Acessibilidade / Reportar erro

L'immanence esthétique

TRANSLATION

L'immanence esthétique

Georges Didi-Huberman

É filósofo, crítico de arte e professor da École de Hautes Études en Sciences Sociales, em Paris. Publicou, entre vários outros títulos, La Peinture incarnée, suivi de Le chef-d'oeuvre inconnu par Honoré de Balzac (Paris: Minuit, 1985), Devant l'image. Question posée aux fins d'une histoire de l'art (Paris: Minuit, 1990), Ce que nous voyons, ce qui nous regarde (Paris: Minuit, 1992), La Ressemblance de l'informe, ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille (Paris: Macula, 1995), Devant le temps. Histoire de l'art et anachronisme des images (Paris: Minuit, 2000) e L'image survivante. Histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg (Paris: Minuit, 2002)

RÉSUMÉ

L'auteur se propose de montrer que l'apparente contradiction de l'art de Victor Hugo – la dispersion et la multiformité d'une part, le "un compact" d'autre part – doit se comprendre en fonction d'une grande tentative pour dépasser les oppositions classiques entre l'universel et le singulier, le mouvement centrifuge du divers et le mouvement centralisateur de l'unité. L'originalité des procédures graphiques de Hugo dans ses dessins relève d'une esthétique de l'immanence, qui se désire geste et non représentation, Darstellung et non Vorstellung, procès et non aspect, contact et non distance. Elle est théâtre: elle tente de jouer, de rejouer à son échelle minuscule – une table, une feuille de papier, de l'encre et une plume – le grand jeu du "mystère de la vie".

ABSTRACT

The author tries to show that the apparent contradiction in Victor Hugo's art – dispersion and multiformity, on the one hand, and compact unity, on the other – must be understood as a great attempt to overcome the classical oppositions between the universal and the singular, the centrifugal movement of the different and the centralizing movement of unity. The originality in Hugo's graphic procedures in his drawings points to an imma-nence aesthetics, one of the gesture instead of representation, Darstellung instead of Vorstelung, process instead of aspect, contact instead of distance. It is a theater: it tries to enact and re-enact in minute scale – a table, a sheet of paper, ink and a feather – the great play of the "mistery of live".

Keywords: art criticism, immanence aesthetics, Victor Hugo

Dans le texte superbe qu'il lui consacra, en 1861, Baudelaire créditait Victor Hugo de tout ce qu'on peut attendre, radicalement, d'une esthétique romantique: "exprimer par la poésie ce que j'appellerai le mystère de la vie"*1 *1 (Baudelaire, C. "Victor Hugo" (1861). Em: C. Pichois (ed.). Œuvres com-plètes, II. Paris: Gallimard, 1976: 131. ) . L'année suivante, Théophile Gautier rendait hommage à Hugo dessinateur dans des termes fort comparables: "La vie cachée sous les formes se révèle à lui dans son activité mystérieuse"*2 *2 (Gautier, T. "Dessins de Victor Hugo" (1862). Em: F. Court-Pérez (ed.). Victor Hugo. Paris: Honoré Champion, 2000: 209, grifo meu. ) . Et Nietzsche, un peu plus tard: "C'est un être de la nature (un naturaliste, dit Flaubert): il a la sève des arbres dans les veines"*3 *3 (Nietzsche, F. apud Maurel, J. Victor Hugo philosophe. Paris, PUF, 1985: 11. ) . La rythmique de Hugo – qu'il tienne sa plume dans un sens ou dans l'autre, qu'il décrive une tempête pour un roman ou qu'il submerge son papier d'encre brune pour un dessin – serait-elle donc l'écho fidèle d'une psyché "barométrique" ou "sismographique" ou esthésique ayant trop bien capté le pouls de la physis universelle?

De cette faculté d'absorption de la vie extérieure, unique par son ampleur, et de cette autre faculté puissante de méditation est résulté, dans Victor Hugo, un caractère poétique très particulier, interrogatif, mystérieux et, comme la nature, immense et minutieux, calme et agité. [ ] De là ces turbulences, ces accumulations, ces écroulements de vers, ces masses d'images orageuses, emportées avec la vitesse d'un chaos qui fuit; de là ces répétitions fréquentes de mots, tous destinés à exprimer des ténèbres captivantes ou l'énigmatique physionomie du mystère.

Ainsi Victor Hugo possède non seulement la grandeur, mais l'universalité. Que son répertoire est varié! et, quoique toujours un et compact, comme il est multiforme! [ ] En tout il met la palpitation de la vie. S'il peint la mer, aucune marine n'égalera les siennes. Les navires qui en rayent la surface ou qui en traversent les bouillonnements auront, plus que tous ceux de tout autre peintre, cette physionomie de lutteurs passionnés, ce caractère de volonté et d'animalité qui se dégage si mystérieusement [ ]. La force l'enchante et l'enivre; il va vers elle comme vers une parente: attraction fraternelle. Ainsi est-il emporté irrésistiblement vers tout symbole de l'infini, la mer, le ciel; [ ] il se meut dans l'immense. [ ] Germinations, éclosions, floraisons, éruptions successives, simultanées, lentes ou soudaines, progressives ou complètes *4 *4 (Baudelaire, C. "Victor Hugo". Op. cit.: 134-8.)

Comme toujours, Baudelaire touche ici à l'essentiel: l'apparente contradiction de l'art hugolien – la dispersion et la multiformité d'une part, le "un compact" d'autre part – doit justement se comprendre en fonction d'une grande tentative pour dépasser les oppositions classiques entre l'universel et le singulier, le mouvement centrifuge du divers et le mouvement centralisateur de l'unité. "En tout il met la palpitation de la vie", écrit Baudelaire: comprenons, d'abord, que Hugo prend tout, prend "le tout" – dans son infinie variété – pour champ de son travail poétique; mais que, en tout, à travers tout, bat cette palpitation caractéristique qu'il faut nommer la vie. L'art poétique de Hugo, le rythme de ses vers, le thème de ses romans, la structure de sa pensée, l'énergie de des dessins, tout cela appelle donc – ou s'origine dans – une philosophie de la vie.

Une Naturphilosophie guide constamment l'esthétique de Hugo, jusque dans ses images les plus supposément éloignées de la réalité. En cela, il est le romantique par excellence, et Baudelaire a bien raison de placer toute la tentative hugolienne sous le signe de ce qu'il nomme "l'inépuisable fonds de l'universelle analogie", à propos de quoi surgissent les noms de Byron et de Swedenborg, mais aussi de Goethe et de Lavater*5 *5 (Ibid .: 133.) . Baudelaire lui-même défendait une théorie de l'imagination – et de cette "faculté d'absorption de la vie extérieure" dont il crédite ici le poète des Contemplations – opposée à toute triviale "fantaisie" subjective: "L'Imagination est une faculté quasi divine qui perçoit tout d'abord [ ] les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies"*6 *6 (Baudelaire, C. "Notes nouvelles sur Edgar Poe" (1857). Em: Œuvres com-plètes, II. Op. cit.: 329. ) . Il avait, depuis longtemps, promu l'imagination comme une faculté "scientifique", une objectivation des ressemblances au sein de cette "analogie universelle" qu'il devait rencontrer partout dans l'œuvre de Victor Hugo:

Il y a bien longtemps que je dis [ ] que l'imagination est la plus scientifique des facultés, parce que seule elle comprend l'analogie universelle, ou ce qu'une religion mystique appelle la correspondance. Mais quand je veux faire imprimer ces choses-là, on me dit que je suis fou, – et surtout fou de moi-même, – et que je ne hais les pédants que parce que mon éducation est manquée. – Ce qu'il y a de bien certain cependant, c'est que j'ai un esprit philosophique qui me fait voir clairement ce qui est vrai, même en zoologie, bien que je ne sois ni chasseur, ni naturaliste.*7 *7 (Baudelaire, C. "Lettre à Alphonse Toussenel du 21 janvier 1856". Em: Crépet, J. (ed.) Œuvres complètes. Correspondance générale, I. 1833-1856. Paris: Conard, 1947: 368. )

