Acessibilidade / Reportar erro

Traduction et usage du N... word en français : De Dix petits nègres à Ils étaient dix

Translation and use of the N... word in French: From Ten little niggers to They were ten

Résumé

Lors de la parution en 2020 de la retraduction française du roman Dix petits nègres d’Agatha Christie, rebaptisé Ils étaient dix, la Christie Corporation a déclaré que cette nouvelle version de l’œuvre a[vait] du sens. Selon le communiqué, au siècle de l’auteure le langage était différent. Afin d’interroger le bienfondé de cet argument, notre étude porte sur la traduction et usage du terme Nigger/Nègre (nom/adjectif) en français métropolitain. Le corpus est composé de l’œuvre originale Ten Little Niggers (1939), sa traduction interlinguale (1940) et retraduction?(2020). Ces concepts-ci sont examinés dans la première partie de l’étude à l’appui des bases théoriques de l’intertextualité. La deuxième partie suit le parcours de la lexie aux États-Unis à travers notamment la popularisation de la comptine éponyme originale. La troisième partie vise à démontrer qu’à l’instar du statut sociolinguistique du N… word aux États-Unis, Nègre/nègre n’a jamais intégré le vocabulaire usuel du français. Ce sont-là autant d’éléments qui permettent de contester voire invalider l’argument présenté par les ayants-droits de l’auteure. La conclusion expose les résultats du baromètre des discriminations en France CRAN/IPSOS (2023) et souligne la nécessité de déconstruction de l’imaginaire colonial institutionalisé.

Mots-clés
Nigger/Nègre ; sociolinguistique lexicale; traduction intralinguale; retraduction; déconstruction d’imaginaires

Abstract

When the French retranslation of the novel Ten Little Niggers, by Agatha Christie, renamed They were ten, was published in 2020, the Christie Corporation declared that this new version of the work makes sense. According to the press release, in the century of the author the language was different. To question the validity of this argument, our study focuses on the translation and use of the term Nigger/Nègre (noun/adjective) in metropolitan French. The corpus is composed of the original work Ten Little Niggers (1939), its interlingual translation (1940) and retranslation (2020). These concepts are examined in the first part of the study in support of the theoretical bases of intertextuality. The second part follows the journey of the lexie in the United States, notably through the popularization of the original eponymous nursery rhyme. The third part aims to demonstrate that, like the sociolinguistic status of the N… word in the United States, the lexie Nègre/nègre has never integrated the usual vocabulary of French. These are all elements that make it possible to contest or even invalidate the argument presented by the author's heirs. The conclusion exposes the results of the CRAN/IPSOS discrimination barometer in France (2023) and underlines the need to deconstruct the institutionalized colonial imaginary.

Keywords
Nigger/Nègre ; lexical sociolinguistics; intralingual translation; retranslation; deconstruction of imaginaries

1. Introduction

And Then There Were None (1939) d’Agatha Christie raconte l’histoire de dix personnes de différents niveaux sociaux attirées dans un manoir sur une île sur la côte anglaise, nommée Nigger Island/Île du Nègre, pour y être méthodiquement tuées. Les meurtres suivent l'ordre dans lequel dix petits garçons niggers/nègres meurent dans une comptine dont une copie encadrée figure au-dessus de la cheminée de chaque chambre de l'hôtel particulier.

Les nombreuses adaptations du roman policier de Christie en pièces de théâtre, films, séries, jeux de société, jeu vidéo, témoignent de son influence dans le genre tout en garantissant sa place parmi les livres les plus vendus de tous les temps (Guinness World Records, 1995Guinness World Records. https://www.guinnessworldrecords.com/
https://www.guinnessworldrecords.com/...
).

Toutefois, dès sa sortie aux États-Unis en 1940 l’œuvre a suscité la controverse en raison du titre original Ten Little Niggers (1939), lequel renvoie à la comptine éponyme, fil conducteur de l’intrigue. En France, l’un des derniers pays où la traduction de l’œuvre depuis l’anglais britannique (1940) restait inchangée, sa récente retraduction rebaptisée Ils étaient dix (2020), a ravivé la discussion sur le maintien et/ou l’usage du terme Nègre/nègre, notamment en domaine littéraire.

Du côté de la Christie Corporation, dans un entretien largement relayé par les médias français et internationaux, James Prichard (2020)Prichard, J. (2020, 26 août). "Dix petits nègres" : le best-seller d'Agatha Christie débaptisé. [Entretien avec Laurent Marsick.] RTL. https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/dix-petits-negres-le-best-seller-d-agatha-christie-debaptise-7800747182
https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacl...
a déclaré que la retraduction de l’œuvre “a[vait] du sens car en 2020 [n]ous ne devons plus utiliser des termes qui risquent de blesser”. Selon Prichard, “quand le livre a été écrit, le langage était différent”.

Ce débat médiatisé a aussi fait son entrée dans nos cours de traductologie où pour tenter de mesurer l’exactitude du discours de Prichard, par extension, son impact en traductologie, nous avons développé l’approche suivante.

Le corpus analysé est composé de l’œuvre originale d’Agatha Christie Ten Little Niggers (1939) et sa traduction intralinguale And then there were none, sa version française Dix petits nègres et sa retraduction Ils étaient dix.

Dans la première partie de l’étude, nous examinons respectivement les concepts de traduction intralinguale (Jakobson, 1963Jakobson, R. (1963). Essais de linguistique Générale. (N. Ruwet, Trad.). Editions de Minuit.) et de retraduction (Berman, 1984, 1990Berman, A. (1990). La retraduction comme espace de la traduction. Palimpsestes, 4, 1−7. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596
https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596...
). La démarche prend en compte les bases théoriques de l’intertextualité (Kristeva, 1969Kristeva, J. (1969). Semiotikè: Recherches pour une sémanalyse. Éditions du Seuil.) pour éclairer nos positionnements à l’égard du statut sociolinguistique de la lexie ayant motivé les recours aux stratégies supra mentionnées.

Dans un deuxième temps, l’étude revisite le parcours de Nigger aux États-Unis (Kennedy, 2003Kennedy, R. (2022). Nigger: The Strange Career of a Troublesome Word. Pantheon Books. (Œuvre originale publiée 2002).) où, depuis, il a acquis le statut de mot tabou. Désormais orthographiée N… word nous suivons son cheminement à travers notamment la popularisation de la comptine originale (Anderson, 2009Anderson, T. M. B. (2009). “Ten Little Niggers”: The Making of a Black Man’s Consciousness. Folklore Forum.).

Nous démontrons dans la troisième partie qu’à l’instar de son statut sociolinguistique aux États-Unis, la lexie Nigger/Nègre n’a jamais intégré le vocabulaire usuel du français métropolitain (Oliveira, 2019Oliveira, R. de. (2019). French: from Academy to Zouzer. Aracne., 2022Oliveira, R. de. (2022). Sur l'in/visibilité du traducteur dans les notes explicatives de l'édition française de Capitães da areia / Capitaines des sables de Jorge Amado. (Con)textos Linguísticos, 16(35), 132−149. https://doi.org/10.47456/cl.v16i35.39116
https://doi.org/10.47456/cl.v16i35.39116...
). Ce sont-là autant d’éléments qui permettent de contester voire d’invalider l’argument majeur présenté par la Christie Corporation. Nous aurons paradoxalement constaté que la traduction interlinguale et la retraduction de l’œuvre de Christie, comme des œuvres en général, ne relève pas d’un choix politiquement correct mais possède des objectifs commerciaux clairs : la mise en place de ces stratégies est que le public continue de les acheter.

À l’appui des résultats du baromètre des discriminations en France CRAN/IPSOS (2023)CRAN. (2023, 28 février). Les résultats du 2ème baromètre des discriminations CRAN / IPSOS repris dans les médias. Le Conseil Représentatif des Associations Noires. https://www.lecran.org/societe/les-resultats-du-2eme-barometre-des-discriminations-cran-ipsos-repris-dans-les-medias/
https://www.lecran.org/societe/les-resul...
, la conclusion pointe la nécessité de déconstruction de l’imaginaire colonial, solidement institutionalisé. En effet, d’après ce sondage, la quasi-totalité des personnes noires vivant en France indiquent avoir été victimes, au moins une fois, de discriminations liées à la couleur de peau (R.L., 2023R.L. (2023, 15 février). Sondage : 9 personnes noires sur 10 se disent victimes de racisme en France. France-Antilles Guadeloupe. https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/societe/sondage-9-personnes-noires-sur-10-se-disent-victimes-de-racisme-en-france-924134.php
https://www.guadeloupe.franceantilles.fr...
).

2. Traduire / retraduire

Antoine Berman (1984/1995, p.294)Berman, A. (1995). L’Épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique : Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin. Gallimard. (Œuvre originale publiée 1984). décrit l’opération traduisante comme “une création [permettant] à l’œuvre d’atteindre sa plénitude”. Loin de se configurer en une “simple dérivation d’un original supposé absolu”, Berman (1995, p.293)Berman, A. (1995). L’Épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique : Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin. Gallimard. (Œuvre originale publiée 1984). pose que la traduction est déjà présente dans l’œuvre qui est en soit un véritable “tissu de traductions” ou réseau intertextuel. Toute opération traduisante est ainsi bien plus que simple transmission du savoir car la tâche de la traduction est la “potentialisation” (Berman, 1995Berman, A. (1995). L’Épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique : Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin. Gallimard. (Œuvre originale publiée 1984)., p. 283), l’enrichissement de la langue et l’élargissement des réseaux culturels complexes. Berman (1995, p.76)Berman, A. (1995). L’Épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique : Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin. Gallimard. (Œuvre originale publiée 1984). appréhende alors la traduction comme “un devenir”. Nous verrons que tout cela s'applique également au procédé de retraduction.

