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Sessão conjunta da secção de neuro-psiquiatria da Associação Paulista de Medicina e do Centro de Estudos Franco da Rocha

REUNIÕES CIENTÍFICAS

Em 18 de julho, o Dr. André Ombredane, professor de Psicologia Experimental da Universidade do Brasil, realizou, a convite de Arquivos de Neuro-psiquiatria, na Biblioteca Pública de S. Paulo, uma conferência sobre Delírios de Possessão. Os documentos utilizados nesta conferência serão publicados in extenso no terceiro volume (atualmente em impressão) dos "Études de Psicologie Médicale" do mesmo autor e que será entitulado "Troubles du caractère et délires". Publicamos, a seguir, o resumo da conferência do Prof. Ombredane.

L'idée délirante de possession est constituée par la croyance à la présence, dans le propre corps du sujet, d'une personnalité étrangère, animale ou humaine, responsable de sensations éprouvées, d'actions accomplies, de paroles prononcées, contre la vonté du sujet.

Ce phénomène, très anciennement connu, a été longtemps décrit dans le cadre des manisfestations hystériques (cf. l'ouvrage de Oesterreich). Etant donné la notion qu'on se faisait anciennement de l'hystérie: maladie d'origine génitale, liée à l'insatisfaction sexuelle, on se trouve ici devant l'idée que le démon possesseur est un tentateur, une entité qui fait faire au sujet possédé des actions que la personnalité de ce dernier réprouve, condamne, particulièrement des actes ou paroles obscènes et sacrilèges. D'où la notion que le délire de possession objective une obsession sacrilège, obscène, criminelle. Il a sur l'obsession, l'avantage, si l'on peut dire, de pousser l'obsession jusqu'à la réalisation partielle, (d'où un effet de décharge) et d'affranchir le sujet de toute responsabilité apparente. On peut dire, de ce point de vue, que la fonction du délire de possession est de réaliser un état d'irresponsabilité qui permette à la fois l'aveu et l'absolution.

En décrivant les délires de possession dans le cadre des délires hypocondriaques, des auteurs plus récents, comme Régis, ont cherché à souligner la présence, dans de tels delires, d'un trouble organique réel, bien que mal défini, atteignant la cénesthésie. Sous cet angle, le délire hypocondriaque de possession ne serait qu'un délire d'interprétation de symptômes organiques. C'est ainsi que Régis écrit: "Tel est le délire de possession corporelle par des animaux, des êtres vivants, des démons, ayant souvent pour point de départ des tumeurs abdominales, de la dilatation d'estomac avec zones douloureuses de Head, des contractions intestinales ou de simples borborygmes bruyants".

Des auteurs contemporains, plus orientés vers la justification psychologique des symptômes et formés à l'école du Freudisme, comme Stekel, ont attribué une importance primordiale au caractère sacrilège, obscène, criminel, des sensations et des gestes imputables à l'être possesseur. Selon Stekel, le délire hypocondriaque de possession serait une maladie de talion. La maladie serait une punition et l'organe affecté exprimerait symboliquement la faute, une faute essentiellement liée à l'activité sexuelle.

Presque toujours il s'agirait de sujets qui évitent l'acte sexuel normal parce qu'il ne représente pas pour eux la satisfaction adéquate, et parce que ces sujets ont le sentiment que l'acte sexuel leur fait perdre, à chaque fois, des forces de vie. D'où la plus grande fréquence des délires hypocondriaques chez les individus du sexe masculin. Des remords d'onanisme jouent régulièrement ici un grand rôle. Dans ces conditions, le désir sexuel de l'hypocondriaque s'orienterait vers des paraphilies dans lesquelles des organes non génitaux prennent une valeur sexuelle. Mais l'hypocondriaque a peur de cette orientation de sa sexualité et son angoisse vient du refoulement de la tendance à la paraphilie.

De là une tendance générale de ces hypocondriaques à l'ascétisme. Quand l'hypocondriaque, écrit Stekel, se fait végétarien, cesse de fumer, de boire, tout cela n'est que châtiment et repentir. Ainsi, le délire de possession hypocondriaque marquerait l'échec du refoulement, ou, du moins, il réaliserait, dans le même temps, d'une part la défaite de la volonté sans responsabilité, le plaisir sans la faute, et d'autre part, mérite par la lutte et l'effort ascétique.