Victor Hugo fut bien plus "naturaliste" encore que Baudelaire, même si sa passion pour les sciences naturelles – notamment pour les trésors langagiers de leurs différents jargons techniques – dépassa rarement le niveau d'un encyclopédisme à la Flammarion.*8 *8 (Cf. Albouy, P. "Raison et science chez Victor Hugo" [1952]. Em: Mythographies: 98-120. Sobre a importância da "ciência recreativa" no século XIX, cf. Romantisme, n. 65, 1989 ["Science pour tous"]). Mais la question esthétique ne peut se réduire à la maîtrise ou non de ses sources scientifiques par un poète. Ce qui compte demeure cette faculté de faire proliférer les ressemblances jusqu'à ce que quelque chose émerge comme un rythme structurel caractéristique. La prolifération des ressemblances relève du chimérique, voire de l'hallucinatoire ou de la démesure hypocondriaque; mais la reconnaissance des rythmes relève d'une sensibilité particulière aux saillances et aux prégnances, c'est-à-dire aux morphologies objectives.

***

C'est surtout dans les années 1860-1866 – période qui commence avec la reprise des Misérables et se clôt avec la publication des Travailleurs de la mer – que Victor Hugo a multiplié les recours au vocabulaire de l'immanence: ils viennent en droite ligne de Spinoza, évidemment, que Hugo évoquait ici et là, sans pour autant l'avoir lu, semble-t-il, dans le détail; mais ils viennent aussi de Pierre Leroux, de Proudhon ou des hégéliens de gauche ayant fui l'Allemagne pour Paris en 1843*9 *9 (Cf. Gohin, Y. "Sur l'emploi des mots immanent et immanence chez Victor Hugo": 3-24. Sobre a re-cepção de Spinoza na França, cf. Vernière, Paul. Spinoza et la pensée française avant la Révolution. Paris: PUF, 1954.) . Selon Charles Renouvier, "l'immanence est dans le langage de Victor Hugo une force obscure, irrésistible, inhérente dans tous les temps aux êtres, et les maîtrisant"*10 *10 (Renouvier, C. Victor Hugo le philosophe (1900). Paris: Maisonneuve & Larose, 2002: 226. ) . C'est donc bien le "mystère de la vie" dont parlait Baudelaire et, partant, le principe même de cette "universelle analogie" où science et poésie peuvent reconnaître leur commun objet esthétique. C'est ce "Tout solidaire" et fluide que Hugo résume si bien dans un seul vers des Contemplations: "À jamais! le sans fin roule dans le sans fond"*11 *11 (Sobre a poética hugoliana do "Todo solidário", cf. especialmente Robert, G. "Chaos vaincu". Em: Quelques remarques sur l'oeuvre de Victor Hugo. Paris: Les Belles Lettres, 1976, I: 237-48; Glauser, A. La poétique de Hugo: 71-104 ("Tout cherche tout") e Gohin, Y. "Une écriture de l'immanence". Em: Hugo le fabuleux: 19-36.) .

Comme souvent, Victor Hugo regarde un mot français à partir de son usage latin. Il pense donc l'immanence selon le verbe immanere, qui signifie rester, demeurer. Mais le poète regarde aussi l'adjectif latin qui se trouve juste à côté, dans le dictionnaire: c'est le mot immanis, qui signifie l'immense, le trop vaste, le monstrueux, le prodigieux, l'âpre et le farouche, bref, tout ce que Hugo prête justement aux "forces obscures" de la physis comme de la psyché, de la souveraine tourmente naturelle comme des perpétuels tourments de l'âme.

Il y eut d'autre part chez Hugo, comme chez nombre de poètes et de grands artistes, une sorte d'intuition philosophique qui le menait d'un seul geste au problème juste: il n'avait sans doute pas remarqué que l'énoncé de l'immanence, chez Spinoza, va de pair avec un vocabulaire de la fluidité (effluere) et du pli (complicare, explicare), mais il n'en fit pas moins du monde un grand tumulte de fluides et de plis. Comme, plus tard, devait le clarifier, en termes philosophiques, une bonne partie des travaux deleuziens, depuis les commentaires de Spinoza et de Leibniz jusqu'au dernier texte publié par Gilles Deleuze, où l'immanence est précisément focalisée sur un certain concept de vie et de multiplicité, les deux notions qui avaient précisément retenu Baudelaire dans sa lecture de Hugo*12 *12 (Cf. Spinoza, B. Éthique [1675]. Tradução B. Pautrat. Paris: Seuil, 1988 (ed. revista 1999). I, 17, " effluere" (p. 48) e I, 18, "definição da causa imanente" (p. 51); Deleuze, Gilles. Spinoza et le problème de l'expression. Paris: Minuit, 1968: 153-69 e "L'immanence: une vie...". Philosophie, n. 47. 1995: 3-7. Esse último texto foi comentado por Agamben. G. "L'immanence absolue". Em: Alliez. Éric (dir.) Deleuze: une vie philosophique. Paris: Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour le Progrès de la Connaissance, 1998: 165-88. Agradeço a Élie During a lembrança.) .

Immanence, donc: le flux généralisé, le pli de chaque chose dans chaque chose, la vie p'rtout, la matière poreuse vouée aux turbulences. Et, avec cela, un effet critique sur la représentation, une façon de dissoudre les arpects dans les milieux. En termes esthétiques, nous solmes évidemment dans la sphère du sublime*13 *13 (Saint Girons, B. Fiat Lux. Une philosophie du sublime. Paris: Quai Voltaire, 1993: 53-110 e 154-221. Cf. também Burgard, C. & Saint Girons, B. Le Paysage et la question du sublime. Valen-ce / Paris: Musée de Valence-RMN, 1997. ) . Si les "marines" de Victor Hugo s'avèrent à ce point différentes d'une constructinn réaliste à la Courbet – je pense, bien sûr, aux différentes versions de La Vague*14 *14 (Cf. Flécheux, C. " La Vague est-elle un paysage?". Em: Le Paysage et la ques-tion du sublime. Op. cit.: 137-48.) –, c'est parce que Hugo pensait d'abord, non à définir ce qu'il voyait (aspects), mais à se noyer dans ce qu'il regardait (milieux). Il tentait donc, dans ses dessins, de fondre la "psychique" de Goya, avec ses perpétuels tourments, dans la physique de Turner, avec ses souveraines tourmentes*15 *15 (Sobre as "tormentas" de Turner e sua estética dos meios fluidos difundida desde 1820 pelas gravuras de W. B. Cook, cf. especialmente Gowing, L. Turner: peindre le rien (1963-1966). Tradução de G. Morel. Paris: Macula, 1994; Hamilton, J. Turner and the scientists. Londres: Tate Gallery Publishing, 1998: 58-91 e Parris, L. (dir.). Exploring late Turner. New York: Salander-O'Reilly Galleries, 1999. ) .