Dans notre examen de Ten Little Niggers (désormais TLN) et sa traduction intralinguale And then there were none (ATTWN), et Dix petits nègres (DPN) et sa retraduction Ils étaient dix (IED), l’approche est élargie à l’aide du concept d’intertextualité.

2.1 Traduction intralinguale

Jakobson (1963)Jakobson, R. (1963). Essais de linguistique Générale. (N. Ruwet, Trad.). Editions de Minuit. a bâti son notoire schéma de la communication autour des fonctions référentielle, expressive, conative, phatique, métalinguistique et poétique (chapitre 5). Selon le linguiste, traduire est un acte de communication qui implique toutes ces fonctions. Dans “Aspects linguistiques de la traduction” (chapitre 4), Jakobson distingue trois manières d’interpréter le signe linguistique, à savoir les traductions intersémiotique, interlinguale et intralinguale.

La traduction intersémiotique implique le transfert d'un texte, c’est-à-dire d'un code à un autre, par exemple, de la langue écrite à la langue des signes, ou de la littérature à l'image. En somme, ce procédé vise à transmettre le sens et la signification du texte source dans un autre code ou un autre mode de communication.

La traduction interlinguale ou traduction linguistique implique le transfert d'un texte d'une langue à une autre, en respectant autant que possible la structure syntaxique, les éléments sémantiques et les nuances de sens du texte original. Cette stratégie vise ainsi à établir une équivalence linguistique entre les textes source et cible.

La traduction intralinguale1 1 Le concept de traduction intralinguale se trouve déjà chez Schleiermacher (1813/2010). , celle que nous traitons ici, consiste en l'interprétation des signes linguistiques au moyen d'autres signes eux aussi linguistiques de la même langue2 2 En littérature, la portée des traductions intralinguales peut être illustrée par les Exercices de style de Raymond Queneau (1947). . Cela se configure par le recours, dans une interaction orale ou écrite donnée, à des éléments lexicaux, phrastiques et/ou stylistiques diversifiés permettant à deux [ou des] usagers d’une même langue à mieux se faire comprendre.

Dans le cas de TLN (1939), rebaptisée ATTWN (1940), l’exclusion du N…word a eu un effet domino menant à la fois au changement de titre et de la comptine éponyme. D’autre part, il s’avère que ce transfert intralinguale de l’anglais britannique (TLN) vers sa variante étatsunienne (ATTWN) avait été approuvé par la romancière elle-même qui, soulignons-le avec l'historien Jean Garrigues (2020)Garrigues, J. Pourquoi le roman "Dix petits nègres" d’Agatha Christie a été renommé "Ils étaient dix". Europe 1. https://www.europe1.fr/culture/le-roman-dix-petits-negres-dagatha-christie-renomme-ils-etaient-dix-3987807
https://www.europe1.fr/culture/le-roman-...
, sentait [déjà] le poids négatif que [le maintien de la version originale] pouvait jouer sur des populations. Par ailleurs, la décision de Christie nous remet déjà − en quelque sorte − à la question de l’éthique de la traduction.

Un demi-siècle plus tard on lit en effet que “l’essence de la traduction [et de la retraduction] est d’être une ouverture [à l’Autre], il s’agi[rai]t d’un dialogue où la saisie de soi ne passe pas seulement par la saisie de l’étranger, mais par celle que l’étranger a de nous” (Berman, 1995Berman, A. (1995). L’Épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique : Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin. Gallimard. (Œuvre originale publiée 1984)., p. 104). Conséquemment, la traduction est métissage et décentrement, sa base étant une réflexion sur l’œuvre à traduire. Dans une perspective intertextuelle3 3 Du point de vue étymologique : “le préfixe latin ‘inter-’ indique la réciprocité des échanges, l'interconnexion, l’interférence, l'entrelacs ; par son radical dérivé du latin ‘textere’, la textualité évoque la qualité du texte comme ‘tissage’, ‘trame’, d'où un redoublement sémantique de l'idée de réseau, d'intersection. L'intertextualité caractériserait ainsi l'engendrement d’un texte à partir d'un ou de plusieurs autres textes antérieurs, l'écriture comme interaction produite par des énoncés extérieurs et préexistants. Au-delà de ce premier constat, le recours à l'étymologie s'apparente à une reconstitution incomplète et sans doute artificielle. En effet, pour avoir été reconnue comme une dimension essentielle de la communication verbale, l'intertextualité renvoie surtout à des enjeux cognitifs, à l'élaboration de méthodes d'analyse littéraire actuellement très usitées” (Limat-Letellier, 1998, p. 17). , cette réflexion est un processus où “[...] l’axe horizontal (sujet-destinataire) et l'axe vertical (texte-contexte) coïncident pour dévoiler un fait majeur : le mot (le texte) est un croisement de mots (de textes) où on lit au moins un autre mot (texte)” (Kristeva, 1969Kristeva, J. (1969). Semiotikè: Recherches pour une sémanalyse. Éditions du Seuil., citée par Limat-Letellier, 1998Limat-Letellier, N. (1998). Historique du concept d’intertextualité. In M. Miguet-Ollagnier (Ed.), L’intertextualité. (pp. 17−64). Presses Universitaires de Franche-Comté. https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507
https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507...
, p. 18−19)4 4 Kristeva précise que “Chez Bakhtine d'ailleurs, ces deux axes, qu'il appelle respectivement dialogue et ambivalence, ne sont pas clairement distingués. Mais ce manque de rigueur est plutôt une découverte que Bakhtine est le premier à introduire dans la théorie littéraire : tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte. À la place de la notion d'intersubjectivité s'installe celle d'intertextualité [...]” (Kristeva,1969, citée par Limat-Letellier, 1998, p. 19). . Dans ce sens :

[...] Il s’agit d’un phénomène qui oriente la lecture du texte, qui en gouverne éventuellement l’interprétation, et qui est le contraire de la lecture linéaire. C’est le mode de perception du texte qui gouverne la production de la signifiance, alors que la lecture linéaire ne gouverne que la production du sens

(Riffaterre, 1981Riffaterre, M. (1981). L’intertexte inconnu. Littérature, 1(41), 4–7., p. 5−6).

Genette (1982, p.8)Genette, G. (1982). Palimpsestes. Seuil., de son côté, souligne “une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c'est-à-dire […] la présence effective d'un texte dans un autre”.

Sur ces bases, il est juste de poser que tout transfert intralinguale requiert une concertation entre lecteurs et/ou le public en général, éditeurs, traducteurs et l’auteur de l’œuvre source, autour notamment un changement de registre, l’objectif étant en principe une meilleure intra-compréhension entre ceux et celles partageant une même variété linguistique. Tel est le cas du processus de transfert intralinguale TLN à ATTWN, lequel témoigne − du moins en surface − d’une certaine éthique de la traduction. Rappelons à cet égard que l’éthique fait appel à l'adhésion des individus aux valeurs plutôt qu'à l'observance des devoirs, la déontologie – théorie selon laquelle chaque acte moral doit être jugé selon sa conformité (ou sa non-conformité) à certains devoirs5 5 Pour aller plus loin sur ces concepts, consulter UCLouvain (2018). − fixe la limite entre ce qui est tolérable et ce qui est intolérable. Une dérogation à la déontologie est susceptible d'entraîner des sanctions. Ainsi, la publication littérale de TLN aux États-Unis serait un acte moral non-conforme au devoir de reconnaissance – dans le sens de compréhension, de respect − de l’Autre.

Nous verrons que le principe éthique déontologique s’applique aussi à la stratégie de retraduction.

2.2 La re/traduction

Au premier quart du 19ème, Schleiermacher (1813/2010, p. 57)Schleiermacher, F. D. E. (2010). Sobre os diferentes métodos de tradução. (C. Braida, Trad.). In W. Heidermann (Ed.), Clássicos da teoria da tradução: alemão-português. (pp. 38−101). Núcleo de Pesquisas em Literatura e Tradução. aborde la question de la re/traduction, qu’il associe au concept de fidélité. À la question de savoir quels chemins doit emprunter le vrai traducteur pour rapprocher efficacement l'écrivain et son lecteur, Schleiermacher (2010, p. 57)Schleiermacher, F. D. E. (2010). Sobre os diferentes métodos de tradução. (C. Braida, Trad.). In W. Heidermann (Ed.), Clássicos da teoria da tradução: alemão-português. (pp. 38−101). Núcleo de Pesquisas em Literatura e Tradução. écrit : soit le traducteur laisse l'écrivain aussi tranquille que possible et fait venir le lecteur à lui, soit il laisse le lecteur aussi tranquille que possible et fait venir l'écrivain à lui. Depuis, la traductologie récence bien d’autres dichotomies, à l’exemple de traduction de langue vs traduction de texte (Mounin, 1963Mounin, G. (1963). Les problèmes théoriques de la traduction. Gallimard.), traduction ethnocentrique vs traduction éthique (Berman, 1984, 1990Berman, A. (1990). La retraduction comme espace de la traduction. Palimpsestes, 4, 1−7. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596
https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596...
), traduction hypertextuelle vs traduction poétique (Meschonnic, 1999Meschonnic, H. (1999). Poétique du traduire. Verdier.), domestication vs étrangéisation (Berman, 1984; Venuti, 2004Venuti, L. (2004). Retranslations: The Creation of Value. In K. M. Faull (Ed.), Translation and Culture: Special issue of Bucknell Review, 47(1), 25−38.).

