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Des artistes latino-américains au Centre national des arts plastiques : les présences invisibles

RESUME

Cet article traite de la présence et de la visibilité des artistes latino-américains dans la collection du Centre national des arts plastiques (Cnap), à Paris, France. Datant de la fin du XVIIIe siècle et encore en fonctionnement, il s’agit de la première et la plus pérenne initiative mondiale de création d’un fonds d’État pour les œuvres dédiées à l’art vivant, qui a commencé à la fin du XVIIIe siècle et perdure jusqu’à aujourd’hui. L’étude des temporalités d’acquisition des œuvres, soulignant l’importance des années 1980, apporte une contribution à l’histoire de l’art mondial en repositionnant l’impact institutionnel de l’exposition « Magiciens de la terre », ainsi que la centralité de Paris pour les artistes latino-américains au temps d’exil. Dans ce cadre, on discute de l’invisibilité des artistes femmes dans les circuits latino-américains à partir de l’ensemble d’œuvres en exhibition au Cnap.

MOTS CLES:
Femmes artistes; Art latino-américain; Cnap; Exil; Féminisme

RESUMO

O artigo aborda a presença e a visibilidade de artistas latino-americanos na coleção do Centre national des arts plastiques (Cnap), Paris-França. Trata-se da primeira e mais perene iniciativa mundial de criação de um fundo estatal de obras dedicadas à arte viva, uma iniciativa que surgiu em finais do século XVIII e persiste até hoje. O estudo das temporalidades de ingresso das obras na coleção, apontando para a importância da década de 1980, contribui para a história da arte global ao reposicionar o impacto institucional da mostra “Magiciens de la terre”, bem como da centralidade de Paris para os artistas latino-americanos, sobretudo em tempos de exílio. Dentro desse amplo contexto, discute-se a invisibilidade das mulheres artistas nos circuitos latino-americanos a partir do corpus de obras presentes no Cnap.

PALAVRAS-CHAVE:
Artistas mulheres; Arte latino-americana; Cnap; Exílio; Feminismo

ABSTRACT

The article focuses on the presence and visibility of Latin-American artists of the Centre national des arts plastiques (Cnap), in Paris- France. It is the first and most perennial world initiative to create a state fund of works dedicated to “living art,” an initiative that began in the end of the eighteenth century and persists to this day. The study of the temporality of the entrance of works in the collection, pointing to the importance of the decade of 1980, it contributes to the history of the global art by repositioning the institutional impact of the exhibition “Magiciens de la terre,” and the centrality of Paris to the Latin-American artists, especially during exile. In this ample context, we discuss the invisibility of women artists from the corpus of works in the Cnap.

KEYWORDS:
Women artists; Latin-American art; Cnap; Exile; Feminism

La circulation des artistes latino-américains en France est un phénomène reconnu et bien documenté, spécialement en ce qui concerne le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle.1 1 Sur ce sujet voir: Batista (2012), Greet (2018) et Simioni (2022). Cependant, le niveau de reconnaissance atteint par ces artistes est encore moins analysé, car il y a, dans le domaine de l’histoire de l’art, une tendance à mettre l’accent sur les parcours des « stars » de l’art, c’est-à-dire une minorité qui a réussi à se faire connaître dans le circuit international.2 2 Quemin (2013). Afin de contribuer à la construction d’une compréhension plus large sur l’intégration des artistes latino-américains dans le système français après la Seconde Guerre mondiale,3 3 Il s’agit de la poursuite et de l’actualisation de la recherche précédente à propos de la présence des artistes latino-américains dans le système international français à la première moitié du XXe siècle (Simioni, 2021). je me propose à étudier leurs présences dans la collection du Cnap et pour le faire j’accorde spéciale attention à certaines variables, telles que l’origine nationale, le genre des artistes (ce travail s’est limité à la variable sexe en raison des limites des sources) et la décennie au cours de laquelle les œuvres ont été acquises.

Ces trois axes s’articulent autour de quelques hypothèses. Premièrement, l’hétérogénéité du terme « Amérique latine », car, au sein de cette région, certains pays ont plus ou moins de possibilités d’insertion dans un système artistique international. Deuxièmement, les niveaux de reconnaissance des artistes dans cette région, déjà marquée par l’inégalité, sont encore plus asymétriques lorsqu’il s’agit d´ artistes femmes. Troisièmement, l’articulation de l’origine et du genre en tant que marqueurs sociaux possible, puisque la condition de femmes artistes et leurs pays de naissance ont joué un rôle important pour le manque de visibilité et de reconnaissance aux œuvres et aux artistes.

En autre, la période d’obtention des œuvres est au cœur des réflexions menées ici et les années 1970 et 1980 y sont notamment fondamentales, car, comme nous les verrons, cette période est cruciale en ce qui concerne les acquisitions. Il est important de souligner que cela ne peut pas être expliqué uniquement par une dynamique interne au système de l’art, mais il faut, au contraire, considérer une ouverture sur l’histoire politique. Il s’agit d’une époque où de nombreux latino-américains se sont réfugiés à Paris pour échapper aux coups d’État qui se répandaient dans leurs pays. Ce temps d’exil,4 4 . J’utiliserai ici la notion d’exil de Claudia Bolzman, selon laquelle « l’exil est l’obligation de quitter son pays suite à un contexte de violence politique et de chercher refuge dans le cadre d’un autre État pendant une période d’une durée imprévisible. Cette définition met en évidence les liens entre les dimensions macro et microsociales complexes » (Bolzman, 2010, p. 31). De cette manière, j’inclus dans les analyses à la fois des artistes qui ont été officiellement exilés et ceux qui ont cherché d’autres moyens de s’éloigner de leur pays, soit avec leurs propres ressources, soit avec des bourses d’études. La question de l’exil est discutée par Jaremtchuk (2021) dans la publication « Artistic Exile » and Professional Failure. sujet de discussion dans cet article, a été vécu différemment par des hommes et des femmes, y compris par ceux qui se consacraient à l’art.

L’étude de la présence des artistes latino-américains au Cnap permet également de revenir sur certains postulats récurrents dans l’histoire de l’art contemporain. La temporalité d’entrée de ces œuvres dans la collection remet en question les effets institutionnels de la célèbre exposition « Magiciens de la terre » réalisée par le Centre Pompidou en 1989 et considérée un tournant global dans l’histoire de l’art. Il est aussi important de rediscuter la thèse selon laquelle New York a « volé » la place centrale de Paris en tant que métropole artistique dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.5 5 Guibault (1983). Les données montrent que, pour un contingent significatif d’artistes latino-américains, Paris a conservé son pouvoir d’attraction, malgré la perte de son monopole. Ces deux aspects apportent, à mon avis, une contribution essentielle à l’histoire de l’art mondial.

