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50 ans et les 5 é-principes de le science de l'information electronique

EDITORIAL

50 ans et les 5 é-principes de le science de l'information electronique

Souhaiter un bon 50 ème anniversaire, un bon demi-siècle à l'IBICT et à la communauté brésilienne de Science de l'information est pour moi un plaisir et un honneur.

Plaisir de congratuler une institution, une revue qui ont oeuvré à la défense et à l'illustration de la science brésilienne de l'information.

Honneur d'être considéré par votre communauté comme un peu l'un des vôtres pour avoir contribué à faire entendre ma voix en brésilien (elle l'est aussi en roumain depuis quelques mois!) et de vous écrire à nouveau, un éditorial cette fois. C'est-à-dire que l'espace d'un instant, je deviens l'éditeur de votre revue et que donc vous m'accordez le privilège de commettre un article d'orientation générale. Cette petite pièce de littérature, je ne la ferai pas anodine. Editer en science, c'est dire ce que l'on pense être un devenir pour une science. C'est encourager les révolutions scientifiques, les ruptures annonciatrices de jours meilleurs, de sociétés meilleures pour le bien-être des pratiquant(e)s de cette science c'est-à-dire encourager le progrès scientifique.

INTRODUCTION

Voici donc pour vos 50 ans 5 cadeaux épistémologiques sous forme de ce qu'on appelle des principes scientifiques directeurs, caractéristiques des nouveaux paradigmes informationnels qui sont à l’œuvre aujourd’hui en science et en technologie de l’information électronique : le principe productiviste, le principe interactionniste, le principe consumeriste, le principe métrique et le principe électronumérique.

Force est de constater que nous sommes en face d’une science et d’une technologie déchaînées, turbulentes. Nous avons de ce fait à maîtriser un ensemble explosif en nombre et en variété de connaissances scientifiques et techniques qui se singularise par :

- un surgissement ininterrompu de concepts, de méthodes, de modèles, de lois, etc.

- une exponentiation des débits de transmission des signaux électriques, des capacités de mémorisation, des flux de traitement des données informatiques, etc.

La connaissance vraie comme le disait DESCARTES doit commencer par la recherche des principes (les connaissances premières) puis en déduire des certitudes. Ce qu’il reprochait aux disciplines qui lui avaient été enseignées, c’est d’abord de ne pas reposer sur des fondements solides et ensuite de se limiter au vraisemblable. On connaît le rôle important des principes qui orientent la pensée scientifique. Celle-ci a besoin dans les différents domaines où elle s’exerce de principes directeurs qui orientent les recherches, qui unifient les théories. Pour le pire et le meilleur Ces guides très généraux de la pensée scientifique constituent un ferment générateur de découvertes pouvant se révéler à la longue un obstacle à leur développement. Ces principes ne sont le plus souvent que des représentations plus ou moins métaphoriques d’un ensemble de phénomènes. Mais attention, si l'analogie reste un concept interdisciplinaire fécond qui facilite le déplacement des idées d'un domaine à un autre, elle peut aussi bloquer pendant longtemps les progrès de l'intelligence d'un phénomène. Ainsi, l'analogie de l'irrigation en physiologie a longtemps bloqué les progrès de l'intelligence de la circulation du sang. Et nous pensons que, de la même façon, l'analogie de la transmission d'un signal électrique utilisée aveuglément par les sciences sociales et humaines a bloqué, en science de la communication et en science de l’information, les progrès de l'intelligence de la communication des informations, phénomène social et humain par excellence.

I – LE PRINCIPE PRODUCTIVISTE (É-CONSTRUCTION)

L'arrivée de l'électronique qui s'est traduite par le passage des supports traditionnels, papier, film, etc. à des supports électromagnétiques et optoélectroniques, puis le développement de l'informatique et de la transmission à distance des signaux électriques porteurs d'informations (télécommunication) n'ont fait que renforcer les tendances productivistes en matière d’information. Par ailleurs, la professionnalisation généralisée de la recherche, autant universitaire qu’industrielle, a conduit, nous le savons, les hommes et les femmes (elles sont encore peu nombreuses) qui se consacrent à la recherche, à attendre de l’université, de l’entreprise non seulement un statut mais aussi un revenu, de façon directe pour les chercheurs industriels, de façon indirecte pour les universitaires. Cela est une cause aiguë de dérèglement dans la mesure où la publication d'un article a cessé d'avoir pour but la consécration, mais est un impératif fondamental pour obtenir ou conserver un emploi.