Dans La retraduction comme espace de la traduction (1990), Berman se penche sur les raisons des retraductions et soutient que celles-ci émergent parce que les traductions vieillissent et se décomposent. Aussi, les retraductions existent pour effacer ou au moins pour alléger l'échec originel (ou défaillance). Selon l’auteur (1990, p. 1−7), les premières traductions seraient généralement défectueuses en raison notamment de leur niveau de langue, inférieur à celui de la langue source.

À l’instar de Berman, Bensimon (1990, p. 9−13)Berman, A. (1990). La retraduction comme espace de la traduction. Palimpsestes, 4, 1−7. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596
https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596...
pointe la domestication de l'œuvre étrangère comme le problème des premières traductions.

La première traduction procède souvent − a souvent procédé − à une naturalisation de l'œuvre étrangère ; elle tend à réduire l'altérité de cette œuvre afin de mieux l'intégrer à une culture autre. Elle s'apparente fréquemment − s'est fréquemment apparentée − à l'adaptation en ce qu'elle est peu respectueuse des formes textuelles de l'original. La première traduction vise généralement à acclimater l'œuvre étrangère en la soumettant à des impératifs socio-culturels qui privilégient le destinataire de l'œuvre traduite. Ainsi, par exemple, les traducteurs qui ont opéré des coupures dans le texte d'origine ont-ils eu pour préoccupation maîtresse d'assurer une meilleure réception auprès de leur public

(Bensimon, 1990Bensimon, P. (1990). Présentation. Palimpsestes, 4, 9−13. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.598
https://doi.org/10.4000/palimpsestes.598...
, p. 9−13).

Les deux auteurs soutiennent que les traductions domestiquantes effacent l'altérité de l'original pour mieux l'intégrer dans une autre culture et concluent sur l’importance des retraductions dont le rôle est de montrer l'étrangeté et l'exotisme de l'original.

Dans un article de 1994, Yves Gambier (1994, p. 414)Gambier, Y. (1994). La retraduction, retour et détour. Meta, 39(3), 413–417. https://doi.org/10.7202/002799ar
https://doi.org/10.7202/002799ar...
partage l’avis de Berman et Bensimon, à savoir les premières traductions seraient orientées vers la langue/culture cible, tandis que les retraductions seraient orientées vers la source.

En 2004, Venuti souscrit, lui-aussi, à l'orientation source de l'hypothèse de retraduction de Berman (1990)Berman, A. (1990). La retraduction comme espace de la traduction. Palimpsestes, 4, 1−7. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596
https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596...
. Il reconnaît le rôle, l'importance de l'étude de la retraduction en traductologie et préconise l’analyse textuelle, laquelle prend en compte les facteurs culturels et politiques qui lui donnent sens et valeur (Venuti, 2004Venuti, L. (2004). Retranslations: The Creation of Value. In K. M. Faull (Ed.), Translation and Culture: Special issue of Bucknell Review, 47(1), 25−38., p. 27). À cet égard, Venuti souligne le lien entre le texte original et le réseau de relations (intertextualité) entre les textes. En bref, l’auteur soutient l'hypothèse bermanienne, certes, mais élargit la discussion en incorporant des facteurs culturels, politiques et commerciales susceptibles d’affecter le processus de retraduction6 6 À ce propos, Koskinen et Paloposki (2003, p. 25) s’intéressent aux Retranslations in the Age of Digital Reproduction dans le cadre précis de la Commission européenne, considéré comme un "parfait exemple de traduction d’usine" où "[l]’idée des traductions en tant que 'produits' à 'livrer', ainsi que l’image de la traduction en tant que travail de construction ou bricolage, créent l’image d’une chaîne de montage automatisée". Selon l’article, "cela est tout à fait logique dans un contexte administratif où une grande quantité de documents traduits répète les mêmes formules et les textes sont liés intertextuellement avec des documents antérieurs" (Koskinen & Paloposki, 2003, p. 25, notre traduction). , ces thèmes-ci sont par ailleurs présents dans ses recherches dès 1986 :

L'idéologie de la consommabilité peut être considérée comme un déterminant externe de la traduction : elle est imposée par les éditeurs en partie en réponse aux chiffres de vente, ce qui signifie qu'elle rattache le texte à une autre pratique sociale relativement autonome, à savoir le métier d'éditeur, pratique généralement économique dans le capitalisme social

(Venuti, 1986Venuti, L. (1986). The Translator's Invisibility. Criticism, 28(2), 179−212., p. 187).

Dans le cas de la retraduction française de l’œuvre de Christie, l'intention commerciale de l'éditeur est un fait. Pressionné par les lanceurs d’alerte, les sites de ventes en ligne ont en effet suspendu la commercialisation de DPN. Sur le site web d’Amazon, on lit à ce sujet qu’“au cours de notre processus d’examen, nous avons constaté que le ou les livres [notamment DPN] ne sont pas conformes à nos consignes relatives au contenu. Par conséquent, nous ne répertorions pas ce ou ces livres à vendre” (Amazon, 2020Amazon. (2020). 10 petits nègres d’Agatha Christie interdit sur amazon. Amazon France. https://sellercentral.amazon.fr/forums/t/10-petits-negres-dagatha-christie-interdit-sur-amazon/29705
https://sellercentral.amazon.fr/forums/t...
). En bref, la retraduction a eu pour but d’assurer la continuité des ventes potentielles7 7 Les préoccupations commerciales en tant qu’incitation supplémentaire à la retraduction - en particulier dans le cas de textes sources canoniques – font l'objet d'un certain nombre de travaux en traductologie dont celui de Wardle (2019). Pour illustrer ses propos, l'autrice y évoque le cas de la fin de la période de droit d'auteur comme l'un des moteurs d’incitation à la retraduction et précise que plus d'une maison d'édition sera disposée à commander une nouvelle traduction comme une "valeur sûre" ou comme un indicateur de prestige [de l'œuvre] au sein de son catalogue. .

Rappelons pour conclure que dans La retraduction : Ambigüités et défis (2011), contrairement à sa position dans l’article de 1994, Gambier revient sur l'hypothèse de Berman qu’il qualifie de simpliste. A ce propos, dans ce qui suit, nous verrons de quelle manière les explications historiques des retraductions sont beaucoup plus complexes qu’une mise à jour ou actualisation [d’œuvre donnée] pour des raisons de vieillissement.

3. Le N... word

Dans Nigger: The Strange Career of a Troublesome Word, Kennedy (2002/2020)Kennedy, R. (2022). Nigger: The Strange Career of a Troublesome Word. Pantheon Books. (Œuvre originale publiée 2002). raconte que jusqu'à la révolution des droits civiques aux États-Unis dans les années 1960, les Blancs du Sud ne s’adressaient pas aux Noirs par “M.” ou “Mme” mais les appelaient plutôt par leurs prénoms ou par des titres signifiant une personne âgée avec un statut servile, entre autres “Oncle” ou “Tatie”. Tout homme noir adulte, indépendamment de son âge était appelé “boy/garçon”, il s’agissait-là d’une autre façon de faire valoir l'étiquette Jim Crow.

Ces pratiques de dénigrement de la population noire n'ont été amorcées que lentement et comme on le sait, par la lutte. Ainsi, comme souligné par Kennedy, certains Noirs ont pris l'habitude de ne s'identifier que par leur nom de famille. Aussi, après que les Noirs se sont radicalement opposés à ce que terme Negro soit orthographié avec un n minuscule, on constate au cours de la décennie 30-40 que la capitalisation est devenue la règle, d’abord au très influent New York Times, ensuite U.S. Gouvernement Post Office et à la Cour Suprême.

Mais, la coutume à laquelle les Noirs s'opposaient le plus était d’être qualifiés de Nègres. Kennedy rapporte qu’en 1939 les sensibilités étaient si éveillées que The Niggers of the Narcissus (1897) de J. Conrad a dû être retiré des étagères ouvertes des bibliothèques scolaires ; aussi, après avoir reçu des centaines de lettres d’avertissements, Selznick a accepté de supprimer le mot nègre du script de son film Autant emporte de vent. D’autre part, comme rapporte Leff (1984, p. 151)Leff, L. J. (1984). David Selznick's Gone With the Wind: the Negro Problem. The Georgia Review, 38(1), 146−164. au sujet des menaces qu’avaient reçu Selznick de la part des militants comme de ses producteurs, l’utilisation dudit mot8 8 “[…] A host of derogatory words: chink, dago, frog, greaser, hunkie, kike, spic, wop, yid, and nigger. Their use could create problems for the industry” (Leff, 1984, p. 151). serait “extrêmement dangereuse” et “pourrait créer des problèmes pour l'industrie”.

C’est dans ce contexte socio-historique mais aussi politico-mercantile que l’œuvre de Christie TLN (1939) est sortie aux États-Unis. Le fait que le titre renvoie à une comptine éponyme a suscité l’indignation du public et poussé l’éditeur étatsunien à rebaptiser le roman.