Mais la question prend un nouveau visage dès lors que l'on accepte de remonter – avec Hugo lui-même – dans la généalogie du sublime: par le biais d'une ferveur particulière pour les ruines et, surtout, d'une constante involution dans le monde mythologique de l'Antiquité*16 *16 (Cf. Albouy, P. La Création mythologique chez Victor Hugo: 61-116 [especialmente 111-5 sobre as ninfas e Vênus e 180-208 sobre aspecto cósmico e dinâmico]; Py, A. Les Mythes grecs dans la poésie de Victor Hugo. Genève: Droz, 1963: 61-81 [metamorfoses] e 161-70 [ninfas] e Mortier, Roland. La Poétique des ruines en France. Ses ori-gines, ses variations de la Renaissance à Victor Hugo. Genève: Droz, 1974: 211-22.) , Hugo a fait de l'immanence une puissance de métamorphose sur toute chose et toute vie. Il a lu Ovide, il a compris que la notion de métamorphose pouvait donner la règle poétique et philosophique de toutes les multiformités, de toutes les analogies, des chimères comme des formes exactes, des ressemblances imaginées comme des homologies objectives C'est en ce sens qu'il a pu jouer aussi librement, dans ses notes inédites, sur les ordres naturels, par exemple:

La vie et la végétation, la vie et la minéralisation, se rencontrent et se combinent dans certains êtres qui caractérisent les aspects les plus mystérieux de la création et quelques-unes de ses harmonies visibles. Le crocodile, l'amphibie des rochers et des eaux, est pierre autant qu'animal; le cerf, cet habitant inquiet de la forêt, porte des branches d'arbre sur sa tête.*17 *17 (Hugo, V. "La création – La nature" (1840-1845). Em: Océan: 44.)

Et c'est là que Lucrèce resurgit: "colossale et lugubre pensée" qui fut capable, comme nulle autre, de "descendre" au plus profond des choses. Cette pensée était poétique et philosophique en même temps: sens du rythme et sens du risque mêlés. "Pindare plane, Lucrèce plonge: Lucrèce est le plus risqué"*18 *18 (Hugo, V. " Dieu, fragments" (1856-1858), I. Em: Chantiers: 412 e "Pro-montorium somnii"(1863). Em: Critique: 652. ) . En 1864, Hugo voulut raconter sa découverte précoce du De rerum natura:

Je me souviens qu'étant adolescent, un jour, à Romorantin, dans une masure que nous avions, sous une treille verte pénétrée d'air et de lumière, j'avisai sur une planche un livre, le seul livre qu'il y eût dans la maison, Lucrèce, De rerum natura. Mes professeurs de rhétorique m'en avaient dit beaucoup de mal, ce qui me le recommandait. J'ouvris le livre. [ ] Quelques instants après, je ne voyais plus rien, je n'entendais plus rien, j'étais submergé dans le poète; à l'heure du dîner, je fis signe de la tête que je n'avais pas faim, et le soir, quand le soleil se coucha et quand les troupeaux rentrèrent à l'étable, j'étais encore à la même place, lisant le livre immense.*19 *19 (Hugo, V. William Shakespeare (1864), I, III, 4. Critique: 301-2.)

Et, dans ces pages fameuses sur ceux qu'il nomme les "hommes océans", Hugo n'explicite cet immense du poème lucrétien par rien d'autre que par l'immanence porteuse de toute son entreprise:

Lucrèce, c'est cette grande chose obscure: Tout. [ ] Il a vu tant d'hommes qu'ils ont fini par se confondre tous dans sa prunelle et que cette multitude est devenue pour lui fantôme. Il est arrivé à cet excès de simplification de l'univers qui en est presque l'évanouissement. Il a sondé jusqu'à sentir flotter la sonde. [ ] Peut-être a-t-il parlé dans les roseaux à Oannès, l'homme-poisson de la Chaldée, qui avait deux têtes, en haut une tête d'homme, en bas une tête d'hydre, et qui, buvant le chaos par sa gueule inférieure, le revomissait sur la terre par sa bouche supérieure, en science terrible. Lucrèce a cette science. Isaïe confine aux archanges, Lucrèce aux larves. Lucrèce tord le vieux voile d'Isis trempé dans l'eau des ténèbres, et il en exprime, tantôt à flots, tantôt goutte à goutte, une poésie sombre. L'illimité est dans Lucrèce. Par moments passe un puissant vers spondaïque presque monstrueux et plein d'ombre [ ]. Çà et là une vaste image de l'accouplement s'ébauche dans la forêt [ ]; et la forêt, c'est la nature. Ces vers-là sont impossible à Virgile. Lucrèce tourne le dos à l'humanité et regarde fixement l'Énigme.*20 *20 (Ibid., I, II, 2: 269-70.)

Sur un petit feuillet conservé à la Bibliothèque nationale de France, Hugo a dessiné le profil sévère d'un homme barbu; une sorte de tache, devant sa bouche, semble faire office de souffle sombre, comme ce chaos "revomi sur la terre" par la gueule de l'homme-poisson. En bas, à droite, est inscrit: "Démocrite riait / Héraclite pleurait / Aristote observait". Puis, en grosses lettres: "Lucrèce songe"*21 *21 (Victor Hugo. Lucrèce songe, c. 1864-1869. Pena, pincel, tinta marrom e guache branco sobre papel, 19,7 x 12,3 cm. Paris, Biblioteca Nacional da França, Mss, NAF 13355, f. 14. Agradeço Marie-Laure Pré-vost por ter-me chamado a atenção para esse desenho.) . Comme dans bien d'autres dessins, le visage tracé à la plume semble exhaler cette "vision" même – ou cette "science terrible" – que le lavis rend indistinct comme un tourbillon dans lequel tout est appelé à se noyer, à se fondre.

Or, Hugo revendiquait bien pour lui-même la "méthode du songeur" issue de cette vieille poésie philosophique. On reconnaît partout les caractéristiques lucrétiennes de la pensée de Hugo: dire le Tout dans un poème; rêver sur les atomes, les semences, les animalcules, les monstres de la création; tirer un trait d'union – établir la morphologie commune ou l'"analogie universelle" – entre l'infiniment petit et l'infiniment grand; réfléchir à la chute des éléments et aux bifurcations du clinamen; penser toute chose sous l'angle du mouvement et de l'attraction sexuelle, mais aussi de la corrosion, de la destruction, de la pulvérisation; regarder le fourmillement des êtres comme une constante germination du milieu, une puissance de l'immanence*22 *22 (Cf. Marquet, J.-F. "Victor Hugo et l'infiniment petit". Po&sie, n. 31, 1984: 59-77. ) .

C'est ainsi que le monde hugolien est à comprendre comme une "ondulation universelle", un tourbillon d'atomes que domine la loi des "frottements", un rayonnement de toute substance: "Tous les corps rayonnent leur substance [et] leur image", écrit bien Hugo dans une variante attentive – l'usage transitif du verbe l'atteste – de la théorie lucrétienne des simulacres. "De tout lac il se dégage une vapeur, de toute pensée une rêverie, de toute poésie une musique"*24 *24 (Hugo, V. "Philosophie prose" (1840, 1854 e 1860). Océan: 64, 69 e 109; "Science – Questions relatives à la forme sphérique" (1843). Océan: 130-1 e "Critique" (1840 ?). Océan: 148.) . Bref, "tout est grand dans la création [et] le petit n'existe que dans l'ordre moral": le monde entier a sa figure dans un simple tronc d'arbre coupé, alors même que des "monstres" surgissent de ses racines. "Hé, prends ton microscope, imbécile! et frémis. Tout est le même abîme avec les mêmes ondes"*25 *25 (Hugo, V. "Unité" (1844-1846). Toute la lyre, II, 46: 236; "La création – La nature " (c. 1850). Océan: 44 e " Dieu, fragments" (1856), I. Chantiers: 506.) .

***

Ainsi remue l'immanence. Le monde fait des vagues: tel est son rythme même, sa respiration, sa vie. Les tourmentes y surviennent comme spasmes, crises, symptômes dans ce corps immense. "La création [n']est [pas] autre chose que l'onde de la plénitude", affirme Hugo. Ailleurs, il parle de "l'onde innombrable": le monde bat, respire et rayonne. Voilà pourquoi il ne faut pas s'étonner que "l'absolu [soit] monotone [et] toujours incompréhensible". Tout naît, tout se développe à partir de cette grande respiration du milieu – même l'écriture, dont Hugo imagine qu'elle aurait pu se former climatiquement: le Z dans l'éclair, les lettres rondes dans les nuages, et ainsi de suite*26 *26 (Hugo, V. "La création – La nature" (1859-1860 e c. 1870). Océan: 46 e 51-2; "Philosophie prose" (c. 1870). Océan: 71 e "Voyons, d'où vient le verbe ? " (non daté). Dernière Gerbe, XXIV: 828-9). .