À la solution de ce problème, le Dr. André Ombredane apporte, comme contribution personnelle, l'étude d'un cas de délire hypocondriaque de possession quil suit depuis trois années environ. Il s'agit d'un homme d'une quarantaine d'années qui s'est adressé au médecin non tant pour être délivré de sa possession que pour "donner à la Science des preuves concrètes de l'existence d'êtres invisibles, capables d'influencer le corps humain et de modifier sensiblement ses conditions d'existence". Cet homme est un allemand, catholique, anti-nazi, qui s'est livré, depuis longtemps, à des manifestations publiques contre l'hitlérisme.

Il se dit possédé par une entité masculine qu'il appelle "l'intrus". Cet intrus provoque un grand nombre de troubles dans son organisme, particulièrement des "vibrations" intenses, très désagréables. Un des buts principaux de l'intrus est de provoquer des érections, de susciter des tentations de masturbation, de pousser le possédé vers des petits garçons, vers des hommes. Ces tentations provoquées se produisent avec une grande vivacité dès qu'il se met en prière. Notre sujet s'ingénie à empêcher l'intrus de monter dans le cerveau, poste de commande de tous les troubles. Il emploie à cette fin de multiples procédés de défense; le plus efficace étant l'application de pierres de champhre sur les voies de passage de l'intrus vers le cerveau. Ainsi est il arrivé à porter un véritable collier de pierres de camphre, à fixer des pierres de camphre sur ses tempes à l'aide d'un sparadrap, à rêver de pouvoir recouvrir son corps entier d'une cuirasse de pierres de camphre.

En mêmet temps que le syndrome de possession corporelle, le sujet présente un syndrome d'interprétation des propos et gestes de son entourage. Les "mauvaises langues" le traitent de "moleque" ce qui, selon lui, signifie homosexuel: on l'accuse, par insinuations, de se livrer à la prostitution masculine. La police, complice, le surveille à l'aide d'un appareil mystérieux capable d'enregistrer les vibrations du corps par lesquelles se distinguent, croit-il, les homosexuels. Ainsi se manifeste la liaison entre le syndrome possession et le syndrome interprétation: En provoquant dans son corps des vibrations caractéristiques des homosexuels, l'intrus veut le faire passer, aux yeux de tous, pour un homosexuel.

La recherche des facteurs de ce délire nous met en présence d'un certain nombre de déterminismes, appartenant à des ordres différents, qui on dû composer de telle sorte que, peut-être, chacun d'eux, à lui seul, eût été insuffisant à provoquer l'éclosion du délire. À ce propos l'auteur rappelle le schéma d'explication proposé par Kretschmer pour son Sensitive Besichungswahn. Ce schéma établit la nécessité du concours des facteurs suivants: 1) Constitution; 2) Milieu; 3) Événements; 4) Déficience momentanée des résistances organiques.

Chez notre sujet on recontre les facteurs de délire suivants:

1 - Une existence difficile et pauvre, inquiète et errante, au cours de laquelle il s'est vu forcé, à plusieurs reprises, de fuir le pays où il se trouvait pour échapper aux persécutions possibles de la Gestapo. C'est ainsi qu'il a dû fuir successivement de l'Allemagne, de la Sarre, de l'Autriche, de la Belgique et se réfugier au Brésil.

2 - Une orientation sentimentale comportant le choix du père et la répudiation de la mère, l'affiliation à des collectivités masculines, le respect instinctif des personnalités masculines incarnant l'autorité paternelle. Une hétérosexualité peu agressive, facilement défaillante et prompte à accepter la répudiation de la composante physique, à laquelle il a renoncé depuis des années, sous un prétexte d'ascétisme.

3 - Une compensation narcissique s'épanouissant dans un effort de perfectionnement du moi, dans un désir du don de clairvoyance, dans un appétit de mériter l'affection et la reconnaissance des hommes.