LES FONDS DU CNAP: UNE COLLECTION UNIQUE AU MONDE

Le choix d’étudier la présence d’artistes latino-américains dans la collection du Cnap s’explique par son esprit pionnier, sa pérennité et son rayonnement international. Il s’agit de la première initiative mondiale de soutien à la production d’art vivant, qui a débuté en France après la Révolution de 1791 et qui se poursuit encore aujourd’hui, aboutissant à un fonds constitué par sédimentation, ouvert à l’art produit dans différents présents.6 6 Adrien, Pollet et Chênel (2019). On estime que le Centre dispose d’environ 110 000 œuvres répertoriées actuellement, bien que l’inventaire ne soit pas encore achevé et que ce chiffre puisse être plus élevé.

Une politique culturelle visant à promouvoir et à préserver les arts a été conçue dans le contexte des profonds changements apportés par la Révolution Française. En 1790, sous la monarchie constitutionnelle, le Ministère de l’Intérieur a été chargé d’ « encourager les arts », ce qui impliquait, entre autres mesures, le soin avec les édifices publics et leurs biens, dont l’intégrité physique était menacée par des manifestations populaires incessantes. L’année suivante, dans un décret voté par l’Assemblée, il est stipulé qu’une somme financière annuelle sera accordée pour soutenir les arts (la peinture, la sculpture et la gravure).7 7 Bodet (2023, p. 9-10). Dans ce cadre, des fonds seraient alloués à des membres de l’Académie de Peinture et de Sculpture et aussi à vingt artistes non académiques choisis parmi ceux qui ont exposé au Salon Annuel du Louvre. Dans la même période, un mécénat d’État a été démarré dans le but de soutenir des artistes vivants liés au système académique. Les œuvres acquis étaient envoyés au Dépôt de l’État au sein de la Division des Beaux-Arts, des Sciences et des Spectacles, qui est devenu le Bureau des Beaux-Arts en 1800. En 1882 il a été renommé Bureau des Travaux d’Art, nom qui est resté jusqu’en 1962, quand il est devenu le Service de Création Artistique.

Pendant une grande partie du XIXe siècle, l’acquisition et commande des œuvres suivaient un goût plus officiel centré sur les artistes qui exposaient dans les Salons. Ces expositions n’imposaient pas d’obstacles juridiques à la participation d’artistes étrangers. Il était donc possible la présence d’artistes non français parmi ceux choisis. Au fur et à mesure que Paris est devenue la capitale artistique du XIXe siècle, les étrangers sont devenus de plus en plus présents dans le système artistique. Le statut de centre accordé à la ville, aussi bien que revendiqué par elle-même, impliquait son internationalisation. Selon Laurent Casez, la proportion d’artistes étrangers au Salon National des Beaux-Arts a atteint 41 % en 1890.8 8 Casez (2021). Parmi ceux qui se distinguaient, certains ont été choisis pour avoir leurs œuvres acquises par l’État et, par conséquent, la collection se présentait ouverte à l’internationalisation, malgré l’absent d’un programme clair pour conduire ces actions.

Cependant, les données montrent qu’il s’agit d’une internationalisation restreinte et inégale, avec une nette prédominance de ce que nous appelons aujourd’hui le « nort global ». Ainsi, après la grande prédominance des artistes français, on envisage à des acquisitions d’artistes nord-américains, anglais, belges, suisses, austro-hongrois, allemands, espagnols, etc. En dehors de cet axe, les seuls pays représentés au XIXe siècle étaient la Turquie et le Japon, qui figuraient dans les dernières positions.9 9 Ibid. Je constate qu’aucun artiste d’Amérique Latine, d’Afrique ou d’Océanie n’est mentionné. Il est important de souligner qu’à cette époque « seuls les artistes français ou vivant en France avaient bénéficié des achats publics ».10 10 Bodet, op. cit., p. 27.

Au cours du XXe siècle, d’un point de vue esthétique, les acquisitions ont considérablement évolué, devenant plus ouvertes et plurielles, même si certaines lignes directrices de l’institution ont été maintenues. Les priorités sont systématisées dans les années 1960 pendant le ministère d’André Malraux :

(1) Tout d’abord, et avant tout, l’enrichissement des collections du Musée national d’art moderne et des grandes musées de province ; (2) la décoration des édifices publics tels que : ambassades, consulats, ministères, préfectures, mairies, etc. ; (3) d’autre part, le souci d’encourager les jeunes artistes paraissant dignes d’intérêt; (4) enfin, celui de venir en aide, d’une façon très limitée, aux artistes âgés ou traversant une période difficile. Il est de tout évidence que l’objectif visé au premier paragraphe est primordial, et que les œuvres d’art entrées dans les collections Nationales doivent compter parmi les plus représentatives des tendances actuelles.11 11 Bodet, op. cit., p. 27.

En 1982, le Centre National des Arts Plastiques s’est établi relevant du Ministère de la Culture en tant qu’organisme publique. Parmi d’autres missions, le Cnap devrait gérer une collection qui rassemble les œuvres commandées et acquises par l’État de 1791 jusqu’à présent et dont le titre est Fonds national d’art contemporain.12 12 A côté des achats et des commandes, il y a aussi les œuvres issues de dons et celles acquises dans le cadre du soutien aux producteurs en difficulté économique, c’est-à-dire la combinaison du mérite et de la bienfaisance. A la fin des années 1980, sous la direction de Dominique Bozo, la concession d’un soutien aux artistes en fonction des leurs besoins a été remise en cause pour valoriser les acquisitions au mérite, qui sont depuis lors majoritaires. Toutefois, dans des cas et des situations exceptionnelles, des assistances ont continué à être accordées. Sur ce sujet, vérifiez Bodet, op. cit. Outre la sauvegarde, le Cnap est responsable de la conservation, de la restauration et de la diffusion des biens dont il a la charge. Il faut mettre en valeur que ses principes fondamentaux sont restés stables depuis plus de deux siècles et, ainsi, l’idée de soutenir l’art vivant et les jeunes artistes signale une politique culturelle à long terme sans équivalent dans le monde.13 13 Jeanpierre (2020) et Moulin (2012 [1992]). Son ouverture internationale est d’autant plus remarquable que la deuxième collection publique avec des objectifs similaires à apparaitre, celle du British Council, qui a été inaugurée beaucoup plus tardivement, après la Seconde Guerre mondiale, et centrée exclusivement sur les artistes britanniques.

Cependant, malgré tous ces qualificatifs, les œuvres du Cnap restent moins connues que les collections des grands musées, comme celles du Musée national d’Art moderne (MNAM), peut-être parce qu’il ne dispose pas de son propre centre d’exposition et aussi en raison de sa politique de concession d’œuvres à des musées de province, c’est-à-dire hors de la ville de Paris, qui sont des partenaires institutionnels prioritaires, ou de prêt pour la décoration d’édifices publics. Dans ces cas, les œuvres y sont visibles, mais elles ne sont pas associées par les spectateurs au Cnap, qui les relient plutôt au lieu d’exposition.14 14 On estime que plus d’un tiers des œuvres du Centre national des arts plastiques (Cnap) se trouvent dans la réserve technique de l’institution et sont donc peu accessibles au public.