La quantité donc, mais qu’en est-il de la qualité ? Pour l’évaluer, on fait appel aux citations. À en juger par le très faible nombre de citations reçues par les articles (plus de 60% ne sont jamais cités), trop de publications de peu de qualité sont produites. Pour lutter contre cette sur-production de mauvaise qualité, J.D. BERNAL proposa en 1948 d’abolir les revues scientifiques et d’établir une distribution centralisée des articles (l’ancêtre de nos banques de prépublications). Cette proposition provoqua des réactions hostiles de la part des sociétés savantes et des éditeurs qui obtinrent que sa communication ne soit pas présentée pendant la conférence. Mais il avait le tort aussi, en début de guerre froide, d’avoir pris parti pour le camp socialiste ! Plus récemment, J.C. GARDIN parlait de surproduction des publications en sciences humaines. N'est-il pas alors temps de trouver, grâce à la vivacité du support électronique, des solutions à ce fameux dilemme ? De réintroduire ce que les procédures de contrôle, de codification, avaient presque totalement évacué, c'est-à-dire les controverses scientifiques. L’article, rendu public sous la seule responsabilité de son (ou ses) auteur(e) peut faire l'objet d'un débat qu’il(elle) clôturera une fois la controverse éteinte. L'auteur(e) (ou les auteur(e)s) décidera alors de son archivage ou non, c'est-à-dire de sa publication définitive.

II - LE PRINCIPE INTERACTIONNISTE (É-COMMUNICATION)

Les communautés scientifiques et professionnelles sont avant tout des réseaux d'organisations et de relations sociales formelles et informelles remplissant plusieurs fonctions. L'une des fonctions dominantes est la fonction de communication.

Malheureusement,on a commis en science de la communication (et en science de l’information) la confusion conceptuelle qui consiste à considérer comme analogues le concept "d'information" de la théorie mathématique de la transmission des signaux électriques et le concept d'information du processus de la communication humaine. Emboîtant les pas de SHANNON et WEAVER, toute la communauté des "gens de l’information et de la communication" a été victime ou complice d'une erreur rendue possible par cette analogie (voir plus haut). On règle donc sur le mode de la transmission des signaux électriques, les communications humaines qui, de ce fait, ne peuvent que demeurer autoritaires, directives, unidirectionnelles. Le modèle résultant, très largement répandu et enseigné, en particulier, dans les écoles de journalisme et les départements de science de la communication des universités, met en situation un "émetteur" qui "communique" un message au "récepteur". Il y en a un qui parle ; les autres, c’est une “ bande de muets ” (BATESON). Journaux, télévision, radio, tous les médias dits de “ masse ” (ou plus exactement pour influencer les masses) fonctionnent sur ce modèle, la théorie des mass-media tentant alors d'expliquer la distribution de l'information dans le public sous l'influence des médias et des médiateurs, les journalistes. Ce modèle atténué (car il n’y a pas encore de publicité) est bien sûr à l’œuvre dans les secteurs de la documentation, des bibliothèques, des musées et des archives.

Il l’est beaucoup moins sur Internet, le développement des messageries électroniques, des listes de discussion, des forums, des collaboratoires, du travail collectif assisté par ordinateur, etc. (qui doit beaucoup aux chercheurs en science de l’information et en informatique) ayant réintroduit cette dimension interactive que les procédures autoritaires avaient évacuée.

III - LE PRINCIPE CONSUMERISTE (É-USAGER)

Le but ultime d'un produit d'information, d’un service d’information, d'un système d'information, doit être pensé en termes des usages qui sont faits de l'information et des effets résultant de ces usages sur les activités des usagers. La fonction la plus importante du produit, du système est donc bien la façon dont l'information modifie la conduite de ces activités. Ils doivent de ce fait être "orientés-usager".

Mais cette centration sur l’usager entraîne un nouveau taylorisme/fordisme. En effet, alors que ce dernier semble disparaître dans le secteur secondaire, industriel, il se développe dans le secteur tertiaire, celui des services. De nouvelles formes de pression sur les travailleurs et les travailleuses apparaissent liées surtout à l'exigence de l'usager, du client. De façon paradoxale, c'est dans ces métiers de plus en plus nombreux, métiers de contact avec les usagers que se trouvent les formes de travail les plus dures, les plus proches du taylorisme, même si ces tâches comportent un aspect relationnel.

Attention, aussi ! Néolibéralisme aidant, l’usage de l’information et des services d’information ne rimant pas forcément avec gratuité, client et consommateur sont donc apparus :

- dans le secteur public, la marchandisation des produits culturels est rampante. La Bibliothèque Nationale de France fait payer un droit d’entrée. Le droit de prêt a été imposé, non sans malhonnêteté, par les éditeurs aux bibliothèques publiques.

- dans le secteur marchand, on mène des explorations systématiques pour mettre à jour les pratiques des usagers des sites Web et identifier des comportements types, le but de ces méthodes étant d’arriver à convertir un visiteur en un acheteur, l’é-client.