4 - Une affiliation aux doctrines occultistes et une discipline personnelle d'ascétisme, comportant le végétarisme, la sobriété, la chasteté, ainsi que des exercices de méditation, de concentration, d'attention aux mouvements organiques.

5 - Une débilitation organique coïncidant avec une transplantation dans un climat et un milieu humain favorables au réveil des excitations sexuelles.

6 - Une orientation sentimentale vers un homme, un occultiste, choisi par notre sujet comme guide, comme conseiller spirituel.

7 - Des manifestations publiques anti-nazistes, de la part du sujet, rapidement condamnées comme criminelles par l'occultiste choisi pour guide, un allemand nazi: d'où la notion de faute contre la Patrie - le Guide le Père, d'où le sentiment d'être haï par l'être vers lequel notre sujet est attiré par ce que Freud appellerait une "homosexualité sublimée". D'où le besoin de haïr en retour.

8 - Un épisode initial d'où est née la première impression de possession: un état de cataplexie du réveil, accompagné d'hallucinations visuelles, qui a donné à notre sujet la conviction que l'occultiste était venu "visiter son corps astral".

9 - Par la suite, au cours du développement du délire de possession, un ensemble de phénomènes cénesthopathiques certains, venant prêter appui aux "migrations" de l'intrus dans le corps possédé.

10 - Le commerce du malade avec le médecin, avec les étudiants auxquels il a souvent exposé le détail de ses tribulations, a modifié nettement le délire dans un sens de satisfaction. La convulsothérapie (une dizaine de chocs cardiazoliques et une dizaine d'électrochs) est restée sans effet.

Il nous faut maintenant comprendre le délire de possession de Ern., "comprendre" c'est à dire en saisir non seulement le mécanisme mais encore la finalité. Il nous faut définir le problèm d'inadaptation psychologique auquel il répond et la solution qu'il prétend apporter. Cette nécessité de chercher la signification du délire s'impose d'autant plus que nous trouvons en présence d'une construction paranoiaque bien plus que d'une construction schizophrénique ou, pour employer le langage kraepelinien, d'une forme paranoide de la démence précoce. En dehors de son délire, Ern. ne s'est jamais manifesté à nos yeux comme un discordant, mais, au contraire, comme un homme attentif, aimable, serviable, prompt à saisir et devancer, au besoin, l'intention de l'interlocuteur, également désireux de donner et de recevoir des témoignages de sympathie, capable de lire et d'écrire avec continuité, capable d'analyser les événements el de raisonner sur eux, sans jamais montrer de ces vides brusques de la pensée, de ces incapacités de suivre un idée, qui appartiennent au dément précoce. Aussi bien, l'indication du Rorschach est-elle ici précieuse: Ern. n'est pas un introverti; son extratensivité est très nettement affirmée dans le test, et ceci vient confirmer l'opinion à laquelle nous sommes arrêtés dans l'examen des "propos blessants" qui parviennent aux oreilles de Ern.: il s'agit d'interprétations bien plutôt que d'hallucinations.

La signification de la possession de Ern. ressort déjà clairement des analyses qui précèdent: c'est une manoeuvre homosexuelle à laquelle Ern. refuse de se soumettre. Déjà le sens erotique du mot "posséder" doit être retenu: Ern. est possédé par une entité masculine qui prétend jouir de son corps, qui le pousse à la masturbation, qui lui fait éprouver, par les pollutions nocturnes, des satisfactions sexuelles interdites, qui entre et sort par la verge et par l'anus. Les dernières déclarations de Ern. sont d'ailleurs très nettes: l'intrus le pousse vers des hommes, de petits garçons, des images masculines. Il n'est pas jusqu'aux paroles blessantes que Ern. croit entendre qui ne confirment ce jugement: on le traite de "moleque", c'est à dire, croit-il, d'homosexuel. La police le surveille par un appareil spécial, et cet appareil aurait la propriété de déceler dans les corps les vibrations caractéristiques des homosexuels. Or, ces vibrations, il les éprouve, l'intrus les provoque en lui, l'intrus veut donc le faire passer pour un homosexuel. La possession de Ern. exprime une répudiation de tendances à l'homosexualité passive, et, naturellement, on peut dire que la puissance de la répudiation est fonction de la puissance de l'impulsion.