On comprend mieux pourquoi la mer, en ses grands mouvements de flux et de reflux, d'étendues et de profondeurs, a pu constituer le paradigme même de l'immanence selon Hugo. On comprend mieux, philosophiquement, pourquoi tout retourne poétiquement à la mer. Pourquoi le temps et l'être sont un océan vivant; pourquoi la femme est une mer et la mer un immense impersonnel féminin où se combattent, intriqués l'un dans l'autre comme serpent sur serpent, pli sur pli, pan sur pan, vague sur vague, Éros (l'érotique des fluides où naître et se lover) sur Thanatos (la menace des fluides où se perdre et se noyer).

Mais comment reconnaître, comment nommer ou dessiner, comment connaître cela? Hugo observe d'abord que, morphologiquement, la mer délivre toute une dynamique de plis en mouvement – "le pli mystérieux et noir du tourbillon", dit-il au milieu de ses fragments sur Dieu, là même où il est question de la mer et de l'immanence selon Spinoza*27 *27 (Hugo, V. " Dieu, fragments" (1856), I. Chantiers: 514-9.) –, et qu'à ce titre, elle apparaît comme un tissu vivant qui serait surface pliée, dépliée, repliée sans cesse: c'est-à-dire une draperie, une surface aux aspects multiples recelant des profondeurs multiples. "La mer est patente et secrète; elle se dérobe, elle ne tient pas à divulguer ses actions. Elle fait un naufrage, elle le recouvre; l'engloutissement est sa pudeur"*28 *28 (Hugo V. Les Travailleurs de la mer, II, I, 1: 194.) . L'immanence est bien comme un fluide, mer ou atmosphère: en elle tout ondoie, tout remue, tout s'interpénètre et s'échange, tout coule et s'écroule, tout resurgit toujours

Toute la nature est un échange. [ ]

Les phénomènes s'entrecroisent. N'en voir qu'un, c'est ne rien voir. La richesse des fléaux est inépuisable. Ils ont la même loi d'accroissement que toutes les autres richesses, la circulation. L'un entre dans l'autre. La pénétration du phénomène dans le phénomène engendre le prodige.

Le prodige, c'est le phénomène à l'état de chef-d'œuvre. Le chef-d'œuvre est parfois une catastrophe. Mais dans l'engrenage de la création, prodigieuse décomposition immédiatement recomposée, rien n'est sans but. [ ]

C'est une quantité qui se décompose et se recompose. Cette quantité est dilatable; l'infini y tient. [ ]

Sur cette rêverie plane l'ouragan.

On est réveillé de l'abstraction par la tempête. [ ] Il y a des prises de force jusque dans le point géométrique. Aucune mesure, aucun rêve, ne peut donner l'idée de cette propagation de vitalité par voisinages grandissants ou décroissants, poussée vertigineuse de l'indéfini dans l'infini. [ ]

Ce qu'est cette adhérence, ce qu'est cette immanence, impossible de se le figurer. [ ] Ici, [elle] travaille par antithèse, là par identité. Rien de plus sublime. [ ] Ici exubérance d'harmonie, là excès de chaos. [ ] Les ondulations de la vitalité sont aussi illimitées et aussi indéfinies que les moires de l'eau. Elles s'emmaillent, se nouent, se dénouent, se renouent. Les zones de la réalité universelle se tordent, au dessus et au dessous de notre horizon, en spirale sans fin. [ ] Tout se tient. Tout adhère.*29 *29 (Hugo, V. "La mer et le vent" (1865). Critique: 680-90. Cf. igualmente L'Homme qui rit, I, II, 1: 399-401 ("Les lois qui sont hors de l'homme").

Il ne faut pas s'étonner, dès lors, que la mer ait été, pour Hugo, bien plus qu'une occasion de multiplier les métaphores poétiques*30 *30 (Cf. notadamente Hugo, V. "Le feu du ciel" (1828). Les Orientales, I: 418; "Oceano Nox" (1836). Les Rayons et les ombres, XLII: 1.034-35 e "Gros temps la nuit" (1854). Toute la lyre, II, 20: 213-5.) , voire de créer un personnage de roman à part entière, fût-il paradoxal dans son impersonnalité. Si le grand texte de 1860 intitulé Philosophie – Commencement d'un livre s'ouvre lui-même, à peu de pages près, sur une description de la mer, c'est bien que l'immanence – "masse toujours remuée", "toute cette profondeur remue" – pose un problème fondamental pour la connaissance, qu'il faut aborder en termes morphologiques privilégiant, à titre de "chefs-d'œuvres", les catastrophes en milieux fluides. Dans Les Travailleurs de la mer, Hugo consacrera tout un chapitre aux "perfections du désastre". Sans doute "la logique du désastre nous échappe", surtout lorsque nous la subissons. Mais elle est créatrice de formes par les forces antagonistes qu'elle déchaîne: alors, "l'extrême touche l'extrême et le contraire annonce le contraire"*31 *31 (Hugo, V. Les Travailleurs de la mer, II, I, 2: 196-8 e II, III, 1: 253-4.) .

La forme élémentaire – ce qui ne veut pas dire qu'elle soit simple – de ce remuement de l'immanence est la vague. Ce n'est pas un hasard si Hugo l'a dessinée en 1867, somptueusement et dans toute sa puissance, pour en faire l'emblème de son propre destin, ce remous de temps psychique (Fig. 1-2). C'est une vague immense: une seule boucle occupe tout le champ de l'image. La plume a tracé et retracé autant de fois que nécessaire le grand mouvement impérieux. La boucle – presque une bouche – est si grande ouverte qu'elle crée, dans la nuit ambiante, un appel de luminosité. Tandis que, là où elle se ferme, le lavis noie tout dans l'indistinction du milieu. Des paquets de gouache blanche s'accrochent et flottent sur la crête: c'est l'écume arrachée au mouvement lui-même. Au milieu de tout cela, le navire – le sujet soumis au temps, selon l'allégorie indiquée en toutes lettres par Hugo – est littéralement courbé par la force souveraine. "Pas de vision comme les vagues", écrit superberment Hugo dans L'Homme qui rit:

Rien n'est logique et rien ne semble absurde comme l'océan. Cette dispersion de soi-même est inhérente à sa souveraineté, et est un des éléments de son ampleur. Le flot est sans cesse pour ou contre. Il ne se noue que pour se dénouer. Un de ses versants attaque, un autre délivre. Pas de vision comme les vagues. Comment peindre ces creux et ces reliefs alternants, réels à peine, ces vallées, ces hamacs, ces évanouissements de poitrails, ces ébauches? Comment exprimer ces halliers de l'écume, mélangés de montagne et de songe? L'indescriptible est là, partout, dans la déchirure, dans le froncement, dans l'inquiétude, dans le démenti personnel, dans le clair-obscur, dans les pendentifs de la nuée, dans les clefs de voûte toujours défaites, dans la désagrégation sans lacune et sans rupture, et dans le fracas funèbre que fait toute cette démence.*32 *32 (Hugo, V. L'Homme qui rit, I, II, 6: 416).