3.1 La comptine

Le changement du titre original a eu un effet domino engendrant l’adaptation progressive du contenu de l’œuvre en raison de l’histoire de la comptine dont s’est inspirée Christie. En effet, populaire au 19ème siècle à la fois aux Etats-Unis d’Amérique et en Angleterre victorienne (Sova, 1963, cité par Warren, 2012Warren, C. A. (2010). Gender and Moral Immaturity in Agatha Christie's “And Then There Were None”. CEA Critic, 73(1), 51−63., p. 51−52) la comptine TLN est une adaptation de la chanson Ten Little Indians écrite par l'auteur-compositeur Septimus Winner en 1868 (Hofmann, 2004Hofmann, S. (2005). Rethinking Agatha Christie: The Strange and Offensive History of Ten Little Indians. Rethinking Schools, 20(1). ; Jennings, 2008Jennings, J. (2018, 13 September). “Ten Little Indians”: How did the genocidal nursery rhyme come about? Indian Country Today. https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
https://indiancountrytoday.com/archive/t...
). Jouée dans des spectacles de ménestrels − une forme de divertissement américain composé de sketches comiques, de danse et de musique − la version originale de Winner se fondait sur des clichés péjoratifs sur Amérindiens (Hofmann, 2004Hofmann, S. (2005). Rethinking Agatha Christie: The Strange and Offensive History of Ten Little Indians. Rethinking Schools, 20(1).), aujourd’hui encore largement inculqués dans la mémoire collective.

En 1869, cette chanson folklorique a été reprise par Frank J. Green et Marc Mason, lesquels l’ont adaptée et rebaptisée TLN pour un spectacle de ménestrel produit au St. James Hall à Piccadilly, ce qui a hissé la chanson transformée en comptine en standard des spectacles de ménestrels au visage noir (Hofmann, 2004Hofmann, S. (2005). Rethinking Agatha Christie: The Strange and Offensive History of Ten Little Indians. Rethinking Schools, 20(1).; Jennings, 2018Jennings, J. (2018, 13 September). “Ten Little Indians”: How did the genocidal nursery rhyme come about? Indian Country Today. https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
https://indiancountrytoday.com/archive/t...
).

Au long de cette période d’après-guerre civile, comme noté par Anderson (2009)Anderson, T. M. B. (2009). “Ten Little Niggers”: The Making of a Black Man’s Consciousness. Folklore Forum., à la suite de la libération des esclaves africains par la Proclamation d'Émancipation, alors que les anciens citoyens de la Confédération refusaient d’abandonner leur idéologie de l'infériorité des esclaves affranchis, ce folklore dit “comique” s'est particulièrement développé pour nourrir et ainsi propager cette croyance. TLN s’est popularisé à travers le pays dans deux genres distincts : celui des spectacles de ménestrels et celui des livres de comptines pour enfants. Au départ, il s’agissait de montrer des hommes blancs maquillés en noir exécutant des chansons et des danses : celles-ci caractérisées par un manque de coordination, celles-là par l’usage inapproprié de la langue anglaise. Peu à peu, ce style, popularisé sous le nom de Jim Crow, s'est développé avec l’arrivée de nouveaux interprètes, à savoir des esclaves récemment libérés qui, en dépit de leur peau foncée, adhéraient à la tradition du maquillage blackface. À l’instar des stéréotypes négatifs sur les Amérindiens dans Ten Little Indians9 9 Jennings (2018, notre traduction) observe que "les récits historiques codés, que l'on retrouve dans de nombreuses comptines pour enfants, devaient faire circuler une idéologie qui suivait les générations. [L’objectif était de] […] définir les Indiens comme ‘inférieurs’ et ‘arriérés’. La chanson associait la définition anglo-construite de ‘sauvage’ à la conscience amérindienne [et son] héritage ultime était le meurtre systématique d'Indiens, laissant [comme dans la rime] ‘Un petit garçon indien vivre tout seul’”. il s’agissait cette fois-ci de “ridiculiser” (Jennings, 2018Jennings, J. (2018, 13 September). “Ten Little Indians”: How did the genocidal nursery rhyme come about? Indian Country Today. https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
https://indiancountrytoday.com/archive/t...
) les Noirs en les exposant, eux aussi, au travers des clichés latents de l’imaginaire collectif.

Ce folklore, déjà bien implanté sur le territoire américain au 19ème siècle, s’est mis à s’exporter dès les premières décennies du 20ème siècle, notamment en Europe10 10 En effet, en consultant, notamment, The Oxford Dictionary of Nursery Rhymes, reproduit par Nursery Rhymes Wiki, nous avons constaté que des variantes de cette chanson sont apparues en Europe sous forme de livres pour enfants; leurs points ont en commun est “qu'il s'agit de garçons à la peau foncée qui sont toujours des enfants, qui n'apprennent jamais par l'expérience” (Wiki) : tel est le cas de la Hollande en 1913; du Danemark en 1922 (Börnenes billedbog); de l’Islande en 1922 (Negrastrákarnir). où la comptine a été utilisée par Agatha Christie. Alors qu’on en recense des dizaines de versions11 11 Pour une liste plus ou moins exhaustive des variantes anciennes et contemporaines aux États-Unis, consulter Jacobs (2018). , le livre de Christie de 1939 reste sans doute la variation la plus connue du texte original.

Les lecteurs et lectrices contemporains de la comptine dont s’est inspirée Christie sauront identifier les stéréotypes qui y sont évoqués. D’autre part, avec Anderson (2009)Anderson, T. M. B. (2009). “Ten Little Niggers”: The Making of a Black Man’s Consciousness. Folklore Forum., nous estimons que certains passages du texte vont au-delà des stéréotypes et requièrent ainsi qu’on s’y attarde davantage. Parmi les extraits mis en exergue par l’auteure, nous en retenons deux. Le premier cas concerne la rime sur le personnage qui choisit de rester dans le Devon : “Huit petits nègres dans le Devon étaient allés, / L’un d’eux voulut y demeurer : n’en resta plus que sept”.

D’après son analyse, le changement de statut du personnage, de touriste à immigré, met en évidence une sorte de menace que la liberté de choisir, notamment de voyager, des anciens esclaves représenterait pour la zone de confort de la population blanche. Le second cas, concerne la rime du “seul personnage de la chanson qui travaille” (Anderson, 2009Anderson, T. M. B. (2009). “Ten Little Niggers”: The Making of a Black Man’s Consciousness. Folklore Forum.) : “Sept petits garçons nègres coupant des bâtons ; / Un s'est coupé en deux et puis il y a en a eu que six.”

Ici, la chercheuse attire l’attention sur le fait que le personnage n’effectue pas le travail typique d'un esclave, à savoir sur les champs, et argumente que :

S'il devait mourir dans un champ de coton, l'attaque de la chanson contre l'émancipation des esclaves échouerait. Cette strophe démontre les dangers d'un être ignorant et sous-humain avec une arme et fonctionne comme un avertissement contre l'embauche de Noirs et une vérification des peurs des Blancs. La strophe déconseille de donner [ne seraient-ce que] de[s] petites tâches telles que couper du bois aux esclaves libérés

(Anderson, 2009Anderson, T. M. B. (2009). “Ten Little Niggers”: The Making of a Black Man’s Consciousness. Folklore Forum.).

En somme, le texte dont s’est inspirée Christie fait insidieusement ressortir les stéréotypes négatifs les plus virulents à l’égard des populations noires. Dans son texte, Anderson (2009)Anderson, T. M. B. (2009). “Ten Little Niggers”: The Making of a Black Man’s Consciousness. Folklore Forum. conclut qu’“une fois la liberté présentée, l'identité des hommes noirs est restée dangereusement entre les mains des Américains blancs, et les Américains blancs ont décidé que les hommes noirs seraient des nègres”.

Les analyses et positionnements exposés jusqu’ici sont à même de justifier pourquoi la version originale de l’œuvre a été jugée trop offensante pour le public étasunien. Alors que les éditions britanniques ont conservé le titre original jusqu’en 1985, certains éditeurs américains ont choisi de le remplacer par Ten Little Indians (entre 1964−198612 12 Depuis 2004 le domaine Christie affirme s’investir dans les retraductions de l’œuvre (Prichard, 2020). À titre d’illustration, dans les nouvelles éditions imprimées du roman Indian Island a été rebaptisée Soldier Island et les dix garçons indiens de la comptine sont devenus les dix petits garçons soldats. ). Ce choix a fait lui-aussi l’objet de contestations. Cette fois-ci, il est question de militants amérindiens, universitaires, activistes mais aussi des parents d’élèves (Warren, 2012Warren, C. A. (2010). Gender and Moral Immaturity in Agatha Christie's “And Then There Were None”. CEA Critic, 73(1), 51−63., p. 52). Dans son manifeste de 2004, l’universitaire et activiste Hofmann a fait valoir que “[bien que] le titre de Christie ait changé au cours des 66 dernières années, son objectif a toujours été d'éliminer un groupe spécifique de couleur”. Hofmann poursuit en suggérant que le titre alternatif, And Then There Were None [derniers mots de la comptine Ten Little Indians], “présente [lui-aussi] un autre aspect du racisme enraciné, qui est celui du génocide...”. Selon Hofmann (2004)Hofmann, S. (2005). Rethinking Agatha Christie: The Strange and Offensive History of Ten Little Indians. Rethinking Schools, 20(1)., “Et puis il n'y en avait aucun” a souvent été le but recherché par de nombreux gouvernements coloniaux ou encore par des politiques du gouvernement américain.