Que cette impulsion soit refoulée, camouflée, cela est certain, et on peut prendre comme un bon indice de ce refoulement et de ce camouflage l'intérêt que Ern. port à cette région montagneuse du Corcovado où se dresse la statue monumentale du Christ. Ern. croit qu'il y a là un lieu de rendez-vous nocturnes des homosexuels en mal d'orgies, et à ce titre, il conviendrait qu'on ne l'y rencontrât point, mais le caractère sacré du lieu fournit le prétexte et l'excuse: Ern. en fait volontiers le but de ses promenades solitaires et il s'y rend dans la nuit de Noël pour prier aux pieds de l'effigie du Sauveur. C'est dans cette région que se trouve le principal poste d'observation de la police. C'est à propos d'elle, à propos d'une excursion faite jusq'à ce lieu, avec des émigrants en escale, que se manifestent les premiers symptômes d'une activité délirante, plusieurs mois avant le début de la possession.

Par le mécanisme bien connu de la projection, Ern. attribue à une influence étrangère les impulsions qu'il éprouve, il rejette sur son intrus la responsabilité de ces inlpulsions; plus exactement, il dissocie de sa personnalité ces impulsions, pour les considérer comme des éléments étrangers, parasites, intolérables, haissables, et ces impulsions sont homosexuelles.

Le cas de Ern. s'intègre facilement dans la conception freudienne de la paranoia. Nous savons en effet que, selon Freud, "il existe une relation intime, peut-être même constante, entre la paranoia et les fantasmes de désirs homosexuels... Les traits saillants de la production de la paranoia sont les humiliations, les rebuffades sociales, tout particulièrement quand il s'agit de l'homme. Mais, y regardons-nous un peu plus en profondeur, nous voyons alors que la participation de la composante homosexuelle de la vie affective à ces blessures sociales est ce qui réellement agit sur ces malades... Les paranoiaques cherchent à se défendre d'une telle sexualisation de leurs investissements instinctuels sociaux".

En d'autres termes, selon Freud, le paranoïaque est un sujet dont la sexualité infantile comporte une fixation à des objets homosexuels mais qui a sublimé cette homosexualité (goût des rapports sociaux avec les hommes). À la suite d'une frustration consistant soit en une déception vis à vis de la femme, soit en un échec dans les rapports sociaux avec les hommes, à la suite aussi d'une exaltation de la libido, il éprouve un renforcement brusque de la libido homosexuelle contre lequel il se défend. La libido se détache des objets homosexuels auxquels elle était primitivement attachée et se fixe sur le moi, s'attache à l'amplification du moi, régresse de l'homosexualité sublimée au narcissisme. Telle est l'idée freudienne, mais on ne doit pas négliger la prudence avec laquelle Freud l'a proposée. "Nous considérons donc, a-t-il écrit, que ce fantasme de désir homosexuel: aimer un homme, constitue le centre du conflit dans la paranoïa de l'homme. Mais nous n'oublions pas que la confirmation d'une hypothèse aussi importante ne pourrait se fonder que sur l'investigation d'un grand nombre de cas, où toutes les formes que peut revêtir la psychose paranoïaque seraient représentées. Aussi, sommes-nous tout prêt à limiter, le cas échéant, notre assertion à un seul type de paranoia".

Comme nous l'avons déjà indiqué, orientation très probable du choix parental vers le père qui est mort quand Ern. avait sept ans. La mort du père a introduit la gêne dans la famille et rendu la vie matérielle difficile. À travers Jes confidences de Ern., la mère prend figure d'un être nerveux, irritable, imposant à son fils des labeurs servilles qui entravent les études scolaires; elle a, dit Ern., élevé les enfants "sévèrement". En revanche, le souvenir du père a quelquer chose de dilaté, de rayonnant, et l'incident de l'enfance auquel Ern. voit son père mêlé est une occasion de tendresse et de remords: "mon père a été puni de ce que j'avais fait". Un tel choix parental suppose une domination du complexe oedipien, un désir d'identification avec le père, une répudiation de l'objet féminin, un développement ultérieur de tendances non agressives, non violatrices, une soumission respectueuse à la loi des hommes.