Ce qui semble "absurde" dans la vague et qui, pourtant, relève bien de quelque "logique" souveraine, peut être appréhendé sous l'angle d'une composition de forces antagonistes: "L'éternel tumulte dégage de ces régularités bizarres. Une géométrie sort de la vague", remarque Hugo dans Les Travailleurs de la mer*33 *33 (Hugo. V. Les Travailleurs de la mer, II, I, 4: 200.) . Or, cette géométrie est une dialectique: pas de vague en mer ("gouffre d'en bas") sans les souffles dans l'air ("gouffre d'en haut"); pas de direction affirmée sans direction biaisée "par le travers", voire brutalement contrariée par un mouvement inverse; pas de déferlement sans obstacle (d'où l'attention extrême apportée aux écueils); pas de remous en surface qui ne soit affecté par la résultante complexe d'autres remous en profondeur: "La vague est un problème extérieur, continuellement compliqué par la configuration sous-marine"*34 *34 (Ibid., I, I, 6: 64 e II, III, 3, p: 257.) .

La vague sans cesse extravague. Elle est "errante et souple", façon de nommer sa fluidité absolue. C'est un "chaos" pour trembler, mais ce sera un "ordre" pour penser. Lorsqu'elle est "énorme", Hugo la fait rimer avec le mot "informe". La vague – qu'il faut comprendre dans sa durée propre, dans son mouvement d'amplitude quasi sculpturale puis d'évanouissement dans le milieu océan – serait donc entre l'informe et la forme. Hugo affirme, on s'en souvient: "L'indescriptible est là [ ], impossible de se le figurer. [ ] Pas plus que l'immanence de la création, le travail dans cette immanence n'est imaginable"*35 *35 (Hugo, V. L'Homme qui rit, I, II, 6: 416 e "La mer et le vent" (1865). Critique: 685.) .

Que fait l'artiste devant l'indescriptible? Il fait mieux que décrire. Que fait-il devant l'inimaginable? Il imagine quand même, et un peu plus encore. Il trouve tous les biais pour se retrouver dans l'œil de "la" cyclone, c'est-à-dire au centre du problème. La vague est insaisissable? Qu'à cela ne tienne, le poète véritable sera vague et fera des vagues. Les grands, toujours – c'est-à-dire les hommes océans –, "extravaguent", dit Hugo: "Vagant extra"*36 *36 (Hugo, V. "Critique" (1840-1842). Océan: 152.) . Mot à mot: ils cheminent, quitte à errer, et se répandent dans l'ouvert qui est toujours un excès:

Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, [ ] ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, [ ] ce tout dans un, cet inattendu dans l'immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, [ ] cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, [ ] et c'est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l'Océan.*37 *37 (Hugo, V. William Shakespeare (1864), I, I, 2. Critique: 247-8).

Être vague, faire des vagues: autre façon de dire la poétique de l'immanence qui caractérise toute cette œuvre. Quand Hugo dit "je travaille", il explique qu'il prend "du papier sur [sa] table, une plume", et qu'avec de l'encre il "songe" – "Je fais ce que je puis pour m'ôter du mensonge" –, afin que surgisse "le gouffre obscur des mots flottants"*38 *38 (Hugo, V. "Je travaille" (1874). Toute la lyre, V, 15: 351.) . Comme si travailler équivalait, strictement, à faire monter en soi (par la pensée flottante, par l'encre marine, dans la plume aérienne et jusque sur le papier lui-même) le travail de la mer. Et, quand il appréhende le futur de sa tâche, le poète écrit: "Le travail qui me reste à faire apparaît à mon esprit comme une mer, [un] entassement d'œuvres flottantes où ma pensée s'enfonce", entassement qui aura fini par prendre Océan pour titre générique*39 *39 (Hugo, V. "Manuscrit 24 787" (1846). Océan vers:: 917.) . Plus encore, l'activité artistique – activité rythmique par excellence, sismographique ou "barométrique" – sera éprouvée par Hugo comme une mer en tant même que mouvement d'immanence:

L'art, en tant qu'art et pris en lui-même, ne va ni en avant, ni en arrière. Les transformations de la poésie ne sont que les ondulations du beau, utiles au mouvement humain. [ ]

Ce mouvement est le travail même de l'infini traversant le cerveau humain.

Il n'y a de phénomènes vus que du point culminant; et, vue du point culminant, la poésie est immanente. Il n'y a ni hausse ni baisse dans l'art [ ]; l'eau ne descend sur un rivage que pour monter sur l'autre. Vous prenez des oscillations pour des diminutions. Dire: il n'y aura plus de poètes, c'est dire: il n'y aura plus de reflux.

La poésie est élément. Elle est irréductible, incorruptible et réfractaire. Comme la mer, elle dit chaque fois tout ce qu'elle a à dire; puis elle recommence avec une majesté tranquille, et avec cette variété inépuisable qui n'appartient qu'à l'unité. Cette diversité dans ce qui semble monotone est le prodige de l'immensité.

Flot sur flot, vague après vague, écume derrière écume, mouvement puis mouvement.*40 *40 (Hugo, V. William Shakespeare (1864), I, III, 3 e 5. Critique: 295 e 302).

"Mouvement puis mouvement", ou bien vague sur vague: telle est la vaste "monotonie inépuisablement variée" du rythme poétique hugolien en général. Tous les grands lecteurs du poète l'ont remarqué: André du Bouchet, Gaétan Picon, Michel Butor, Henri Meschonnic *41 *41 (Bouchet, A. du. "L'infini et l'inachevé" (1951). L'Œil égaré dans les plis de l'obéissance au vent. Paris: Seghers, 2001: 71-4 e 88; Picon, G. "Le soleil d'encre" (1963). Victor Hugo, dessins. Paris: Gallimard, 1985: 11; Butor, M. Répertoire II. Paris: Minuit, 1964: 224-9 e Répertoire III. Paris: Minuit, 1968: 218; Meschonnic, H. Pour la poétique, IV. Écrire Hugo. Paris: Gallimard, 1977, I: 181, 187, 206 e II: 14-19, 31, 127-7. Cf. igualmente Aguettant, L. Victor Hugo, poète de la nature (1898-1914). Paris: L'Harmattan, 2000: 217-26 e 301-2; Huguet, E. Le Sens de la forme dans les métaphores de Victor Hugo. Paris: Hachette, 1904: 269-97; É mery, L. Vision et pensée chez Victor Hugo. Lyon: Audin, 1939: 42 ("o poeta dos fluidos"); Gaudon, J. Le Temps de la contemplation. Paris: Flammarion, 1969: 381 ("mimar o real em seu próprio movimento" ) e Glauser, A. La Poétique de Hugo. Paris: Nizet, 1978: 243-79).

Mais le dessinateur? Que fait-il devant l'indescriptible vague? Il fait d'abord comme le poète qu'il est: il travaille. Il prend du papier sur sa table, une plume et de l'encre (et d'autres ingrédients pour toute une cuisine, si nécessaire). Il ne décrira pas cette vague qu'il échoue à imaginer exactement. Mais il la fera naître, cette vague, ce qui est bien mieux. Il la fera jaillir, presque à l'aveugle, dans l'abandon au matériau et dans le milieu même qui est le sien: une table pour croûte terrestre, une feuille pour surface de flottaison, de l'encre extravagante pour "pli mystérieux et noir du tourbillon", le souffle de l'artiste lui-même pour vents du large. Est-ce là représenter une vague ou une tempête? Pas exactement, pas simplement, puisqu'il s'est agi de la produire, c'est-à-dire de provoquer son réel surgissement, de la présente en acte mais en miniature, naturellement. Tempête réelle – fluide, accidentée, faisant des dégâts – sur une table de travail.