IV - LE PRINCIPE METRIQUE (É-MÉTRIE)

Il existe, dans le domaine de l’information, des régularités, des distributions et des rapports mesurables, universels. Mais ce n’est que très récemment que le corps de ces connaissances mathématiques a été rassemblé et a commencé à avoir des débuts d’applications des secteurs culturels aux secteurs marchands de l’information donnant naissance à l'infométrie et à ses dépendances, la bibliométrie, la muséométrie, la médiamétrie, la scientométrie et la webométrie.

Ainsi aujourd’hui, dans le secteur de la culture, de l’éducation, de la recherche, une bonne gestion des services publics nécessite de plus en plus l’utilisation d’une large gamme d’outils de gestion adaptés aux contextes culturels, éducatifs, scientifiques, à la taille et au caractère du service. Ce sont des outils d’analyse des besoins d’information de la communauté desservie, des outils de pilotage et d’évaluation et des outils de mesure des performances, permettant à l’établissement de disposer d’une batterie d’indicateurs de performance.

À l’autre extrême, la démarche marchande particulièrement envahissante sur Internet et dans les médias, audiovisuels entre autres, entraîne la réalisation d’analyses statistiques élaborées de la “ relation client ” (Customer Relationship Management (CRM)) et des audiences : audience par heure, date (jour, semaine, mois), nombre de sessions, de machines, de pages vues, de clics, etc.

Mais, faute d’unités de mesure cohérentes, d’outils fiables et de méthodes éprouvées, il demeure difficile par exemple de connaître les chiffres réels de consultation des sites, les valeurs précises des changements socio-démographiques et socioprofessionnels du bassin de population desservi par l’organisme d’information, etc.

Et puis, méfions-nous du pouvoir de fascination qu'ont les nombres et les chiffres simples dans les organisations. La complexité de ces organisations étant grande, ramener les jugements à quelques chiffres simples répond à de puissantes attentes. Le langage secret de la statistique, si attractif dans une société qui vit beaucoup de faits et de chiffres, peut être employé pour faire du sensationnel, pour gonfler les résultats ou pour simplifier à l'extrême: le premier site Web !, le premier livre !, le top 10 des articles scientifiques !, etc.

V - LE PRINCIPE ELECTRONUMERIQUE (É-NUMÉRIQUE)

En technologie de l’information, la place du support électronique (l’électron) se fait de plus en plus grande, encourageant d’ailleurs certains technophiles à envisager la fin du support papier. Il faut avouer que les performances de l’électronique numérique conjuguées à celles de l’optoélectronique (le photon) sont particulièrement impressionnantes. Elles conduisent à une dé-spatialisation et à une dé-temporalisation vertigineuses.

D’où le slogan avancé : “ Tout électronique, tout numérique ” et le principe directeur électronumérique. Il rappelle un slogan du même type avancé voici une trentaine d’années par les partisans de l’électricité nucléaire : “ Tout électrique, tout nucléaire ”. Ce qui voulait dire que tout dans la maison fonctionnerait à l’électricité et que les sources d’énergie alternative (charbon, gaz, pétrole) seraient abandonnées. Et qu’ensuite, la production d’électricité ne pourrait se faire que dans des centrales nucléaires. On sait que cette prédiction ne s’est pas réalisée.

De la même façon, les plans de câblage en fibre optique lancés avec le slogan “ Tout optique, tout numérique ” n’ont pas été mené à bien. Le câble coaxial n’a pas été abandonné et l’hertzien est ré-apparu. On peut donc envisager d’autres futurs non-électroniques mais quantiques, biologiques par exemple pour le signal-support, d’autres futurs numériques, non-binaires mais ternaires, quaternaires, n-aires et d'autres futurs non-numériques, un retour de l’analogique par exemple.

CONCLUSION

Cinq principes directeurs sont à l’œuvre aujourd’hui en science de l’information électronique. Ce sont ces principes qui nous semblent actuellement orienter le plus fortement la pensée et les pratiques des professionnels du secteur qu’ils soient universitaires ou industriels. Comme dans toute science, une armature intellectuelle est mobilisée. Nous avons montré dans notre ouvrage “ Ciência da Informação ” qu'elle l'est que ce soit dans la construction des connaissances scientifiques, dans la production des informations scientifiques, dans la communication de ces informations ou dans leurs usages. Constitutifs de cette armature, de forts principes existent et caractérisent des paradigmes. Adoptés par les un(e)s, contrecarrés ou détournés par d’autres, ils tardent à se stabiliser. De plus, des déterminants sociologiques, économiques et politiques forts viennent les brouiller et le déchaînement technologique bien qu’accepté ajoute une forte instabilité.

Mais ils sont le devenir et, croyons-nous, l'avenir de notre science.

Alors, bon 100 ème anniversaire !

Yves F. Le Coadic

CNAM

Information scientifique et technique

  • *
    Tradução de Marisa Bräscher – doutora em Ciência da Informação – professora da UnB e ex-diretora do IBICT
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      11 Sept 2006
    • Date of issue
      Dec 2005
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