Par la suite, la répudiation de l'objet féminin s'affirme, après des déception évidentes dans la recherche des satisfactions hétérosexuelles. La peur des prostituées et même des ouvrières "très erotiques" que Ern. avait eu sous ses ordres en usine, est déjà significative, car bien faible est l'impulsion hétérosexuelle qui ne parvient pas à surmonter de telles craintes chez un garçon de cet âge. Les liaisons que Ern. eut plus tard n'ont jamais été triomphantes: respect de la "jeune fille" qui s'offre et se donnera peu après à un autre, abandon immédiat à un rival de la femme désirée ou déjà possédée, remords à l'idée de "tromper le mari" d'une amante, impuissance occasionnelle, recherche exclusive de la "merveilleuse" amitié féminine. On se rappelle l'idéal féminin de Ern., une femme âgée qui n'exige pas de satisfactions sexuelles, à qui même on permet de les prendre discrètement dehors, une femme riche qui soit avant tout la collaboratrice, qui assure l'ascension sociale, un alter-ego-complémentaire en somme, idéal narcissique.

Vis à vis des hommes, aucun épisode pédérastique, aucune tentation avouée de ce genre, en dépit des quelques tendances hypochondriaques avec préoccupations anales qui apparaissent déjà dans l'horoscope édifié par un ami, mais un ensemble d'attitudes sociales qui correspondent à ce que Freud considère comme une sublimation de la composante homosexuelle: désir de l'amité et du soutien des hommes, désir d'accomplir une mission terrestre^ d'enseigner le peuple, d'atteindre à la clairvoyance et au don de prophétie pour conduire des hommes à travels les ténèbres de l'avenir. Tout cela sans agressivité, sans révolte, avec la volonté de recourir à des méthodes d'ascétisme, d'humiliation, et de renier en soi la virilité. Les déclarations de Ern. sont fort nettes: pour l'atteinte du but q'uil se propose, "un organisme brutal, très viril, est un obstacle. Ceux qui réussissent sont généralement des sujets un peu fragiles,, délicats, de constitution fine; les femmes sont avantagées par leur nature. L'aspirant à la clairvoyance doit non seulement se dominer, mais encore s'humilier, servir. La continence sexuelle est la condition fondamentale du succès. L'abus de la force créatrice a des conséquences funestes". L'idéalisme de Ern. se maintient dans la ligne de la soumission au Père et même d'une soumission mas'ochiste, féminine.

Il est indispensable, pour comprendre le délire de Ern., de suivre, dans sa vie, ce qu'on peut appeler les incarnations du Père, car il est évident que le choix d'un guide a toujours été un de ses soucis primordiaux.

Ern. présente à un haut degré ce qu'on peut appeler la tendance à l'affiliation.. Il parle avec admiration des personnes versées dans l'occultisme qu'il a connues, de l'astrologue qui a fait son horoscope, des donneurs de conseils appartenant à cette école d'occultisme américaine qu'il consulte toujours. Nous avons vérifié la sincérité de sa déférence vis à vis des directeurs du centre spirite où nous l'avons accompagné. Nous avons eu des marques de sa soumission aux médiums qui furent ailleurs chargés de sa cure. Sa suggestibilité apparaît nettement dans les résultats des "expériences" auxquelles il s'est soumis sous nos yeux, dans le centre spirite.

Mais une place d'élection doit être accordée à l'occultiste auquel Ern. attribue la première possession de son corps, en septembre 1941. Cet occultiste, Ern. lui a demandé de le guider dans son effort vers la clairvoyance, et la facilité avec laquelle il a accepté ses protestations, l'empressement avec lequel il lui a envoyé les excuses réclamées, ne manquent pas d'être surprenants. Nous sommes inclinés à penser que l'intrus de Ern. n'est, au fond, qu'un succédané de cet occultiste, et que le possesseur n'a jamais cessé d'être le même que celui de la première heure, c'est à dire l'occultiste en question. Ce qui ne veut pas dire, évidemment, que ce personnage ne soit pas, en grande partie, symbolique, qu'il n'incarne pas un groupe de personnalités congruentes, du type paternel.