Sans doute Hugo a-t-il hérité d'un "art de la tache" qui, au XVIIIe siècle, avait acquis la dignité d'une "méthode pour secourir l'invention" du dessinateur de paysages, selon l'expression d'Alexander Cozens*42 *42 (Cf. Sloan, K. Alexander and John Robert Cozens. The Poetry of Landscape. New Haven / Londres: Yale University Press, 1986 e Lebensztejn, J.-C. L'Art de la tache. Introduction à la Nouvelle méthode d'Alexander Cozens. Paris: Limon, 1990. ) . Mais la tache ne fut pas simplement un "secours" pour Hugo, voire le moment initial d'une composition destinée à s'achever en peinture de chevalet. Elle fut le début et la fin, le mouvement même d'une immanence figurale, parce qu'elle constituait, pour Hugo, la forme élémentaire de toute chose fluide mise en mouvement: mouvement d'une immanence structurale, on oserait presque dire fractale*43 *43 (Cf. Mandelbrot, B. Les Objets fractals. Forme, ha-sard et dimension (1975). 2 e éd. Paris: Flammarion, 1984: 124-33 ("La géométrie de la turbulence". ) , puisque l'éclaboussure d'encre à la surface d'un lavis répond plus ou moins aux mêmes lois morphologiques qu'une éclaboussure d'écume à la surface des eaux.

Or c'est cela, exactement, que Baudelaire visait dans sa notion d'"analogie universelle". Lorsqu'il écrivit, dès 1859, qu'"une magnifique imagination coule dans les dessins de Victor Hugo comme le mystère dans le ciel", ne cherchait-il pas à nommer cette loi morphogénétique aussi obscure dans ses ressorts qu'évidente aux yeux d'un poète, qu'il s'agît de Goethe en Allemagne ou de Hugo en France*44 *44 (Baudelaire, C. "Salon de 1859". Em: Œuvres complètes, II. Op. cit.: 668. Passagem a que Hugo respondeu por meio de uma carta, em 29 de abril de 1860 (: 1.409): "[...] estou feliz e muito orgulhoso do que o senhor quer achar das coisas que chamo de meus desenhos a pena".) ? Les images coulent chez Hugo, mais s'écroulent tout aussi bien, parce qu'en ces états la forme est au "point culminant" de sa force, de sa "vie mystérieuse": moments où elle naît, enfle et se forme, moments où elle meurt, explose et se dissout.

L'originalité des procédures graphiques de Victor Hugo – l'utilisation des barbes de plume, du marc de café, des frottages, toute cette cuisine qui allait, semble-t-il, jusqu'à plonger entièrement les dessins dans des milieux liquides, selon une technique dite des "écrans solubles"*45 *45 Segundo tese inédita de V. Tebar. –, cette heuristique des turbulences avait bien pour enjeu la vague comme procès autant et plus encore que la vague comme aspect. Devant un lavis "océan" de l'époque guernesiaise, Pierre Georgel a bien noté "l'analogie du sujet et de la technique": "Le dessin est devenu un lieu liquide, indéfini, où la rêverie peut susciter et anéantir des linéaments de formes", de la même façon que, devant l'océan lui-même, Hugo avait remarqué comment "les aspects se désagrègent pour se recomposer" sans cesse*46 *46 (Georgel, P. Dessins de Victor Hugo. Villequier / Paris: Musée Victor Hugo-Maison de Victor Hugo, 1971: 140 e Les Dessins de Victor Hugo pour Les Travailleurs de la mer de la Bi-bliothèque nationale. Paris: Herscher, 1985: 33. Cf. Hugo, V. L'Archipel de la Man-che (1865), VI: 8. A propósito da idéia de uma "liquefação" dos aspectos nos desenhos de Hugo, cf. Sicard, M. "L'onde et l'ombre ou l'idéologie dans les dessins de Victor Hugo". Em: Amiot, A.-M. (dir.). Idéologies hugoliennes. Nice: Faculté des Lettres / Serre, 1985: 133-41.) .

C'est un fait que les dessins "océans" présentent souvent, au premier abord, un grand désordre de composition et une véritable confusion des aspects. Mais la confusion se révèle toujours, si l'on y regarde à deux fois, comme une subtile – fût-elle violente – participation des aspects au milieu qui les détruit. Une sorte de "colère graphique" surgit ici (Fig. 3): or, la rage est celle des éléments eux-mêmes, la plume utilisée à rebours – par les barbes trempées dans l'encre – créant un hérissement de toute figure, une turbulence aiguë dans laquelle l'aspect du navire tend à disparaître optiquement. Et il ne sombre, comme aspect, que parce qu'il fait figuralement naufrage dans le milieu d'encre agité par la main véhémente du dessinateur. Dans un dessin des années 1860 intitulé L'Épave, les passages énergiques du pinceau noient tout le travail à la plume dans une tourmente généralisée où les mouvements de l'air – quand le pinceau se soulève un instant du support – sont aussi bien suggérés que les mouvements de l'eau (Fig. 4).



Cette technique – faire ondoyer le pinceau verticalement, par-dessus la feuille, aussi bien qu'horizontalement, à travers son plan d'inscription – est poussée aux limites dans un dessin de l'époque des Travailleurs de la mer, intitulé Barque à la voile gonflée (Fig. 5). Le ressac transversal du pinceau déploie un mouvement fluide qui semble contredire l'orientation de la voile dessinée à la plume. L'ondoiement vertical, lui, laisse de larges réserves qui imposent l'impression d'une draperie vue de très près. Il y a donc, dans ce même dessin, trois mouvements sinusoïdaux différemment orientés venant se heurter ensemble et se mélanger: définition même, morphologiquement parlant, d'une surface océane agitée de turbulences.


Tel est bien le sens radical d'une esthétique de l'immanence: elle se désire geste et non représentation, Darstellung et non Vorstellung, procès et non aspect, contact et non distance. Elle est théâtre: elle tente de jouer, de rejouer à son échelle minuscule – une table, une feuille de papier, de l'encre et une plume – le grand jeu du "mystère de la vie".