Toujours est-il que l’œuvre originale de Christie aux États-Unis a dû être revue – traduction intralinguale − en fonction des avancés des droits des populations noire et autochtone, avec la participation active du public mais aussi avec l’accord de l’auteure lequel, à notre avis, rend futile la discussion en France sur la retraduction de l’œuvre. A cet égard, dans une tribune de Libération intitulée “Le nègre et le néant” le président de SOS Racisme écrit :

C’est une chose de penser qu’il n’est pas fondamental de changer le titre de ce livre dans sa version française. C’en est une autre de s’indigner qu’il soit changé. Que se passe-t-il alors chez des gens qui ont pu mener des combats antiracistes ou se vivent comme en ayant mené pour en arriver à ce point où la culture, la liberté d’expression, la République, l’universalisme, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor - “pères” du mouvement de la négritude que beaucoup d’entre vous n’ont sans doute jamais lu - sont convoqués pour s’opposer publiquement à ce que même Agatha Christie, vieille lady du siècle dernier, entendait parfaitement dès 1940 ?

(Sopo, 2020Sopo, D. (2020, 29 septembre). Le nègre et le néant. Libération. https://www.liberation.fr/debats/2020/08/29/le-negre-et-le-neant_1798036/
https://www.liberation.fr/debats/2020/08...
).

Il ressort de ce qui précède un devoir de mémoire à l’égard de la banalisation du N… word en français.

3.2 La lexie Nègre: terminologie, sémantique et scénographie13 13 Voir aussi Oliveira (2022).

Pour retracer le parcours des définitions de la lexie nègre dans le vocabulaire français, nous nous sommes référée à deux ouvrages de référence fondamentaux en terminologie et en sémantique, à savoir le Dictionnaire de l’Académie française (DAF) et le Dictionnaire historique et critique du racismeDictionnaire de l’Académie française. https://www.dictionnaire-academie.fr/
https://www.dictionnaire-academie.fr/...
(DHCR) (Taguieff, 2013Taguieff, P.-A. (2013). Dictionnaire historique et critique du racisme. PUF.).

Le DAF se décline en neuf éditions : le vocable Nègre n’y fait son entrée qu’à la 4ème édition alors que Noir y figure dès la fin du 17ème siècle.

Dans les deux premières éditions du DAF (1694 et 1718) Noir y est décrit dans des fonctions adjectivale et nominale, cf. “noir, noire adj. Qui est de la couleur la plus obscure de toutes & la plus opposée au blanc. Noir (substantif) : la couleur noire. Il porte le noir.” Dans l’édition qui suit, Nègre, mentionné pour la première fois, est synonyme de Noir lorsque ce vocable-ci est employé dans des comparaisons contextualisées avec le mot Blanc, i.e. “Noir s. m. Nègre. Il se dit par opposition à Blanc. Il a trois Blancs & vingt Noirs dans sa sucrerie.” À l’appui des recherches menées par le DHCR, soulignons que ce basculement de Noir vers Nègre dans ce type de contexte spécifique s’est opéré progressivement à partir de la moitié du 17ème siècle :

[…] Avec la traite esclavagiste, le mot “noir” bascule vers le mot “nègre”. “Noir” ne désigne plus une couleur, mais un statut social, tout en bas de l’échelle. […] Les Africains vendus sur les côtes sont considérés comme du bétail de labeur. Le Noir ne désigne plus seulement un Africain, ni plus seulement une couleur. Le mot n'est que péjoratif : Blanc = maître ; Noir = esclave

(Renard, 2018Renard, C. (2018, 10 mai). De l’esclavage à la négritude : une histoire du mot "Noir". Radio France Culture. https://www.radiofrance.fr/franceculture/de-l-esclave-a-la-negritude-une-histoire-du-mot-noir-9348400
https://www.radiofrance.fr/franceculture...
).

Ainsi, dans la 4ème édition, Nègre est un substantif variable en genre, Nègre, -esse, présentation que le mot conserve dans la 5ème (1798) et dernière édition du siècle des Lumières, à savoir “C’est le nom qu’on donne en général à tous les esclaves noirs employés aux travaux des colonies. Il a cent Nègres dans son habitation14 14 Dans L’esclavage dans la France moderne, Érick Noël écrit [qu’au 18ème siècle] “Paris était devenu la plaque tournant de l’esclavage” : la ville des Lumières était même “la capitale de l’esclavage”, car “contrairement aux principes, coloniaux et capitaines de navires vendaient des esclaves à des métropolitains, et ceux-ci profitaient du travail servile d’individus qu’ils n’avaient pas le droit d’acquérir”. Selon l’auteur, “De tels propos se sont clairement fondés sur des témoignages comme celui de Poncet de La Grave, le procureur du roi à l’amirauté de France qui en 1762 écrivait : ‘La France, surtout la capitale, est devenue un marché public où l’on a vendu des hommes au plus offrant et dernier enchérisseur ; il n’est pas de bourgeois ou d’ouvrier qui n’ait eu son nègre esclave’”. Noël (2007, p. 361−362) argumente alors que “[l]’historienne américaine Sue Peabody a vu là surtout l’expression d’un malaise personnel, Poncet indigné par cette présence noire dans Paris ayant cherché des arguments pour enrayer des entrées qui à ses yeux ne pouvaient qu’entraîner un inquiétant mélange des sangs...”. .

Déjà dans les deux éditions du 19ème siècle, l’entrée Nègre se résume d’abord à sa forme invariable Nègre (1835, 6ème éd.) pour apparaitre ensuite (1878, 7ème éd.) suivie de : voir aussiNègresse” (n.), dont la définition est “C’est le féminin de Nègre. Une jeune négresse. Une négresse marronne.” Aussi, Nègre, au même titre que Noir, Noire assume des emplois adjectivaux : “Nègre, s’emploie quelquefois adjectivement. La race nègre.” De ce qui précède, une distinction semble s’être opérée dans le sens où Négresse, substantif, se rapporte essentiellement à l’humain tandis que Nègre n’est humain que dans des comparaisons avec l’humain blanc dans les contextes prémentionnés. À l’appui des illustrations fournies par le DAF (ci-haut), on serait tentée d’observer une certaine tolérance sociale à l’égard de l’humain Négresse, le mot étant associé à la jeunesse ou encore à une gradation de la couleur noire vers la couleur blanche.

Sinon, il faudra attendre le 20ème siècle pour que la fin de la Traite des Noirs − achevée au 19ème siècle − soit mentionnée par le DAF et que Nègre, Négresse y soient présentés comme des humains (1935, 8ème éd.) : “Homme ou femme de la race noire”. Ces vocables demeurent toutefois associés aux contextes sociaux subalternes : “Elle a pris une négresse pour domestique” ; tandis que nègre dans sa fonction adjectivale est invariable et historiquement réservé aux domaines artistiques : “Ce mot est employé aussi comme adjectif. Il a alors pour féminin Nègre. Art nègre. Danse nègre. Musique nègre”.

Parue en 2020, la plus récente édition du DAF, la 9ème, est la seule à fournir l’étymologie du vocable, i.e. “XVIe siècle. Emprunté, par l’intermédiaire de l’espagnol negro, du latin niger, nigra, nigrum, ‘noir’”. Contrairement aux éditions précédentes, on y précise qu’il s’agit d’un (i) “[t]erme dont on usait autrefois pour désigner un homme noir, une femme noire (ce terme, souvent jugé dépréciatif, a été parfois revendiqué au XXe siècle par les Noirs pour affirmer leur identité) [...]”. Dans l’actuelle édition du DAF on lit que de nos jours la lexie nègre :

[...] Apparait dans des expressions familières telles que Traiter quelqu’un comme un nègre, le traiter avec beaucoup de dureté et de mépris. Travailler comme un nègre, travailler sans relâche, sans répit. Parler petit-nègre, parler avec les tournures et l’accent qu’on prêtait aux indigènes des colonies d’Afrique

(DAF, 9ème éd.).

À ce sujet, du fait que le terme soit “souvent jugé dépréciatif” il serait judicieux de qualifier ces expressions de dépréciatives.

En somme, au 21ème siècle, lorsqu’on observe le parcours de cette lexie dans le vocabulaire français on s’aperçoit que si le signifiant nègre a accédé au statut de signifié “humain”, le signe nègre dénote et connote sa sémantique fondatrice (16ème siècle), celle d’individu sous-humain. Paradoxalement, lorsqu’il s’agit de conscientiser les usagers de la langue sur les dangers qui entourent la banalisation de son usage, des voix s’élèvent. La querelle autour de son exclusion de l’œuvre de Christie, domaine littéraire, est loin d’être un cas isolé. En effet, dans Oliveira (2019)Oliveira, R. de. (2019). French: from Academy to Zouzer. Aracne., nous en avons fait la démonstration en nous référant aux débats houleux sur ses emplois adjectivaux, qualificatif de spécialité culinaire, notamment en pâtisserie, vendues en France tels que tête de nègre, bamboula, négro, ou encore Mamadou. On retrouve ici des affrontements acérés entre les deux camps opposés, ceux qui déclarent ne voir ni avoir aucun problème avec ces désignations d’autant plus, argue-t-on, que certains de ces produits ont une tradition séculière [c’est-à-dire, datant de l’époque coloniale] ; et ceux qui les qualifient de “caricatures négrières”, “obscènes” et “injurieuses” (Siegel, 2015Siegel, A. (2015, 4 mars). Grasse : des gâteaux jugés "racistes" vendus en boulangerie. BFMTV. https://www.bfmtv.com/societe/grasse-des-gateaux-juges-racistes-vendus-en-boulangerie_AN-201503040082.html
https://www.bfmtv.com/societe/grasse-des...
).