Or, cet occultiste est, pour Ern., un nazi. Il a sévèrement reproché à Ern. ses activités anti-nazistes. Il représente le guide offensé, il représente l'autorité virile naziste attaquée et ripostant à l'attaque. D'où l'on arrive facilement à cette opinion qu'à l'origine du délire de Ern. il y a le sentiment d'une faute grave vis à vis du groupe Père-Viril-Nazi, groupe derrière lequel se dresse la silhouette dominatrice et brutale du prophète nazi. Aussi bien Ern. déclare-t-il volontiers qu'à son sens, Hitler est "un occulte démoniaque". Ern. est allemand, il a péché contre la Patrie, et nous attirons l'attention sur l'étymologie de ce mot Patrie où s'incarne l'autorité du Père, une Patrie, un Père, qui pousse la virilité jusqu'au sadisme. Ern. a contribué et il contribue encore aux malheurs prévus par les prophètes anciennes pour cette Patrie. Comme au temps où son père avait été blessé par l'aiguillon des abeilles, le Père sera "puni à cause de ce qu'il aura fait". Le souvenir qui est revenu à la pensée de Ern., au réveil, le lendemain du jour où il s'était demandé s'il nWpiaiat pas quelque faute passée, apporte ici une indication précieuse; ce souvenir se rapporte aux activités du groupe anti-naziste auquel Ern. appartenait en Allemagne. De même, l'autre fait mentionné par Ern. parle dans le même sens: l'impression, au cours du sommeil, qu'on lui tord le bras et qu'on veut le torturer, le crucifier. Nous avons même pensé que dans cette action imaginaire sur le bras de Ern. il était possible de voir comme une contrainte à faire le salut naziste, mais Ern. s'est défendu contre cette interprétation.

Le premier symptôme de la possession s'est manifesté au moment où s'est posé pour Ern. le problème de la faute au regard de l'homme qu'il voulait prendre pour guide, l'occultiste supposé nazi.. Dans le même moment iî se donne au guide et il se sent coupable à son regard. Sa libido homosexuelle sublimée le pousse vers cet homme, dans le temps où son Moi raisonnant le répudie. Le Moi raisonnant répudie du même coup la tendance libidineuse homosexuelle par le fantasme de la possession. On veut le faire passer pour un homosexuel; ses impulsions libidineuses ne lui appartiennent pas, ne viennent pas de lui. Le délire répond à un besoin de justification. Le guide aimé a manifesté sa haine, il doit être haï. Et l'on voit toute la charge qu'à la répudiation de l'occultiste sont venues apporter les répudiations passées du groupe Père-Viril-Nazi. Les expulsions successives de l'Allemagne, de la Sarre, de l'Autriche, de la Belgique, ont préparé, ont chargé d'un lourd potentiel, la répudiation plus récente de l'occultiste, lui ont donné une force qu'elle n'aurait sans doute pas eue sans cela.

On peut voir une autre incarnation du même groupe Père-Viril-Nazi dans la Police brésilienne qui surveille Ern., surtout si l'on note que le délire de Ern. s'est organisé en un temps où le Brésil n'avait pas encore modifié son attitude officielle vis à vis de l'Hitlérisme.

Aux conditions de constitution et d'histoire individuelle que nous venons d'envisager, se joignent des conditions prédisposantes: La poussée libidineuse certaine qui s'est produite sous le climat du Brésil, évidemment exaspérée par la chasteté, l'orientation spirituelle de Ern. vers les doctrines occultistes où la possession se présente comme un phénomène objectif reconnu, le grand développement, au Brésil, des institutions et des rites spirites, à côté des "macumbas" noires dont le tam-tam s'entend parfois au loin, sur les monts boisés qui entourent la ville.

Une condition déclenchante: l'épisode de cataplexie très probable, avec son cortège d'illusions sensorielles, au cours duquel s'est affirmé pour la première fois, dans la maison de l'occultiste, le sentiment de la possession.