Les artistes étrangers dont les œuvres font partie du Cnap sont encore moins connus, spécialement les artistes latino-américains, ceux qui nous intéressent ici. Tout d’abord, il est important de préciser que la notion d’ « artiste latino-américain » fait référence au lieu de naissance des artistes, sans faire allusion à des conceptions identitaires essentialistes. Elle ne postule pas l’existence de n’importe quel type de spécificité d’un supposé « art latino-américain », sauf, comme nous le verrons, lorsque les artistes eux-mêmes le revendiquent, ce qui se produit généralement beaucoup plus en raison d’un positionnement stratégique spécifique que par des principes identitaires qui culmineraient dans une sorte d’unité esthétique.

Comme je l’expliquerai, au cours des années 1970 et 1980, pendant que nombreux écrivains, intellectuels et artistes latino-américains ont été obligés de quitter leurs pays en raison des coups d’État, certaines initiatives visant à promouvoir « l’art latino-américain » ont vu le jour à Paris. Pour des diverses raisons, c’est à cette époque que le plus grand nombre d’œuvres d’artistes de cette région ont été intégrés au Cnap. Parmi ces producteurs latino-américains peu visibles, il y a un groupe encore moins visible : les artistes femmes, ce qui est paradoxal si l’on considère qu’un tel effacement se produit dans un temps d’affirmation à la fois féministe et tiers-mondiste. C’est aussi une période où, selon les recherches de Liberty Adrien,15 15 . Selon la chercheuse, la collection compte environ 17 000 œuvres produits par des femmes, c’est-à-dire 14,2 % du total, mais ce pourcentage change considérablement au fil du temps. Par exemple, entre 1830 et 1860, la moyenne est de 16 % , dans les années 1930, elle atteint 15 %. Pendant le gouvernement de Vichy, ce chiffre tombe à 9,5 % et entre les années 1960 et 1980, il atteint 11 %. Entre 1968 et 1985, la moyenne monte à 18,6 %, avec le pic mentionné tombant à 4,6 % en 1988. Après 2000, la proportion est de 24 %, avec une performance très élevée en 2014, arrivant à 50 % d’œuvres féminines acquises. Voir Adrien (2019), Pollet et Chênel, op. cit. l’acquisition d’œuvres de femmes a culminé à 18,6 % du total environ. Mais où étaient-elles ? Pourquoi en entend-on si peu parler ? L’étude des œuvres entrées dans les années 1980 et la manière dont elles ont été incluses apportent des contributions intéressantes pour répondre à ces questions.

UNE COLLECTION INTERNATIONALE (ET INÉGALE)

L’État français n’a pas limité les acquisitions publiques aux artistes nés en France, mais ils en représentent la plus grande partie. Parmi les 10 000 artistes environ recensés dans la base de données du Cnap, 65 % sont nés en France, ce qui signifie qu’un peu plus d’un tiers est né à l’étranger, qu’ils aient ou non acquis la nationalité française par la suite. En effet, jusqu’à la fin des années 1950, les acquisitions d’artistes étrangers sont relativement marginales.16 16 Cela corrobore la perception tirée d’une analyse des acquisitions d’artistes latino-américains jusqu’en 1947 (Simioni, 2021, op cit) selon laquelle moins de 10 % de ceux qui étaient en France pendant cette période ont réussi à faire entrer une œuvre dans une collection publique française, que ce soit par achat ou par don. (Simioni, 2021, op cit). Ce n’est qu’en 1963 que la situation change, car à cette année-là, la plupart des œuvres acquises a été réalisée par des étrangers. Ce changement, cependant, n’a pas représenté une politique stable ou progressive.17 17 Jeanpierre (2020, p. 11).

Il faut aussi savoir que parmi les étrangers, il y a une inégalité flagrante, ainsi qu’une réitération des hiérarchies, puisque ce sont les ressortissants des pays centraux du système artistique international qui sont les mieux représentés. Les pourcentages relatifs au lieu de naissance sont révélateurs, car premièrement on a les artistes nés en France totalisant 65,7 %, deuxièmement on place les Américains, suivis par les Allemands et les Italiens qui occupent également la troisième position avec 2,8 %. Dans la séquence on a les Suisses représentant 2,1 % des artistes étrangers au Cnap, suivis par les Belges qui somment 1,9 %, les Russes et les Anglais qui correspondent, chaque nationalité, à 1,8 % et par les Espagnols avec 1,6 %. Ensuite il y a les Polonais et les Austro-Hongrois à légalité représentant 1,3 % des artistes étrangers et, pour finir ce bloque, les Néerlandais qui somment 1,2 %. Ce n’est qu’ensuite que les artistes non-européens commencent à apparaître et, à cet égard, le pays le mieux placé est le Japon, avec 1,1 % des représentants, suivi par l’Argentine avec 0,5 %, ensuite on a 0,4 % des Canadiens et des Chinois et enfin 0,3 % des Brésiliens, à égalité avec les Australiens et les Néo-Zélandais aussi représentant 0,3 % chaque. À partir de ce point-là, les regroupements ne se font plus par pays, mais par région, rassemblés sous des rubriques qui nous attirent l’attention comme « Autres Amériques » représentant 1,1 % des artistes étrangers. Il faut mettre l’accent aussi sur la faible présence de l’Afrique, surtout si l’on considère les relations coloniales et post-coloniales entre la France et ce continent. Dans ce cas, il y a 1,6 % d’artistes originaires d’Afrique du Nord et 0,7 % d’artistes originaires des « Autres Afriques ». Il est à remarquer que, dans ces derniers exemples, la présence de pays spécifiques est si faible qu’il a été nécessaire de les regrouper dans de grands groupes, ce qui résulte à une dilution de leurs particularités. Par ailleurs, lorsque l’on considère une corrélation intersectionnelle en termes d’origine, de sexe et de race, ces numéros sont encore plus graves, car entre 1970 et 2000, par exemple, seulement trois œuvres de femmes artistes d’origine africaine ont été acquises. Selon Kelly Grant,18 18 Grant (2022, p. 2). parmi les 1 000 œuvres réalisées par environ 206 artistes nord-américains appartenant au Cnap, il n’y a que 14 produites par cinq femmes afro-américaines.