Selon les organisations associatives telles que le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) et Sortir du Colonialisme (citées entre autres, par Les Observateurs, 2019Les Observateurs. "Mamadou", "tête de nègre", "Bamboula" : ces gâteaux français accusés de véhiculer le racisme anti-noirs. Observers France 24. https://observers.france24.com/fr/20190304-mamadou-tete-negre-bamboula-ces-gateaux-francais-accuses-vehiculer-racisme-anti-noi
https://observers.france24.com/fr/201903...
) il s’agit d’“un revival de l'imagerie coloniale la plus nauséabonde”. Le CRAN rappelle que la mode ou les traditions populaires peuvent également moquer la figure de l’homme africain, et demande des sanctions contre toutes ces formes de “déshumanisation”. En raison des protestations sans cesse renouvelées, les propriétaires des établissements concernés − lesquels, à l’instar de leur clientèle, se défendent de tout racisme − ont néanmoins, après moult concertations, accepté de changer le nom desdits produits. La pâtisserie appelée tête de nègre connait depuis de nombreuses traductions intralinguales selon les régions, entre autres tête de chocolat, tête choco, tête mousse ou encore boule choco.

En somme, le phénomène des retraductions n’est pas nouveau mais prend de l’ampleur depuis les années 1990. Collombat (2004, p. 1)Collombat, I. (2004). Le XXIe siècle : l’âge de la retraduction. Translatio Studies in the New Millennium, 2, 1−15. parle d’“une vague de retraductions” qu’on observe notamment “vers le français” mais “pas seulement”. Avec l’autrice, on constate que “si ce phénomène a essentiellement touché le domaine littéraire, il s’étend aussi à […] bien d’autres domaines de connaissances” (Collombat, 2004Collombat, I. (2004). Le XXIe siècle : l’âge de la retraduction. Translatio Studies in the New Millennium, 2, 1−15., p. 1). Dans le cas de DPN à IET, nous ne saurions mieux faire que partager la pensée de Berman (1990, p. 1)Berman, A. (1990). La retraduction comme espace de la traduction. Palimpsestes, 4, 1−7. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596
https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596...
, à savoir la traduction étant le domaine “d’essentiel inaccomplissement”, il “incombe à la retraduction d’atteindre” ne serait-ce que “de temps en temps”, l’“accompli”.

4. Considérations finales

L’objectif de cet article était de démontrer que - contrairement à ce qu’a déclaré la Christie Corporation à l’occasion de la parution de la retraduction en français du best-seller Dix petits nègres, désormais titré Ils étaient dix (2020) − le langage n’était pas diffèrent au siècle de l’auteure britannique.

Pour ce faire, nous nous sommes intéressée au parcours sociolinguistique de Nigger/Nègre (nom/adjectif), à l’épicentre des polémiques, en particulier aux États-Unis et en France métropolitaine où ce mot demeure profondément associé à l’esclavage de l’humain noir, dont il est issu. Concomitamment, il a été rappelé – en particulier à ceux et celles qui n’ont pas lu le livre et/ou s’interrogent sur la légitimité de sa re/traduction intralinguale − qu’il ne s’agit pas d’une histoire centrée sur des personnages noirs et qu’il n’y a jamais eu d’île du Nègre au large des côtes anglaises. En fait, le terme nègre fait exclusivement référence à la comptine du même nom utilisée par Christie. On pose alors que la traduction intralinguale de cette lexie ne nuit en aucune façon l'intrigue tandis que son maintien – construit et façonné par l’imaginaire colonial esclavagiste – contribue à la banalisation de son usage mettant en lumière l’ethnocentrisme, socle du racisme institutionnel.

Ainsi, bien que les locuteurs du français se disent de moins en moins racistes (CRAN, 2023CRAN. (2023, 28 février). Les résultats du 2ème baromètre des discriminations CRAN / IPSOS repris dans les médias. Le Conseil Représentatif des Associations Noires. https://www.lecran.org/societe/les-resultats-du-2eme-barometre-des-discriminations-cran-ipsos-repris-dans-les-medias/
https://www.lecran.org/societe/les-resul...
), les résultats du 2ème baromètre CRAN / IPSOS révèlent que 91 % des personnes noires en métropole se disent victimes de discrimination (CRAN, 2023CRAN. (2023, 28 février). Les résultats du 2ème baromètre des discriminations CRAN / IPSOS repris dans les médias. Le Conseil Représentatif des Associations Noires. https://www.lecran.org/societe/les-resultats-du-2eme-barometre-des-discriminations-cran-ipsos-repris-dans-les-medias/
https://www.lecran.org/societe/les-resul...
). Selon la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDHCNCDH. Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. https://www.cncdh.fr/
https://www.cncdh.fr/...
), l’indice de tolérance à l’autre continue de progresser de forme alarmante.

Patrick Lozès constate le caractère absolu et général du phénomène [..], particulièrement frappant (CRAN, 2023CRAN. (2023, 28 février). Les résultats du 2ème baromètre des discriminations CRAN / IPSOS repris dans les médias. Le Conseil Représentatif des Associations Noires. https://www.lecran.org/societe/les-resultats-du-2eme-barometre-des-discriminations-cran-ipsos-repris-dans-les-medias/
https://www.lecran.org/societe/les-resul...
). Le fondateur du CRAN lamente cette progression des idées haineuses sur Internet [comme] dans le débat public. Il précise que l’objectif de l’étude a été d’essayer de mesurer le phénomène. Résultat : il est massif. Lozès pose qu’[o]n ne peut pas laisser cette partie de la population être les damnés de la patrie ; et souligne qu’aujourd’hui les pouvoirs publics ne peuvent plus dire : On ne savait pas. Les chiffres sont là (CRAN, 2023CRAN. (2023, 28 février). Les résultats du 2ème baromètre des discriminations CRAN / IPSOS repris dans les médias. Le Conseil Représentatif des Associations Noires. https://www.lecran.org/societe/les-resultats-du-2eme-barometre-des-discriminations-cran-ipsos-repris-dans-les-medias/
https://www.lecran.org/societe/les-resul...
).

Pour conclure, on sait que le concept d'ethnocentrisme s'est construit par analogie avec celui d'égocentrisme (Levi-Strauss, 1954Levi-Strauss, C. (1954). Race et Histoire. UNESCO.). Dans le cadre de cette étude, on retiendra que lorsqu'il s'agit d'insister sur la normalisation de l'usage du mot Nègre/nègre, ces deux concepts se confondent avant que le second ne l'emporte sur le premier.