Ajoutons enfin des conditions d'entretien: les phénomènes cénesthésiques certains sur lesquels s'appuient les interprétations de Ern. quand il suit les attaques et les migrations de son intrus. Le trajet des migrations que Ern. nous décrit comme se faisant au long des artères ou des nerfs, correspond très vraisemblablement à la répartition de certains éléments du réseau sympathique. Le fait que la position couchée facilite" l'envaihissement du cerveau, indique évidemment que des sensations liées à la congestion du cerveau viennent jouer dans l'interprétation de Ern., et lui-même, au demeurant, déclare que "l'intrus a besoin du sang pour se maintenir dans le cerveau". La sensibilité des impressions de possession au bon et au mauvais sommeil, aux aliments, au thé et au café, voire aux divers procédés de défense qu'emploie Ern: pressions, succion, bâillement, bain froid, électricité, applications de camphre etc... atteste l'existence d'une fourniture cénesthopathique à l'entretien du délire de possession. L'épreuve de Bonnier-Assuero apporte d'ailleurs une contre-épreuve intéressante: sous l'influence du liquide de Bonain porté au niveau de la muqueuse nasale, Ern. a senti se modifier l'action de son intrus, dans un sens correspondant parfaitement à l'action objective de l'anesthésique sur le réseau nerveux. Il serait évidemment absurde de considérer la fourniture cénesthopathique comme le primum movens du délire, elle ne fait que lui prêter appui.

On ne saurait négliger non plus, au titae des facteurs qui ont pu réduire momentanément la résistance de Ern., la pauvreté où il se trouvait, l'alimentation insuffisante dont il se contentait, les fatigues dont il souffrait à une époque "où il se trouvait, dit-il, aux prises avec des difficultés matérielles presque insurmontables".

Telle nous apparaît la Paranoia de Ern. le possédé. On voit que le mécanisme n'en est pas simple, que des déterminismes assez divers y ont contribué, que les facteurs de constitution, de milieu, d'histoire individuelle, d'état physique, y trouvent chacun sa place. On peut même se demander, en présence de tels cas, jusqu'où va la croyance du malade en son délire et s'il n'envisage pas sa construction non tant comme une chose qui est vraie que comme une chose qui doit être vraie, d'où les efforts qu'il consacre à en faire Ja démonstration: problème de l'imposture paranoiaque.

  • 1. S. Freud - Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoia (le Président Schreber) - Publiées dans le recueil français: Cinq Psychanalyses, pp. 348-366.
  • Sessão conjunta da secção de neuro-psiquiatria da Associação Paulista de Medicina e do Centro de Estudos Franco da Rocha

    Presidente: Prof. Adherbal Tolosa
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    Nous voyons donc la concordance générale de la ligne délirante de Ern. et du schéma freudien de la paranoia. Mais il convient de démêler les divers facteurs qui ont pu contribuer à cette construction délirante, les "filons" originairement indépendants que l'événement conduits à se rencontrer et à devenir, par un effet de surdétermination réciproque, les moments du délire de possession. Et il n'est pas en contradiction avec l'idée freudienne de répartir ces facteurs déterminants, ces "filons" ouverts à l'investigation, selon les catégories que distingue Kretschmer à propos de son Sensitive Besiehungswahn: 1) facteurs constitutionnels; 2) influences passées et actuelles du milieu et réactions à ces influences; 3) événements favorables à l'éclosion du délire; 4) facteurs pathologiques provoquant une défaillance brusque des systèmes de résistance. Ajoutons que, dans le cas de Ern., une remarque préalable est à faire: nous avons suivi son délire de possession pendant trois années consécutives environ, à partir de son début, mais l'évolution de ce délire est loin d'être achevée et nous ne pouvons pas penser tenir déjà en main tous les éléments de cette reconstruction compensatrice à laquelle Freud voit tendre le délire paranoiaque. On peut même dire que Ern. n'est pas encore parvenu à dominer le conflit dont il souffre et qu'il est normal d'attendre de lui, pour un temps à venir, une orientation nouvelle des idées délirantes qui apporte la solution du conflit et la reconstruction. Il n'est pas téméraire, au demeurant, d'escompter cette orientation vers une forme de délire de grandeur. Cela dit, passons à l'analyse.
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      02 Mar 2015
    • Date of issue
      Sept 1944
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