RÉSUMÉ
Cet article interroge le rôle des pratiques de quantification dans la construction de l’État et des routines sociales, dans les manières de gouverner la population par les nombres, dans les modalités de critique statistique de la réalité et dans les processus de changement social. Nous cherchons à contribuer à une synthèse originale de deux matrices interprétatives: d’une part, les études anglo-foucaultiennes sur la gouvernementalité, qui rattachent les formes de quantification à d’autres technologies d’induction de conduite, dans le libéralisme et le néolibéralisme – les « régimes de gouvernement » qui produit produisent et consomment des libertés; d’autre part, la sociologie pragmatique française, en particulier le concept de « conventions d’équivalence » et l’idée de pluralité des logiques d’action, qui permettent de comprendre la double nature de la statistique comme « instrument de preuve » et comme « instrument de gouvernement », formulé par Alain Desrosières, qui privilégie la science des nombres et son rôle dans la coordination de la vie sociale. Nous proposons une utilisation critique de ces modèles, en répétant une généalogie des niveaux d’agence et de vie sociale qui ont été progressivement construits comme domaines de mesure. Cette option permet d’éclairer l’unicité des pratiques de quantification dans le monde contemporain, examinées dans leurs quatre grands genres: benchmarking , activisme statistique, self-tracking et politique algorithmique.
Sociologie de la Quantification; Sociologie de l’État; Gouvernementalité; Néolibéralisme; Gestion de la Population