  • 1
    Le concept de traduction intralinguale se trouve déjà chez Schleiermacher (1813/2010).
  • 2
    En littérature, la portée des traductions intralinguales peut être illustrée par les Exercices de style de Raymond Queneau (1947).
  • 3
    Du point de vue étymologique : “le préfixe latin ‘inter-’ indique la réciprocité des échanges, l'interconnexion, l’interférence, l'entrelacs ; par son radical dérivé du latin ‘textere’, la textualité évoque la qualité du texte comme ‘tissage’, ‘trame’, d'où un redoublement sémantique de l'idée de réseau, d'intersection. L'intertextualité caractériserait ainsi l'engendrement d’un texte à partir d'un ou de plusieurs autres textes antérieurs, l'écriture comme interaction produite par des énoncés extérieurs et préexistants. Au-delà de ce premier constat, le recours à l'étymologie s'apparente à une reconstitution incomplète et sans doute artificielle. En effet, pour avoir été reconnue comme une dimension essentielle de la communication verbale, l'intertextualité renvoie surtout à des enjeux cognitifs, à l'élaboration de méthodes d'analyse littéraire actuellement très usitées” (Limat-Letellier, 1998Limat-Letellier, N. (1998). Historique du concept d’intertextualité. In M. Miguet-Ollagnier (Ed.), L’intertextualité. (pp. 17−64). Presses Universitaires de Franche-Comté. https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507
    https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507...
    , p. 17).
  • 4
    Kristeva précise que “Chez Bakhtine d'ailleurs, ces deux axes, qu'il appelle respectivement dialogue et ambivalence, ne sont pas clairement distingués. Mais ce manque de rigueur est plutôt une découverte que Bakhtine est le premier à introduire dans la théorie littéraire : tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte. À la place de la notion d'intersubjectivité s'installe celle d'intertextualité [...]” (Kristeva,1969, citée par Limat-Letellier, 1998Limat-Letellier, N. (1998). Historique du concept d’intertextualité. In M. Miguet-Ollagnier (Ed.), L’intertextualité. (pp. 17−64). Presses Universitaires de Franche-Comté. https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507
    https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507...
    , p. 19).
  • 5
    Pour aller plus loin sur ces concepts, consulter UCLouvain (2018)UCLouvain. (2018). Boîte à outils pédagogiques pour l’enseignement de l’éthique. Enseigner l’éthique. https://www.enseignerlethique.be/content/accueil
    https://www.enseignerlethique.be/content...
    .
  • 6
    À ce propos, Koskinen et Paloposki (2003, p. 25)Koskinen, K., & Paloposki, O. (2003). Retranslations in the Age of Digital Reproduction. Cadernos de Tradução, 1(11), 19–38. s’intéressent aux Retranslations in the Age of Digital Reproduction dans le cadre précis de la Commission européenne, considéré comme un "parfait exemple de traduction d’usine" où "[l]’idée des traductions en tant que 'produits' à 'livrer', ainsi que l’image de la traduction en tant que travail de construction ou bricolage, créent l’image d’une chaîne de montage automatisée". Selon l’article, "cela est tout à fait logique dans un contexte administratif où une grande quantité de documents traduits répète les mêmes formules et les textes sont liés intertextuellement avec des documents antérieurs" (Koskinen & Paloposki, 2003Koskinen, K., & Paloposki, O. (2003). Retranslations in the Age of Digital Reproduction. Cadernos de Tradução, 1(11), 19–38., p. 25, notre traduction).
  • 7
    Les préoccupations commerciales en tant qu’incitation supplémentaire à la retraduction - en particulier dans le cas de textes sources canoniques – font l'objet d'un certain nombre de travaux en traductologie dont celui de Wardle (2019)Wardle, M. (2019). Eeny, Meeny, Miny, Moe: The Reception of Retranslations and How Readers Choose. Cadernos de Tradução, 39(1), 216−259. https://doi.org/10.5007/2175-7968.2019v39n1p216
    https://doi.org/10.5007/2175-7968.2019v3...
    . Pour illustrer ses propos, l'autrice y évoque le cas de la fin de la période de droit d'auteur comme l'un des moteurs d’incitation à la retraduction et précise que plus d'une maison d'édition sera disposée à commander une nouvelle traduction comme une "valeur sûre" ou comme un indicateur de prestige [de l'œuvre] au sein de son catalogue.
  • 8
    “[…] A host of derogatory words: chink, dago, frog, greaser, hunkie, kike, spic, wop, yid, and nigger. Their use could create problems for the industry” (Leff, 1984Leff, L. J. (1984). David Selznick's Gone With the Wind: the Negro Problem. The Georgia Review, 38(1), 146−164., p. 151).
  • 9
    Jennings (2018, notre traduction)Jennings, J. (2018, 13 September). “Ten Little Indians”: How did the genocidal nursery rhyme come about? Indian Country Today. https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
    https://indiancountrytoday.com/archive/t...
    observe que "les récits historiques codés, que l'on retrouve dans de nombreuses comptines pour enfants, devaient faire circuler une idéologie qui suivait les générations. [L’objectif était de] […] définir les Indiens comme ‘inférieurs’ et ‘arriérés’. La chanson associait la définition anglo-construite de ‘sauvage’ à la conscience amérindienne [et son] héritage ultime était le meurtre systématique d'Indiens, laissant [comme dans la rime] ‘Un petit garçon indien vivre tout seul’”.
  • 10
    En effet, en consultant, notamment, The Oxford Dictionary of Nursery Rhymes, reproduit par Nursery Rhymes Wiki, nous avons constaté que des variantes de cette chanson sont apparues en Europe sous forme de livres pour enfants; leurs points ont en commun est “qu'il s'agit de garçons à la peau foncée qui sont toujours des enfants, qui n'apprennent jamais par l'expérience” (Wiki) : tel est le cas de la Hollande en 1913; du Danemark en 1922 (Börnenes billedbog); de l’Islande en 1922 (Negrastrákarnir).
  • 11
    Pour une liste plus ou moins exhaustive des variantes anciennes et contemporaines aux États-Unis, consulter Jacobs (2018)Jacobs, A. (2018, 13 September). Ten Little Indians: A Genocidal Nursery Rhyme. Indian Country Today. https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
    https://indiancountrytoday.com/archive/t...
    .
  • 12
    Depuis 2004 le domaine Christie affirme s’investir dans les retraductions de l’œuvre (Prichard, 2020Prichard, J. (2020, 26 août). "Dix petits nègres" : le best-seller d'Agatha Christie débaptisé. [Entretien avec Laurent Marsick.] RTL. https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/dix-petits-negres-le-best-seller-d-agatha-christie-debaptise-7800747182
    https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacl...
    ). À titre d’illustration, dans les nouvelles éditions imprimées du roman Indian Island a été rebaptisée Soldier Island et les dix garçons indiens de la comptine sont devenus les dix petits garçons soldats.
  • 13
    Voir aussi Oliveira (2022)Oliveira, R. de. (2022). Sur l'in/visibilité du traducteur dans les notes explicatives de l'édition française de Capitães da areia / Capitaines des sables de Jorge Amado. (Con)textos Linguísticos, 16(35), 132−149. https://doi.org/10.47456/cl.v16i35.39116
    https://doi.org/10.47456/cl.v16i35.39116...
    .
  • 14
    Dans L’esclavage dans la France moderne, Érick Noël écrit [qu’au 18ème siècle] “Paris était devenu la plaque tournant de l’esclavage” : la ville des Lumières était même “la capitale de l’esclavage”, car “contrairement aux principes, coloniaux et capitaines de navires vendaient des esclaves à des métropolitains, et ceux-ci profitaient du travail servile d’individus qu’ils n’avaient pas le droit d’acquérir”. Selon l’auteur, “De tels propos se sont clairement fondés sur des témoignages comme celui de Poncet de La Grave, le procureur du roi à l’amirauté de France qui en 1762 écrivait : ‘La France, surtout la capitale, est devenue un marché public où l’on a vendu des hommes au plus offrant et dernier enchérisseur ; il n’est pas de bourgeois ou d’ouvrier qui n’ait eu son nègre esclave’”. Noël (2007, p. 361−362)Noël, É. (2007). L'esclavage dans la France moderne. Dix-huitième siècle, 39(1), 361−383. https://doi.org/10.3917/dhs.039.0361
    https://doi.org/10.3917/dhs.039.0361...
    argumente alors que “[l]’historienne américaine Sue Peabody a vu là surtout l’expression d’un malaise personnel, Poncet indigné par cette présence noire dans Paris ayant cherché des arguments pour enrayer des entrées qui à ses yeux ne pouvaient qu’entraîner un inquiétant mélange des sangs...”.

Remerciements

À Anna Christina Bentes pour l’accueil académique à l'Institut d'études linguistiques (IEL/Unicamp), aux partenaires de Cadernos de Tradução pour leurs commentaires et suggestions et à l'Université du Cap (UCT) pour son soutien financier.

  • Données de la recherche

    Ne s’applique pas.
  • Financement

    University of Cape Town.
  • Consentement d’utilisation d’image

    Ne s’applique pas.
  • Approbation par le comité d’éthique en recherche

    Ne s’applique pas.
  • Publishing

    Cadernos de Tradução est une publication du Programme de Master et Doctorat en Études de Traduction (Programa de Pós-Graduação em Estudos da Tradução), de l’Université Fédérale de Santa Catarina. La revue Cadernos de Tradução est hébergée par le Portal de Periódicos UFSC. Les idées exprimées dans cet article appartiennent à la responsabilité de ses auteurs/es, et ne représentent pas, nécessairement, l’opinion des éditeurs/es ou de l’université.
  • Révision de normes techniques

    Alice S. Rezende – Ingrid Bignardi – João G. P. Silveira – Kamila Oliveira

Déclaration de disponibilité des données de recherche

Les données de cette recherche, qui ne sont pas exprimées dans cet ouvrage, peuvent être mises à disposition par le(s) auteur(s) sur demande.