En ce qui concerne les artistes latino-américains, sur la base du nombre d’œuvres dans la collection, en tenant compte du pays d’origine et du sexe de l’auteur, nous avons la distribution suivante,

Tableau 1

Les chiffres montrent une grande hétérogénéité entre les pays en termes de représentation, allant de plus de deux cents œuvres dans le cas des Argentins à une seule paraguayenne.19 19 . A propos de l’importance de la quantification des donnés chez les analyses féministes, voir Reilly (2015). Du point de vue des relations entre les sexes, les différences sont également notables, car d’un côté il existe des cas de quasi-parité, comme ceux du Chili, du Mexique; ou de la Bolivie et de l’Équateur, où la plupart des œuvres sont réalisées par des femmes,20 20 Carmen Perri a cinq œuvres et Maria Nunes del Prado en a une. et de l’autre il y a des pays comme l’Uruguay, la République Dominicaine et le Panama, où toutes les œuvres sont réalisées par des artistes hommes.21 21 Sur la présence féminine globale à la base, voir Adrien, op. cit…

Jusqu’à la fin de la seconde moitié des années 1980, la question de l’internationalisation de la collection du Cnap, que ce soit par l’origine des artistes ou par la présence des galeries étrangères parmi les proposants, est rarement abordée. Rien de fortuit au fait qu’entre 1987 et 1989 ce débat ait agité les membres de la Commission aux proximités de la période de réalisation « Magiciens de la terre » en 1989. Cette initiative est considérée un jalon pour l’ouverture des institutions à l’art contemporain réalisé par des artistes originaires de régions non centrales. Selon Bertrand-Dorléac : « Pour la première fois, la ville (Paris), comme aucune autre ne l’avait fait auparavant, accueillait les artistes de la planète, sans distinction de race, de fortune, de style, ni de technique ».22 22 Bertrand-Dorléac (1995). Soucieux de créer un espace multiculturel au sein du musée, le curateur Jean-Hubert Martin a envoyé des émissaires aux quatre coins du monde pour découvrir des artistes susceptibles de représenter différents pays et différentes cultures. Cinquante artistes de la « périphérie » ont vu leurs œuvres exposées aux côtés de celles de cinquante artistes du « centre », assurant ainsi un dialogue horizontal entre les différentes modernités possibles. Il est intéressant de noter que le curateur a généralement choisi de ne pas présenter d’œuvres d’artistes d’ailleurs provenant de collections françaises.23 23 Drugeon (2015, note 44). Bien que les pays périphériques aient été contraints de répondre à une attente d’authenticité discutable, qui s’accompagne de notions d’exotisme,24 24 Corrêa (2021). l’historiographie de l’art s’accorde à reconnaître que l’exposition a été une contribution cruciale au global turn de l’art contemporain.

Il est à noter que Martin, directeur du MNAM, était membre de la commission consultative d’acquisition des œuvres du Cnap,25 25 Les conseils d’acquisition et de commande d’œuvres du Cnap ont changé au cours des années étudiées, mais ils sont généralement divisés en trois comités différents : Beaux-Arts ; Photographie et Arts Décoratifs/Design ; Métiers d’Art. Chaque commission se réunit deux ou trois fois par an, selon la période étudiée, pour discuter des propositions d’acquisition et de don et de commandes des œuvres. Les commissions sont composées de membres de droit et de personnalités qualifiées en fonction de leurs compétences dans les domaines spécifiques, choisis par le ministre de la Culture. Les membres de droit sont le directeur/la directrice du Cnap ou son représentant, qui préside la commission ; le directeur/la directrice général(e) de la création artistique ; le directeur/la directrice général(e) des patrimoines ou son représentant ; le directeur/la directrice du musée national d’Art moderne ; le/la chef de l’inspection artistique ou son représentant ; le/la responsable de la collection du Cnap. A ces postes s’ajoutent huit personnalités choisies en fonction de leurs compétences. Au cours de la période étudiée, la présence de personnalités remarquables est plus constamment observable dans les domaines suivants : production artistique, critique d’art, collectionneur, conservateur, galeriste, directeur de musée à l’étranger, etc. Pour une analyse des commissions, voir Moulin, op. cit. Sur les commissions de la Fédération nationale d’achats des cadres (Fnac), voir Moulin, op. cit. p. 102-103. présidée à l’époque par Dominique Bozo,26 26 Dominique Bozo (1935-1993) a joué un rôle très important dans le domaine des musées français. Il a négocié la donation de la famille Picasso qui a conduit à la création du Musée Picasso, dont il a été le premier directeur dans les années 1970. Il a dirigé le Musée national d’Art moderne de 1981 à 1986 et l’a ouvert aux œuvres contemporaines, y compris celles d’artistes étrangers comme les Américains De Kooning et Pollock. Il a démissionné en 1986 pour protester contre les faibles ressources budgétaires. Cette année-là, il a été nommé délégué aux arts plastiques, poste qu’il a occupé jusqu’en 1991, lorsqu’il a pris la direction du Centre Georges Pompidou, dont il a été responsable jusqu’à sa mort en 1993. Sur le profil de sa direction, voir Moulin, op. cit. p. 135-6. délégué aux arts plastiques, qui a mis en relief le besoin d’avoir une politique de collection plus claire. En 1987, Dominique Bozo a demandé, par exemple, une plus grande concentration de la part de la commission sur l’achat d’œuvres d’artistes contemporains d’Afrique et d’Océanie en vue de leur intégration dans la collection du Musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO).27 27 Dans le rapport on lit : « D. Bozo a fait état du souhait de la Direction des musées de France que le Fnac mène une politique concertée avec le MAAO pour l’achat d’œuvres contemporaines des régions concernées. La Commission a donné son accord pour mettre en œuvre une telle politique » (Rapports…, 1981-1989, réunion du 6 et du 7 de septembre 1987). Cette même préoccupation est réitérée lors d’une autre réunion l’année suivante, mais aucune référence n’y a pas été faite à l’Amérique latine.28 28 « Institut du monde arabe et Musée des arts africains et océaniens : Dans le cadre du développement de la politique à l’égard des musées, Dominique Bozo souhaiterait que l’on puisse effectuer des acquisitions destinées à ces deux institutions. Les dossiers seront examinés lors d’une prochaine séance afin de sélectionner des artistes qui complètent les collections déjà existantes » (Rapports…, 1981-1989, réunion du 7 septembre 1988).

