilante et amoureuse de ton coffre-fort, ne sera plus que lidéal parfait de la femme entretenue. Ta fille, avec une nubilité enfantine, rêvera dans son berceau, quelle se vend un million. Et toi-même, ô Bourgeois, moins poète encore que tu nes aujourdhui, tu ny trouveras rien à redire; tu ne regretteras rien. Car il y a des choses dans lhomme, qui se fortifient et prospèrent à mesure que dautres se délicatisent et samoindrissent, et, grâce au progrès de ces temps, il ne te restera de tes entrailles que des viscères! Ces temps sont peut-être bien proches; qui sait même sils ne sont pas venus, et si lépaississement de notre nature nest pas le seul obstacle qui nous empêche dapprécier le milieu dans lequel nous respirons!
Quant à moi, qui sens quelquefois en moi le ridicule dun prophète, je sais que je ny trouverai jamais la charité dun médecin. Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont lil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et devant lui, quun orage où rien de neuf nest contenu, ni enseignement, ni douleur. Le soir où cet homme a volé à la destinée quelques heures de plaisir, bercé dans sa digestion, oublieux autant que possible du passé, content du présent et résigné à lavenir, enivré de son sang-froid et de son dandysme, fier de nêtre pas aussi bas que ceux qui passent, il se dit, en contemplant la fumée de son cigare: Que mimporte où vont ces consciences?
Je crois que jai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors-duvre. Cependant, je laisserai ces pages, parce que je veux dater ma colère.
tristesse
Charles Baudelaire
Publication Dates
-
Publication in this collection
14 Feb 2008 -
Date of issue
Dec 2007