Recebido em 28/02/2003

Aprovado em 07/03/2003

  • *1 (Baudelaire, C. "Victor Hugo" (1861). Em: C. Pichois (ed.). uvres com-plètes, II Paris: Gallimard, 1976: 131.
  • *2 (Gautier, T. "Dessins de Victor Hugo" (1862). Em: F. Court-Pérez (ed.). Victor Hugo. Paris: Honoré Champion, 2000: 209, grifo meu.
  • *3 (Nietzsche, F. apud Maurel, J. Victor Hugo philosophe. Paris, PUF, 1985: 11.
  • *6 (Baudelaire, C. "Notes nouvelles sur Edgar Poe" (1857). Em: uvres com-plètes, II. Op. cit.: 329.
  • *7 (Baudelaire, C. "Lettre à Alphonse Toussenel du 21 janvier 1856". Em: Crépet, J. (ed.) uvres complètes. Correspondance générale, I. 1833-1856. Paris: Conard, 1947: 368.
  • *8 (Cf. Albouy, P. "Raison et science chez Victor Hugo" [1952]. Em: Mythographies: 98-120. Sobre a importância da "ciência recreativa" no século XIX, cf. Romantisme, n. 65, 1989 ["Science pour tous"]).
  • *10 (Renouvier, C. Victor Hugo le philosophe (1900). Paris: Maisonneuve & Larose, 2002: 226.
  • *11 (Sobre a poética hugoliana do "Todo solidário", cf. especialmente Robert, G. "Chaos vaincu". Em: Quelques remarques sur l'oeuvre de Victor Hugo. Paris: Les Belles Lettres, 1976,
  • *12 (Cf. Spinoza, B. Éthique [1675]. Tradução B. Pautrat. Paris: Seuil, 1988 (ed. revista 1999).
  • I, 17, "effluere" (p. 48) e I, 18, "definição da causa imanente" (p. 51); Deleuze, Gilles. Spinoza et le problème de l'expression Paris: Minuit, 1968: 153-69
  • *13 (Saint Girons, B. Fiat Lux. Une philosophie du sublime. Paris: Quai Voltaire, 1993: 53-110 e 154-221.
  • Cf. também Burgard, C. & Saint Girons, B. Le Paysage et la question du sublime Valen-ce / Paris: Musée de Valence-RMN, 1997.
  • *15 (Sobre as "tormentas" de Turner e sua estética dos meios fluidos difundida desde 1820 pelas gravuras de W. B. Cook, cf. especialmente Gowing, L. Turner: peindre le rien (1963-1966). Tradução de G. Morel. Paris: Macula, 1994;
  • Hamilton, J. Turner and the scientists Londres: Tate Gallery Publishing, 1998: 58-91
  • e Parris, L. (dir.). Exploring late Turner New York: Salander-O'Reilly Galleries, 1999.
  • *18 (Hugo, V. "Dieu, fragments" (1856-1858), I. Em: Chantiers: 412 e "Pro-montorium somnii"(1863). Em: Critique: 652.
  • *22 (Cf. Marquet, J.-F. "Victor Hugo et l'infiniment petit". Po&sie, n. 31, 1984: 59-77.
  • *41 (Bouchet, A. du. "L'infini et l'inachevé" (1951). L'il égaré dans les plis de l'obéissance au vent. Paris: Seghers, 2001: 71-4 e 88; Picon, G. "Le soleil d'encre" (1963). Victor Hugo, dessins. Paris: Gallimard, 1985: 11; Butor, M. Répertoire II. Paris: Minuit, 1964: 224-9 e Répertoire III. Paris: Minuit, 1968: 218; Meschonnic, H. Pour la poétique, IV. Écrire Hugo. Paris: Gallimard, 1977, I: 181,
  • 187, 206 e II: 14-19, 31, 127-7. Cf. igualmente Aguettant, L. Victor Hugo, poète de la nature (1898-1914) Paris: L'Harmattan, 2000: 217-26 e 301-2;
  • Huguet, E. Le Sens de la forme dans les métaphores de Victor Hugo. Paris: Hachette, 1904: 269-97; É
  • mery, L. Vision et pensée chez Victor Hugo. Lyon: Audin, 1939: 42 ("o poeta dos fluidos");
  • Gaudon, J. Le Temps de la contemplation. Paris: Flammarion, 1969: 381 ("mimar o real em seu próprio movimento"
  • ) e Glauser, A. La Poétique de Hugo. Paris: Nizet, 1978: 243-79).
  • *42 (Cf. Sloan, K. Alexander and John Robert Cozens. The Poetry of Landscape. New Haven / Londres: Yale University Press, 1986
  • e Lebensztejn, J.-C. L'Art de la tache. Introduction à la Nouvelle méthode d'Alexander Cozens. Paris: Limon, 1990.
  • *43 (Cf. Mandelbrot, B. Les Objets fractals. Forme, ha-sard et dimension (1975). 2e éd. Paris: Flammarion, 1984: 124-33 ("La géométrie de la turbulence".
  • *46 (Georgel, P. Dessins de Victor Hugo. Villequier / Paris: Musée Victor Hugo-Maison de Victor Hugo, 1971: 140
  • e Les Dessins de Victor Hugo pour Les Travailleurs de la mer de la Bi-bliothèque nationale Paris: Herscher, 1985: 33.
  • Cf. Hugo, V. L'Archipel de la Man-che (1865), VI: 8. A propósito da idéia de uma "liquefação" dos aspectos nos desenhos de Hugo, cf. Sicard, M. "L'onde et l'ombre ou l'idéologie dans les dessins de Victor Hugo".
  • Em: Amiot, A.-M. (dir.). Idéologies hugoliennes Nice: Faculté des Lettres / Serre, 1985: 133-41.)
  • *1
    (Baudelaire, C. "Victor Hugo" (1861). Em: C. Pichois (ed.).
    Œuvres com-plètes, II. Paris: Gallimard, 1976: 131. )
  • *2
    (Gautier, T. "Dessins de Victor Hugo" (1862). Em: F. Court-Pérez (ed.).
    Victor Hugo. Paris: Honoré Champion, 2000: 209, grifo meu. )
  • *3
    (Nietzsche, F.
    apud Maurel, J.
    Victor Hugo philosophe. Paris, PUF, 1985: 11. )
  • *4
    (Baudelaire, C. "Victor Hugo". Op. cit.: 134-8.)
  • *5
    (Ibid
    .: 133.)
  • *6
    (Baudelaire, C. "Notes nouvelles sur Edgar Poe" (1857). Em:
    Œuvres com-plètes, II. Op. cit.: 329. )
  • *7
    (Baudelaire, C. "Lettre à Alphonse Toussenel du 21 janvier 1856". Em: Crépet, J. (ed.)
    Œuvres complètes. Correspondance générale, I. 1833-1856. Paris: Conard, 1947: 368. )
  • *8
    (Cf. Albouy, P. "Raison et science chez Victor Hugo" [1952]. Em:
    Mythographies: 98-120. Sobre a importância da "ciência recreativa" no século XIX, cf.
    Romantisme, n. 65, 1989 ["Science pour tous"]).
  • *9
    (Cf. Gohin, Y. "Sur l'emploi des mots
    immanent et
    immanence chez Victor Hugo": 3-24. Sobre a re-cepção de Spinoza na França, cf. Vernière, Paul.
    Spinoza et la pensée française avant la Révolution. Paris: PUF, 1954.)
  • *10
    (Renouvier, C.
    Victor Hugo le philosophe (1900). Paris: Maisonneuve & Larose, 2002: 226. )
  • *11
    (Sobre a poética hugoliana do "Todo solidário", cf. especialmente Robert, G. "Chaos vaincu". Em:
    Quelques remarques sur l'oeuvre de Victor Hugo. Paris: Les Belles Lettres, 1976, I: 237-48; Glauser, A.
    La poétique de Hugo: 71-104 ("Tout cherche tout") e Gohin, Y. "Une écriture de l'immanence". Em:
    Hugo le fabuleux: 19-36.)
  • *12
    (Cf. Spinoza, B.
    Éthique [1675]. Tradução B. Pautrat. Paris: Seuil, 1988 (ed. revista 1999). I, 17, "
    effluere" (p. 48) e I, 18, "definição da causa imanente" (p. 51); Deleuze, Gilles.
    Spinoza et le problème de l'expression. Paris: Minuit, 1968: 153-69 e "L'immanence: une vie...".
    Philosophie, n. 47. 1995: 3-7. Esse último texto foi comentado por Agamben. G. "L'immanence absolue". Em: Alliez. Éric (dir.)
    Deleuze: une vie philosophique. Paris: Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour le Progrès de la Connaissance, 1998: 165-88. Agradeço a Élie During a lembrança.)
  • *13
    (Saint Girons, B.
    Fiat Lux. Une philosophie du sublime. Paris: Quai Voltaire, 1993: 53-110 e 154-221. Cf. também Burgard, C. & Saint Girons, B.
    Le Paysage et la question du sublime. Valen-ce / Paris: Musée de Valence-RMN, 1997. )
  • *14
    (Cf. Flécheux, C. "
    La Vague est-elle un paysage?". Em:
    Le Paysage et la ques-tion du sublime. Op. cit.: 137-48.)
  • *15
    (Sobre as "tormentas" de Turner e sua estética dos meios fluidos difundida desde 1820 pelas gravuras de W. B. Cook, cf. especialmente Gowing, L.
    Turner: peindre le rien (1963-1966). Tradução de G. Morel. Paris: Macula, 1994; Hamilton, J.
    Turner and the scientists. Londres: Tate Gallery Publishing, 1998: 58-91 e Parris, L. (dir.).
    Exploring late Turner. New York: Salander-O'Reilly Galleries, 1999. )
  • *16
    (Cf. Albouy, P.
    La Création mythologique chez Victor Hugo: 61-116 [especialmente 111-5 sobre as ninfas e Vênus e 180-208 sobre aspecto cósmico e dinâmico]; Py, A.
    Les Mythes grecs dans la poésie de Victor Hugo. Genève: Droz, 1963: 61-81 [metamorfoses] e 161-70 [ninfas] e Mortier, Roland.
    La Poétique des ruines en France. Ses ori-gines, ses variations de la Renaissance à Victor Hugo. Genève: Droz, 1974: 211-22.)
  • *17
    (Hugo, V. "La création – La nature" (1840-1845). Em:
    Océan: 44.)
  • *18
    (Hugo, V. "
    Dieu, fragments" (1856-1858), I. Em:
    Chantiers: 412 e "Pro-montorium somnii"(1863). Em:
    Critique: 652. )
  • *19
    (Hugo, V.
    William Shakespeare (1864), I, III, 4.
    Critique: 301-2.)
  • *20
    (Ibid., I, II, 2: 269-70.)
  • *21
    (Victor Hugo.
    Lucrèce songe, c. 1864-1869. Pena, pincel, tinta marrom e guache branco sobre papel, 19,7 x 12,3 cm. Paris, Biblioteca Nacional da França, Mss, NAF 13355, f. 14. Agradeço Marie-Laure Pré-vost por ter-me chamado a atenção para esse desenho.)
  • *22
    (Cf. Marquet, J.-F. "Victor Hugo et l'infiniment petit".
    Po&sie, n. 31, 1984: 59-77. )
  • rayonner