En 1989, année de la célèbre exposition « Magiciens de la terre », la question de l’internationalisation du Cnap est plus directement débattue à deux reprises. La première, dans le cadre de l’attribution générale du fonds concernant la création contemporaine, lorsque la critique Catherine Millet, membre de la commission, s’interroge sur le besoin d’en réserver une part spécifique aux artistes émergents étrangers. La seconde, lorsque le rapport présente un bilan des actions et des acquisitions de l’institution en tenant compte des critères tels que l’origine et le genre, initiative unique et qui n’a jamais été reproduit, témoignant d’une préoccupation spécifique de cette direction du Centre.29 29 En fait, dans aucun autre rapport ces données figurent décrites de manière analytique, en considérant des questions de genre, d’origine, de génération, etc. Ainsi, sous la direction de Bozo, l’évaluation des acquisitions était considérée comme pertinente pour le développement et l’amélioration des politiques de l’institution. Les comptes rendus précédents et postérieurs ne m’ont pas permis d’identifier des discussions équivalentes (Rapports…. 1981-1989). Ce texte met en évidence que, de mars à ce moment-là, les candidatures libres ont été présentées à égalité par des artistes français et étrangers (26/26), cependant lorsqu’on regarde la liste de ceux qui ont été désignés par les membres du comité, on constate un changement expressif, car parmi les indications 94 sont français et 62 sont étrangers, tous issus de pays centraux comme Suisse, Allemagne, Etats-Unis et Grande Bretagne. Il est également à noter que la plupart des nominations provenait d’artistes attachés à des galeries, parmi lesquelles on comptait 109 français et seulement 14 étrangères.30 30 Le rapport « Approche statistique des acquisitions destinées au Fonds national d’art contemporain, effectuées depuis le mois de mars 1988 » s’intéresse également aux questions de genre en mentionnant que « quant aux œuvres des femmes, elles ne sont guère abondantes sur ces listes d’acquisitions (23 sur la liste des rapporteurs, 6 sur la seconde liste). C’est la génération des 30/50 ans qui est toutefois la plus favorisée (11 artistes), alors que les plus de 50 ans ne sont plus qu’au nombre de 6 et les moins de 30 ans au nombre de 3. Les achats qui sont faits se répartissent très également entre les ateliers et les galeries » (Rapports…, 1981-1989, réunion du 7 septembre 1988, p. 7).

L’attention portée à ces questions n’a pas été maintenue au cours des années suivantes. En 1991, pendant la direction de François Barré, successeur de Dominique Bozo, qui avait pris la direction du Centre Pompidou, Catherine Strasser31 31 Critique d’art qui a participé à la commission en tant qu’inspecteur de l’enseignement artistique. a proposé à nouveau une réserve budgétaire pour l’acquisition d’artistes étrangers. Ce à quoi le nouveau président répond :

François Barré rappelle alors que le principe fondamental de ce Comité est que chacun puisse faire ses choix à titre personnel. Le critère de nationalité n’est pas particulièrement pertinent mais peut résulter d´une option prise, là encore, individuellement. 32 32 Rapports… (1990-1995, p. 4).

L’extrait est assez explicite sur le fait qu’aucune politique visant à internationaliser la collection a été dégagée des débats qui ont précédé cette gestion. De même, il est possible d’affirmer que l’admission d’œuvres d’artistes étrangers serait le résultat de décisions individuelles, c’est-à-dire que les membres de la commission seraient chargés de soumettre des propositions et aussi d’évaluer les œuvres et les dossiers présentés par les artistes et les galeristes étrangers eux-mêmes. Ainsi, on constate que la fameuse exposition « Magiciens de la terre » n’a pas porté immédiatement des fruits en termes de politique d’acquisition sensible à l’origine des artistes, ce qui a déjà été démontré dans le cas des artistes africains étudiés par Maureen Murphy.33 33 Murphy (2013). Cependant, en ce qui concerne les artistes latino-américains, l’exposition a-t-elle eu des effets ?

LES ARTISTES LATINO-AMÉRICAIN AU CNAP

Afin d’identifier la présence des artistes latino-américains au Cnap, j’ai construit une base de données de 410 entrées d’œuvres, couvrant les trois pays ayant le plus grand nombre d’acquisitions : Argentine (210), Brésil (120) et Mexique (80).34 34 La différence entre 410 et 414 peut être comprise du fait que certaines œuvres sont collectives. L’un des critères de regroupement possible est la date d’entrée des œuvres dans la collection. Dans ce cas, on remarque que les années 1970 (avec 87 productions) et surtout les années 1980 (avec 106) sont les décennies où le nombre d’acquisitions est le plus élevé. Les années 1990, immédiatement après l’exposition « Magiciens de la terre », connaissent une baisse significative de près de 40 % (67). Quant aux années 2000, où la mondialisation du système artistique est censée être devenue un « fait » - les chiffres ne confirment pas cet optimisme, puisque le nombre de nouvelles œuvres diminue de près de la moitié (54) par rapport aux années 1980.

Tableau 1

Ainsi, d’un point de vue institutionnel, l’exposition « Magiciens de la terre » a eu des effets discutables. Selon Murphy :

Car du côté des institutions nationales françaises, l’accueil fait aux œuvres fut réservé, voire nul. Non seulement, le MNAM n’acquit que peu d’œuvres, mais il les déposa de manière permanente au Musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie (MNAO) lorsque Jean-Hubert Martin en prit la direction en 1994. Comme si la brèche ouverte par l’exposition n’avait pas lieu d’être au Musée d’art moderne et que les œuvres devaient retourner à leurs origines coloniales, dans le palais construit à leur effet en 1931.35 35 Murphy, op. cit., p. 2.

Dans le cas des artistes latino-américains (argentins, brésiliens et mexicains), on s’aperçoit que les années 1970 et 1980 sont celles où le Cnap a absorbé le plus d’œuvres. En d’autres termes, cela s’est passé avant l’exposition « Magiciens ». Les années suivantes montrent, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, une baisse significative du nombre d’acquisitions. Ces chiffres m’ont amené à essayer de comprendre ce qui s’est passé dans les décennies évoquées, en plaçant cette période au centre de l’enquête. Les explications de ce phénomène sont multiples, liées à un contexte politique, social et culturel complexe, marqué par la rencontre de deux mouvements : une politique culturelle globale et cosmopolite soutenue par le gouvernement français et, en même temps, une augmentation du flux d’artistes en provenance d’Amérique latine.

Suite à la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles de 1981 et sous la direction de Jack Lang entre 1981 et 1986, le Ministère de la Culture a connu de grandes transformations en ce qui concerne son importance et dynamisme. Dans ce contexte, recruté par ce portefeuille, l’Etat est devenu un agent fondamental au sein du système de l’art contemporain français. En tant que mécène et bienfaiteur, comme l’a bien analysé Raymonde Moulin,36 36 Moulin, op. cit., p. 87-155. le gouvernement a acquis et commandé des œuvres pour enrichir les collections publiques du MNAM et des musées de province, ainsi que pour développer de manière significative les collections des fonds culturels nationaux, régionaux et municipaux, notamment en acquérant des œuvres contemporaines et en aidant les artistes vivants. L’État a commencé, de cette façon, à jouer un rôle important dans l’organisation de la vie artistique de son temps, en dialogue avec d’autres domaines, comme le marché.