Références

  • Alain, J.-R. (2020, 26 août). Dix petits nègres d’Agatha Christie change de titre. La Tribune. https://www.latribune.ca/2020/08/26/dix-petits-negres-dagatha-christie-change-de-titre-9f60b121c9d104bcc1550c21eef154e1
    » https://www.latribune.ca/2020/08/26/dix-petits-negres-dagatha-christie-change-de-titre-9f60b121c9d104bcc1550c21eef154e1
  • Amazon. (2020). 10 petits nègres d’Agatha Christie interdit sur amazon. Amazon France. https://sellercentral.amazon.fr/forums/t/10-petits-negres-dagatha-christie-interdit-sur-amazon/29705
    » https://sellercentral.amazon.fr/forums/t/10-petits-negres-dagatha-christie-interdit-sur-amazon/29705
  • Anderson, T. M. B. (2009). “Ten Little Niggers”: The Making of a Black Man’s Consciousness. Folklore Forum
  • Ballard, M. (2019). Traducteurs et "traductologues" latins : de Cicéron à Boèce. In M. Ballard (Ed.), Antiquité et traduction : De l'Égypte ancienne à Jérôme (pp. 59−76). Presses universitaires du Septentrion. https://doi.org/10.4000/books.septentrion.36919
    » https://doi.org/10.4000/books.septentrion.36919
  • Bensimon, P. (1990). Présentation. Palimpsestes, 4, 9−13. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.598
    » https://doi.org/10.4000/palimpsestes.598
  • Berman, A. (1990). La retraduction comme espace de la traduction. Palimpsestes, 4, 1−7. https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596
    » https://doi.org/10.4000/palimpsestes.596
  • Berman, A. (1991). La traduction et la lettre ou L'auberge du lointain Seuil.
  • Berman, A. (1995). L’Épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique : Herder, Goethe, Schlegel, Novalis, Humboldt, Schleiermacher, Hölderlin Gallimard. (Œuvre originale publiée 1984).
  • Christie, A. (1939). Ten Little Niggers Collins Crime Club.
  • Christie, A. (1940) And Then There Were None Dodd, Mead & Co.
  • Christie, A. (1964). Ten Little Indians Pocket Book.
  • Christie, A. (2002). Dix petits nègres (L. Postif, Trad.). Librairie des Champs-Élysées.
  • Christie, A. (2020). Ils étaient dix. (G. de Clergé, Trad.). Le Masque.
  • Collombat, I. (2004). Le XXIe siècle : l’âge de la retraduction. Translatio Studies in the New Millennium, 2, 1−15.
  • CNCDH. Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. https://www.cncdh.fr/
    » https://www.cncdh.fr/
  • CRAN. (2023, 28 février). Les résultats du 2ème baromètre des discriminations CRAN / IPSOS repris dans les médias. Le Conseil Représentatif des Associations Noires. https://www.lecran.org/societe/les-resultats-du-2eme-barometre-des-discriminations-cran-ipsos-repris-dans-les-medias/
    » https://www.lecran.org/societe/les-resultats-du-2eme-barometre-des-discriminations-cran-ipsos-repris-dans-les-medias/
  • Dictionnaire de l’Académie française. https://www.dictionnaire-academie.fr/
    » https://www.dictionnaire-academie.fr/
  • Gambier, Y. (1994). La retraduction, retour et détour. Meta, 39(3), 413–417. https://doi.org/10.7202/002799ar
    » https://doi.org/10.7202/002799ar
  • Gambier, Y. (2011) La retraduction : Ambigüités et défis. In E. P. Monti, P. Schnyder (Eds.), Autour de la retraduction: Perspectives littéraires européennes. (pp. 49−66). Orizons.
  • Garrigues, J. Pourquoi le roman "Dix petits nègres" d’Agatha Christie a été renommé "Ils étaient dix" Europe 1. https://www.europe1.fr/culture/le-roman-dix-petits-negres-dagatha-christie-renomme-ils-etaient-dix-3987807
    » https://www.europe1.fr/culture/le-roman-dix-petits-negres-dagatha-christie-renomme-ils-etaient-dix-3987807
  • Genette, G. (1982). Palimpsestes Seuil.
  • Guinness World Records. https://www.guinnessworldrecords.com/
    » https://www.guinnessworldrecords.com/
  • Hofmann, S. (2005). Rethinking Agatha Christie: The Strange and Offensive History of Ten Little Indians. Rethinking Schools, 20(1).
  • Jacobs, A. (2018, 13 September). Ten Little Indians: A Genocidal Nursery Rhyme Indian Country Today. https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
    » https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
  • Jakobson, R. (1963). Essais de linguistique Générale (N. Ruwet, Trad.). Editions de Minuit.
  • Jakobson, R. (2013). On Linguistic Aspects of Translation. In R. A. Brower (Ed.), On Translation (pp. 232−239). Harvard University Press. https://doi.org/10.4159/harvard.9780674731615.c18
    » https://doi.org/10.4159/harvard.9780674731615.c18
  • Jennings, J. (2018, 13 September). “Ten Little Indians”: How did the genocidal nursery rhyme come about? Indian Country Today. https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
    » https://indiancountrytoday.com/archive/the-history-of-ten-little-indians
  • Kennedy, R. (2022). Nigger: The Strange Career of a Troublesome Word Pantheon Books. (Œuvre originale publiée 2002).
  • Koskinen, K., & Paloposki, O. (2003). Retranslations in the Age of Digital Reproduction. Cadernos de Tradução, 1(11), 19–38.
  • Kristeva, J. (1969). Semiotikè: Recherches pour une sémanalyse Éditions du Seuil.
  • Leff, L. J. (1984). David Selznick's Gone With the Wind: the Negro Problem. The Georgia Review, 38(1), 146−164.
  • Les Observateurs. "Mamadou", "tête de nègre", "Bamboula" : ces gâteaux français accusés de véhiculer le racisme anti-noirs. Observers France 24. https://observers.france24.com/fr/20190304-mamadou-tete-negre-bamboula-ces-gateaux-francais-accuses-vehiculer-racisme-anti-noi
    » https://observers.france24.com/fr/20190304-mamadou-tete-negre-bamboula-ces-gateaux-francais-accuses-vehiculer-racisme-anti-noi
  • Levi-Strauss, C. (1954). Race et Histoire UNESCO.
  • Limat-Letellier, N. (1998). Historique du concept d’intertextualité. In M. Miguet-Ollagnier (Ed.), L’intertextualité (pp. 17−64). Presses Universitaires de Franche-Comté. https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507
    » https://doi.org/10.4000/books.pufc.4507
  • Meschonnic, H. (1999). Poétique du traduire Verdier.
  • Mounin, G. (1963). Les problèmes théoriques de la traduction. Gallimard.
  • Noël, É. (2007). L'esclavage dans la France moderne. Dix-huitième siècle, 39(1), 361−383. https://doi.org/10.3917/dhs.039.0361
    » https://doi.org/10.3917/dhs.039.0361
  • Oliveira, R. de. (2019). French: from Academy to Zouzer Aracne.
  • Oliveira, R. de. (2022). Sur l'in/visibilité du traducteur dans les notes explicatives de l'édition française de Capitães da areia / Capitaines des sables de Jorge Amado. (Con)textos Linguísticos, 16(35), 132−149. https://doi.org/10.47456/cl.v16i35.39116
    » https://doi.org/10.47456/cl.v16i35.39116
  • Prairat, E. (2009). Chapitre 1 : Éthique, morale et déontologie. In E. Prairat (Ed.), De la déontologie enseignante (pp. 7-21). PUF.
  • Prichard, J. (2020, 26 août). "Dix petits nègres" : le best-seller d'Agatha Christie débaptisé [Entretien avec Laurent Marsick.] RTL. https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/dix-petits-negres-le-best-seller-d-agatha-christie-debaptise-7800747182
    » https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/dix-petits-negres-le-best-seller-d-agatha-christie-debaptise-7800747182
  • Renard, C. (2018, 10 mai). De l’esclavage à la négritude : une histoire du mot "Noir". Radio France Culture. https://www.radiofrance.fr/franceculture/de-l-esclave-a-la-negritude-une-histoire-du-mot-noir-9348400
    » https://www.radiofrance.fr/franceculture/de-l-esclave-a-la-negritude-une-histoire-du-mot-noir-9348400
  • Riffaterre, M. (1981). L’intertexte inconnu. Littérature, 1(41), 4–7.
  • R.L. (2023, 15 février). Sondage : 9 personnes noires sur 10 se disent victimes de racisme en France France-Antilles Guadeloupe. https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/societe/sondage-9-personnes-noires-sur-10-se-disent-victimes-de-racisme-en-france-924134.php
    » https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/societe/sondage-9-personnes-noires-sur-10-se-disent-victimes-de-racisme-en-france-924134.php
  • Schleiermacher, F. D. E. (2010). Sobre os diferentes métodos de tradução. (C. Braida, Trad.). In W. Heidermann (Ed.), Clássicos da teoria da tradução: alemão-português. (pp. 38−101). Núcleo de Pesquisas em Literatura e Tradução.
  • Siegel, A. (2015, 4 mars). Grasse : des gâteaux jugés "racistes" vendus en boulangerie BFMTV. https://www.bfmtv.com/societe/grasse-des-gateaux-juges-racistes-vendus-en-boulangerie_AN-201503040082.html
    » https://www.bfmtv.com/societe/grasse-des-gateaux-juges-racistes-vendus-en-boulangerie_AN-201503040082.html
  • Sopo, D. (2020, 29 septembre). Le nègre et le néant Libération. https://www.liberation.fr/debats/2020/08/29/le-negre-et-le-neant_1798036/
    » https://www.liberation.fr/debats/2020/08/29/le-negre-et-le-neant_1798036/
  • Taguieff, P.-A. (2013). Dictionnaire historique et critique du racisme PUF.
  • UCLouvain. (2018). Boîte à outils pédagogiques pour l’enseignement de l’éthique. Enseigner l’éthique. https://www.enseignerlethique.be/content/accueil
    » https://www.enseignerlethique.be/content/accueil
  • Venuti, L. (1986). The Translator's Invisibility. Criticism, 28(2), 179−212.
  • Venuti, L. (2004). Retranslations: The Creation of Value. In K. M. Faull (Ed.), Translation and Culture: Special issue of Bucknell Review, 47(1), 25−38.
  • Wardle, M. (2019). Eeny, Meeny, Miny, Moe: The Reception of Retranslations and How Readers Choose. Cadernos de Tradução, 39(1), 216−259. https://doi.org/10.5007/2175-7968.2019v39n1p216
    » https://doi.org/10.5007/2175-7968.2019v39n1p216
  • Warren, C. A. (2010). Gender and Moral Immaturity in Agatha Christie's “And Then There Were None”. CEA Critic, 73(1), 51−63.

Edited by

Éditeur de section

Andréia Guerini – Willian Moura

Publication Dates

  • Publication in this collection
    21 June 2024
  • Date of issue
    2024

History

  • Received
    26 May 2023
  • Accepted
    24 Nov 2023
  • Published
    Mar 2024
Universidade Federal de Santa Catarina Campus da Universidade Federal de Santa Catarina/Centro de Comunicação e Expressão/Prédio B/Sala 301 - Florianópolis - SC - Brazil
E-mail: suporte.cadernostraducao@contato.ufsc.br