    *23 (N. do T.: o uso do verbo francês é sempre intransitivo, diferentemente do português
    irradiar, que admite normalmente os usos transitivo e intransitivo.)
  • *24
    (Hugo, V. "Philosophie prose" (1840, 1854 e 1860).
    Océan: 64, 69 e 109; "Science – Questions relatives à la forme sphérique" (1843).
    Océan: 130-1 e "Critique" (1840 ?).
    Océan: 148.)
  • *25
    (Hugo, V. "Unité" (1844-1846).
    Toute la lyre, II, 46: 236; "La création – La nature " (c. 1850).
    Océan: 44 e "
    Dieu, fragments" (1856), I.
    Chantiers: 506.)
  • *26
    (Hugo, V. "La création – La nature" (1859-1860 e c. 1870).
    Océan: 46 e 51-2; "Philosophie prose" (c. 1870).
    Océan: 71 e "Voyons, d'où vient le verbe ? " (non daté).
    Dernière Gerbe, XXIV: 828-9).
  • *27
    (Hugo, V. "
    Dieu, fragments" (1856), I.
    Chantiers: 514-9.)
  • *28
    (Hugo V.
    Les Travailleurs de la mer, II, I, 1: 194.)
  • *29
    (Hugo, V. "La mer et le vent" (1865).
    Critique: 680-90. Cf. igualmente
    L'Homme qui rit, I, II, 1: 399-401 ("Les lois qui sont hors de l'homme").
  • *30
    (Cf. notadamente Hugo, V. "Le feu du ciel" (1828).
    Les Orientales, I: 418; "Oceano Nox" (1836).
    Les Rayons et les ombres, XLII: 1.034-35 e "Gros temps la nuit" (1854).
    Toute la lyre, II, 20: 213-5.)
  • *31
    (Hugo, V.
    Les Travailleurs de la mer, II, I, 2: 196-8 e II, III, 1: 253-4.)
  • *32
    (Hugo, V.
    L'Homme qui rit, I, II, 6: 416).
  • *33
    (Hugo. V.
    Les Travailleurs de la mer, II, I, 4: 200.)
  • *34
    (Ibid., I, I, 6: 64 e II, III, 3, p: 257.)
  • *35
    (Hugo, V.
    L'Homme qui rit, I, II, 6: 416 e "La mer et le vent" (1865).
    Critique: 685.)
  • *36
    (Hugo, V. "Critique" (1840-1842).
    Océan: 152.)
  • *37
    (Hugo, V.
    William Shakespeare (1864), I, I, 2.
    Critique: 247-8).
  • *38
    (Hugo, V. "Je travaille" (1874).
    Toute la lyre, V, 15: 351.)
  • *39
    (Hugo, V. "Manuscrit 24 787" (1846).
    Océan vers:: 917.)
  • *40
    (Hugo, V.
    William Shakespeare (1864), I, III, 3 e 5.
    Critique: 295 e 302).
  • *41
    (Bouchet, A. du. "L'infini et l'inachevé" (1951).
    L'Œil égaré dans les plis de l'obéissance au vent. Paris: Seghers, 2001: 71-4 e 88; Picon, G. "Le soleil d'encre" (1963).
    Victor Hugo, dessins. Paris: Gallimard, 1985: 11; Butor, M.
    Répertoire II. Paris: Minuit, 1964: 224-9 e
    Répertoire III. Paris: Minuit, 1968: 218; Meschonnic, H.
    Pour la poétique, IV. Écrire Hugo. Paris: Gallimard, 1977, I: 181, 187, 206 e II: 14-19, 31, 127-7. Cf. igualmente Aguettant, L.
    Victor Hugo, poète de la nature (1898-1914). Paris: L'Harmattan, 2000: 217-26 e 301-2; Huguet, E.
    Le Sens de la forme dans les métaphores de Victor Hugo. Paris: Hachette, 1904: 269-97; É mery, L.
    Vision et pensée chez Victor Hugo. Lyon: Audin, 1939: 42 ("o poeta dos fluidos"); Gaudon, J.
    Le Temps de la contemplation. Paris: Flammarion, 1969: 381 ("mimar o real em seu próprio movimento" ) e Glauser, A.
    La Poétique de Hugo. Paris: Nizet, 1978: 243-79).
  • *42
    (Cf. Sloan, K.
    Alexander and John Robert Cozens. The Poetry of Landscape. New Haven / Londres: Yale University Press, 1986 e Lebensztejn, J.-C.
    L'Art de la tache. Introduction à la Nouvelle méthode
    d'Alexander Cozens. Paris: Limon, 1990. )
  • *43
    (Cf. Mandelbrot, B.
    Les Objets fractals. Forme, ha-sard et dimension (1975). 2
    e éd. Paris: Flammarion, 1984: 124-33 ("La géométrie de la turbulence". )
  • *44
    (Baudelaire, C. "Salon de 1859". Em:
    Œuvres complètes, II. Op. cit.: 668. Passagem a que Hugo respondeu por meio de uma carta, em 29 de abril de 1860 (: 1.409): "[...] estou feliz e muito orgulhoso do que o senhor quer achar das coisas que chamo de meus desenhos a pena".)
  • *45
    Segundo tese inédita de V. Tebar.
  • *46
    (Georgel, P.
    Dessins de Victor Hugo. Villequier / Paris: Musée Victor Hugo-Maison de Victor Hugo, 1971: 140 e
    Les Dessins de Victor Hugo pour Les Travailleurs de la mer
    de la Bi-bliothèque nationale. Paris: Herscher, 1985: 33. Cf. Hugo, V.
    L'Archipel de la Man-che (1865), VI: 8. A propósito da idéia de uma "liquefação" dos aspectos nos desenhos de Hugo, cf. Sicard, M. "L'onde et l'ombre ou l'idéologie dans les dessins de Victor Hugo". Em: Amiot, A.-M. (dir.).
    Idéologies hugoliennes. Nice: Faculté des Lettres / Serre, 1985: 133-41.)
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      14 July 2004
    • Date of issue
      July 2003

    History

    • Received
      28 Feb 2003
    • Accepted
      07 Mar 2003
    Programa de Pos-Graduação em Letras Neolatinas, Faculdade de Letras -UFRJ Av. Horácio Macedo, 2151, Cidade Universitária, CEP 21941-97 - Rio de Janeiro RJ Brasil , - Rio de Janeiro - RJ - Brazil
    E-mail: alea.ufrj@gmail.com