L’une des mesures essentielles a été l’augmentation exponentielle du budget du secteur, qui s’est répercutée sur les achats du Cnap.37 37 Ibid., p. 131-145. Lors de la session de décembre 1981, le président Claude Mollard a annoncé que les crédits disponibles pour les achats et les commandes seraient triplés par rapport ceux de l’année précédente.38 38 Rapports… (1981-1989, réunion du 2 et du 3 décembre 1981, p. 2). Le budget est passé de 3,2 millions de francs en 1981 à 10,7 millions en 1984. Les chiffres le prouvent d’ailleurs, puisque depuis cela le montant annuel est devenu plus élevé que les sommes qui étaient dépensées auparavant au long d’une décennie. Entre 1970 et 1980, par exemple, 410 œuvres ont été acquises, quantité sensiblement inférieure à celle enregistrée dans une seule année de la décennie 1980, à commencer par 1981, où 615 œuvres sont entrées dans la collection. Cette tendance s’est poursuivie les années suivantes, avec 701 œuvres en 1982 ; 1639 en 1983 (le chiffre le plus élevé de l’histoire de la collection) ; 782 en 1984 ; 749 en 1985. Les années 1980 peuvent donc être considérées comme une « parenthèse enchantée »39 39 Expression mobilisée par Severine Sofio (2016). dans l’histoire du Cnap. Le XXIe siècle s’est accompagné, surtout depuis 2010, d’une réduction d’environ la moitié de son budget.40 40 Jeapierre (2020, p. 21). Si l’on considère que la valeur des œuvres sur le marché (français et international) évolue en sens inverse, présentant des chiffres de plus en plus extraordinaires, on comprend que le nombre d’acquisitions globales après les années 2000 ait connu une baisse globale qui affecte certainement aussi les artistes étrangers.

Ainsi, ce moment d’acquisition accrue d’œuvres coïncide précisément avec une période d’abondance de ressources, c’est-à-dire qu’il n’est pas le résultat d’une politique adressée à des artistes spécifiques. Cependant, il est important de rappeler qu’il s’agit d’une période d’afflux considerable d’artistes et d’intellectuels latino-américains en France qui peut être lié aux coups d’État survenus dans la région, en particulier en Amérique du Sud. A commencer par celui au Brésil en 1964, renforcé par l’Acte Institutionnel nº 5 (AI-5) en 1968, suivi d’Argentine premièrement en 1966 et à nouveau en 1976.41 41 Selon Marina Franco (2011), les exils ont commencé plus tôt, en 1973, lorsque les forces paraétatiques ont commencé à commettre des attentats et des enlèvements, ainsi qu’à assassiner des opposants politiques. Dès lors, les Argentins ont commencé à chercher d’autres lieux de vie, un nombre qui a augmenté entre 1976 et 1978. On estime qu’entre 300 000 et 500 000 personnes ont pris le chemin de l’exil. Entre 2 000 et 2 500 d’entre elles se sont installées en France, la moitié bénéficiant du statut de réfugié accordé par le pays. Ensuite, il y a eu les coups d’État au Chili, en Uruguay et en Bolivie en 1973, au Pérou en 1975 et en Équateur en 1976.42 42 Franco (op. cit., p. 92). Les prises de pouvoir par les Forces Armées et la perte des libertés politiques ont contraint des milliers de personnes à l’exil. Selon Olga Gonzáles, jusqu’au début des années 1970, la communauté latino-américaine en France se limitait à 10 000 personnes, composée d’étudiants, d’intellectuels et d’artistes.43 43 Cette conjoncture politique a des impacts concrets aussi sur l’univers des artistes et sur les critères mobilisés tant par le videomuseum que par ma propre base. Le cas des Chiliens est révélateur. Dans une première liste, lorsqu’une seule nationalité est prise en compte, le nombre d’œuvres d’artistes chiliens est de 25, ce qui placerait le pays en huitième position dans la liste des artistes latino-américains les plus présents dans la collection. Cependant, si l’on prend en compte les nationalités multiples, c’est-à-dire ceux qui ont acquis une nationalité autre que celle de naissance (fréquente chez les exilés), le nombre s’élève à 71, ce qui place le pays au cinquième rang des pays les plus représentés (Gonzáles, 2007). Avec les coups d’État, spécialement après celui contre Allende au Chili, cette présence s’est considérablement accrue, de sorte qu’entre 1973 et 1993, plus de 9 000 demandes de statut de réfugié ont été déposées uniquement par des citoyens chiliens et dont la plupart a été acceptée. Les destinations des exilés étaient multiples et, en Europe, l’Espagne est le pays qui a attiré la majorité d’immigrants : environ 42 000 Argentins, plus de 28 000 Chiliens, environ 11 000 Uruguayens, etc. Étant donné que nombreuses personnes n’avaient pas de papiers, ce contingent serait beaucoup plus important.44 44 Sznajder (2011). Cependant, la visibilité de ces groupes a été plus remarquable en France.

Le choix de la France comme destination a actualisé le traditionnel mouvement des élites intellectuelles et artistiques latino-américaines qui y circulaient depuis le XIXe siècle. L’image de Paris en tant que ville cosmopolite et ouverte à l’apport des étrangers, évoquée par le concept d’École de Paris, créé en 1925 par le critique André Warnod, a été réitérée par les trajectoires de plusieurs artistes et intellectuels qui y sont passés entre les années 1920 et les années 1940, comme les brésiliens Villa Lobos, Tarsila do Amaral et Oswald de Andrade, les mexicains Diego Rivera et Frida Kahlo ou l’uruguayen Pedro Figari. À ceux-là s’ajoutent les écrivains arrivés dans les années 1950, comme Julio Cortázar, Gabriel García Márquez et Mario Vargas Llosa, qui ont joué un rôle fondamental dans l’essor de la littérature latino-américaine en Europe. À la même époque, plusieurs artistes abstraits et cinétiques, principalement argentins (Le Parc, Tommasello, Aguero, Kosice, Martha Boto, Demarco) et vénézuéliens (Soto, Cruz-Díez), ont débarqué à Paris, en soulignant leurs trajectoires de remarquable insertion et soutenus par la célèbre galeriste Denise René.45 45 Couto (2016), Frérot (2014) et Planté (2013).

Les cinétiques sont d’ailleurs bien représentés au Cnap et ils ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des membres de la commission d’acquisition. Ils figuraient déjà dans les acquisitions du MNAM depuis les années 1960, aux côtés de représentants d’autres mouvements d’avant-garde reconnus à l’époque, comme le groupe COBRA, l’Op Art, le Nouveau Réalisme ou des mouvements abstraits comme Supports-Surfaces. Cependant, ces œuvres plus conceptuelles ou avant-gardistes semblaient limitées au MNAM, du moins jusqu’à la gestion de Bozo. C’est à la fin des années 1980 que l’alignement de la collection avec les volets plus audacieux de l’art du présent. La direction de Barré a poursuivi cette ouverture dans le but de combler des lacunes de la collection. Par conséquent, à partir de 1991, il a établi comme objectif important le rattrapage d’œuvres et d’artistes jugés pertinents et peu représentés au Cnap. Issues de ce mouvement, des visites ont été réalisées pendant l’année suivante aux ateliers d’Hugo Demarco et d’Horacio Garcia-Rossi, « dans le cadre d’une étude précise sur la représentation de l’art cinétique dans les collections de la Fnac ».46 46 Rapports… (1990-1995, 1992, p. 24).

Ces éléments remettent en question la centralité largement répandu de New York en tant grande métropole artistique mondiale de l’après-guerre, car, pour de nombreux intellectuels et artistes latino-américains, Paris est restée la destination de choix. L’image d’une terre d’accueil était soutenue, dans une certaine mesure, par la politique officielle de l´État français. Dans ce cadre, on relève le voyage du président De Gaulle à dix capitales latino-américaines en 1964, dans le but de signer des accords de coopération culturelle, qui se sont traduits par l’envoi d’étudiants et de chercheurs. Selon Rolland et Touzalin,47 47 Voir Rolland et Touzalin (1981). Rappelons qu’après les manifestations de 1968, le gouvernement français a expulsé certains artistes latino-américains de son territoire pour avoir participé aux Ateliers Populaires, comme Julio Le Parc et Hugo Demarco, qui sont rentrés à Paris postérieurement. Sur ce sujet, voir Planté (2014). entre 1968 et 1969, 526 latino-américains sont arrivés à Paris, en majorité des Brésiliens, suivis de Mexicains et d’Argentins, formant ainsi le premier groupe de boursiers universitaires étrangers. Par ailleurs, l’émergence des mouvements étudiants et de la contre-culture dans les années 1960 a diffusé une image positive de l’Amérique latine, associée politiquement à la Révolution Cubaine (1959) et à ses héros (comme Che Guevara), ainsi qu’au gouvernement Allende au Chili (1970-1973), considéré par la gauche mondiale, y compris François Mitterrand, comme un exemple puisqu’il s’agissait du premier gouvernement socialiste mis en place démocratiquement.48 48 Franco, op. cit., Galloro (2010) et Goldberg-Salinas (2000).

Ce tiers-mondisme diffus a également contribué aux réseaux de soutien, si nécessaires lorsque des contingents d’hommes politiques, d’intellectuels et d’artistes ont commencé à arriver en Europe pour s’échapper aux dictatures de leurs pays, en particulier dans le cas du Chili.49 49 Franco, op. cit. et Planté (2013). Toutefois, compte tenu de la population étrangère global y présente jusqu´à 1990, le nombre de Latino-Américains s’est maintenu relativement bas puisqu’il en représentait environ 0,5 % en 1975, 0,8 % en 1982 et 1,3 %.50 50 À partir des années 1990, le nombre d’Haïtiens augmente de façon considérable, passant en deuxième position devant les Argentins, les Chiliens, les Mexicains, etc., juste derrière les Brésiliens (ce qui est normal étant donné la taille et la population du Brésil sur le continent). Ces immigrés répondent à des impératifs économiques plus que culturels et, contrairement à la vague précédente, sont très peu visibles. A ce sujet, voir Rolland et Touzalin, op. cit. La réalité représentée par ces chiffres contrastait, pourtant, avec la visibilité dont ils jouissaient grâce à l’idée très forte d’une immense « communauté d’exilés » latino-américaine, un fait qui est largement lié au profil social de ses membres. Il s’agissait, de manière générale, de personnes disposant d’un capital culturel élevé, qui pourraient entrer dans les universités ou d’autres institutions aussi bien que devenir éventuellement une personnalité publique.51 51 Voir Yankelevich (2011). C’est le cas des artistes visuels, une catégorie spécifique qui avait des possibilités uniques de visibilité et pour laquelle Paris était le principal centre d’attraction pendant ces décennies, comme l’a montré clairement une enquête menée par l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) à l’époque :

Certes, Paris continue également d’être une des capitales mondiales des arts et des lettres : une enquête de l’UNESCO de 1981 montre que sur 220 plasticiens latino-américains censés constituer de fer de lance de l’art latino-américain, sur précisément les 188 dont la résidence est identifiée, près de 40 % (38,2 %) l’ont l’ait un séjour prolonge à Paris, disposant souvent d’un atelier. Si la moitié d’entre ceux-là réside alors encore à Paris, New York, à la même époque, ne rassemble que 9 % des plasticiens mentionnés, soit deux fois moins. 52 52 Rolland et T Touzalin, op. cit., p. 25.

Au sein de ces circuits artistiques, des identités ont été construites et des réseaux de soutien ont été créés. Pour les Brésiliens, par exemple, comme l’explique Anette Goldberg, « rester en France signifiait participer à ce qui se passait, apprendre et essayer de tirer des leçons valables pour la gauche brésilienne. Cela signifiait, entre autres, prendre conscience d’une identité latino-américaine et adhérer à la théorie de la lutte armée défendue par Che [Guevara] et diffusée par Régis Debray ».53 53 Goldberg, op. cit., p. 3. Plusieurs initiatives de création d’associations et de groupes de soutien et de solidarité sont issues de ce contexte.54 54 Franco, op. cit. et Galloro, op. cit.

Dans ce contexte, on met en relief la fondation de l’Espace latino-américain (1980-1993) en raison de sa composition qui comptait avec les artistes argentins Rodolfo Krasno (1926-1982), Julio Le Parc (1928), Luis Tomasello (1915-2014), Luis Felipe Noé (1933), Jack Varnarsky (1936-2009), Fernando Maza (1936), les brésiliens Arthur Luis Piza (1928-2017) Gontran Guanaes Netto (1933-2017), les uruguayens Leopoldo Nóvoa (1919-2012), José Gamarra (1934), le péruvien Alberto Guzman (1927-2017) et le vénézuélien Juvenal Ravelo (1934). Ce groupe ne rassemble que des artistes hommes (et cette question d’identité de genre ne peut pas être banalisée) qui présent des similitudes d’origine, puisqu’ils sont tous originaires d’Amérique du Sud, et qui partagent l’orientation politique, car ils sont tous alignés sur des mouvements de gauche. Cette initiative a été bien analysée par Christine Frérot, qui la décrit comme suit :

Cette initiative prise par des artistes étrangers vivant et travaillant en France, liés par l’amitié, la culture, la langue et l’exil, souvent la politique, est absolument inédite. Le défi est grand, car il s’agit de s’autogérer collectivement et de rendre l’Espace autosuffisant. C’est un espace privé, financé par ses membres, qui veut se démarquer de la scène marchande de l’art. L’objet est aussi de contribuer à leur propre diffusion. Les artistes exposent gratuitement. L’Espace ne prend pas de commission sur les ventes. Il lui arrive néanmoins d’organiser des expositions-vente, dont le produit doit lui revenir et participer strictement à son fonctionnement. 55 55 Frérot, op. cit.

A l’Espace on a organisé plusieurs expositions collectives, considérées comme prioritaires, ainsi que quelques expositions individuelles, notamment de membres du groupe. De 1981 à 1984, ils reçoivent le soutien financier de l’État français sous forme de bourses, ainsi que le soutien d’autres artistes latino-américains y présents, tels qu’Antonio Seguí, Jesus Soto et Roberto Matta, entre autres. Ils y laissaient leurs œuvres à vendre et le produit de la transaction y était reversé. Plusieurs œuvres acquises par le Cnap provenaient de cet espace collectif, par exemple : Portrait du nom de Paris, d’Horacio Garcia-Rossi ; Modulation 452, de Julio Le Parc; Objet plastique, de Luis Tomasello ; Peuples de la terre de perrouquet, de Gontran Guanaes Netto ; Relief, de Luis Zárate. L’œuvre la plus souvent citée dans la base est sans aucun doute La Valise.

La Valise est une œuvre collective composée d’un ensemble de onze gravures dans une boîte en bois. Chacune de ces œuvres est signée par un artiste du groupe : Krasno, Guzman, Noé, Le Parc, Nóvoa, Gamarra, Maza, Ravelo, Tomasello, Piza et Netto.56 56 Le rapport de la Commission du 6 mai 1981 mentionne un travail présenté par Latin American Space for acquisition, qui a été évalué et approuvé par la Commission. Voir Rapports… (1981-1989, 6 mai 1981, p. 3). Les différences stylistiques entre eux sont maintenues et, bien qu’il y ait une plus grande présence d’œuvres abstraites (Krasno, Le Parc, Nóvoa, Ravelo, Tomasello et Piza), il y en a d’autres avec un contenu figuratif (comme dans le cas de Gontran Guanaes Netto, Gamarra et Luis Felipe Noé). Du point de vue technique, ces productions sont aussi assez hétérogènes, car, malgré l’utilisation du papier comme support commun à toutes, on y constate des matériaux et applications divers tels que la gouache, le pochoir, du papier peint et découpé, du papier peint sur le carton ou même, dans le cas de Nóvoa, l’emplois du sable, du plâtre, de la ficelle, du fil et du fil de fer pour sa gravure.57 57 Les images et l’oeuvre sont disponibles dans la base de données du Cnap. Disponible sur : https://bit.ly/48u3LUI. Leur diversité ne les empêche pas de revendiquer une identité de groupe, qui repose sur des critères qui ne sont pas strictement artistiques, comme leur condition d’étrangers à Paris et membres d’une communauté d’ « artistes latino-américains » composée, on souligne, uniquement d’hommes.

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Dossier relatif à l’œuvre La Valise de l’Espace latino-américain. Source : Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (France), Pierrefitte-sur-Seine.

L’INVISIBILITÉ DES FEMMES ARTISTES DANS LES CERCLES LATINO-AMÉRICAINS

L’hégémonie masculine dans l’espace latino-américain a attiré mon attention parce qu’elle a coïncidé avec l’émergence de la pensée féministe, non seulement aux États-Unis, mais également en France où elle a produit des effets théoriques et pratiques dans plusieurs domaines, y compris celui des arts.58 58 Voir Dumont (2008, p. 133-143). Il est donc inconfortable d’imaginer que des femmes artistes et latino-américaines ont été mises sous silence à une époque si effervescente. Evidemment elles ont existé, elles ont produit, et certaines d’entre elles ont eu des œuvres acquises par le Cnap, comme les argentines Lea Lublin et Marie Orensanz, la brésilienne Cybèle Varela ou la sino-brésilienne Hoo Mojong,59 59 Hoo Mojong (1924-2012) est né à Ningbo, en Chine. Elle s’est installée à São Paulo dans les années 1950 pour des raisons inconnues. En 1965, elle est partie à Paris et, en 2002, à Shanghai, où elle a vécu jusqu’à sa mort. Elle fait ses premières apparitions dans le monde de l’art au début des années 1960 à São Paulo et à Campinas. En France, elle participe à divers salons, notamment par le biais de la gravure. Dans la base de données du Cnap, selon le critère de la nationalité « brésilienne », elle est l’artiste la plus représentée, avec quatorze œuvres, alors qu’elle est ignorée du circuit brésilien. qui, bien qu’étant l’une des mieux représentées dans la base, est aujourd’hui profondément méconnue dans l’histoire de l’art national et international.60 60 Selon le recensement, 31 œuvres de femmes brésiliennes, argentines et mexicaines ont été acquises au cours des années 1980. Outre les deux mentionnées, le Cnap a conservé des œuvres de Martha Boto, Nelida Fedullo, Léonor Fini, Meta Mari-Carmen Hernandez, Graciela Iturbide, Ana Maria Luis-Cabeza, Cristina Martinez, Hoo Mojong, Alícia Penalba, Elisabeth de Portzamparc, Maria Simon, Virginia Tentindo et Alicia Zadán. Au cours de la même période, des œuvres des chiliennes Ester Chacon-Avila, Marta Colvin, Emma Malig et Gala Martinoia ont été acquises.

Les souvenirs de l’artiste argentine Marie Orensanz, qui vivait à Paris depuis 1975, se sont avéré utiles à la compréhension de la complexité de ce moment. Elle y avait déjà vécu entre 1964 et 1965. Elle est ensuite rentrée en Argentine et, alors que les tensions politiques s’intensifiaient dans son pays, elle est partie avec son mari et ses enfants en Italie (1969-1974), où elle a rejoint les circuits artistiques de Milan, qu’elle considérait assez limités en particulier pour les femmes. C’est pourquoi elle choisit de revenir à Paris avec sa famille. Même avec le soutien de sa compatriote Lea Lublin, artiste déjà reconnue dans le circuit français, l’entrée d’Orensanz n’est pas facile :

Au début, quand je suis revenue vivre en France, je n’ai pas demandé aux très nombreaux artistes argentins - des hommes - vivant à Paris comment faire pour exposer. J’ai constaté qu’il y a avait des salons, et je me suis dit que c’était ce que je devais faire. Comme je ne voulais pas m’imposer, je passais par les salons où je proposais mes œuvres. 61 61 Orensanz (2023, p. 57).

D’après Orensanz, il y avait un groupe d’artistes compatriotes hommes bien intégré en France, comme Le Parc, Tommasello, Krasno et Seguí, son ancien professeur. Pourtant, leurs présences ne lui ont pas garanti des invitations à participer à la Biennale de Paris ou même à exposer « avec eux ». Consciente des asymétries existantes dans le monde de l’art, qui imposaient toutes sortes de difficultés aux femmes, parmi lesquelles on souligne le manque d’espace pour exposer leurs travaux, Orensanz a commencé à participer à des circuits composés d’artistes françaises et étrangères. Elles se réunissaient pour discuter de leurs productions et des stratégies d’insertion et d’exposition de leurs œuvres. La création de la Galerie des Femmes a été une des initiatives pour faire face à ces problèmes, dont la première exposition individuelle, « Fragmentisme », a eu lieu à Paris62 62 La Galerie des Femmes, créée par Antoniette Fouque en 1981, était directement liée à la Librairie des Femmes, avec laquelle elle a partagé un espace situé à la Rue de Senne jusqu’en 1992. La facture de l’ouvrage d’Orensanz a été émise au nom de la librairie. du 7 mai au 14 juin 1982. A cette occasion Orensanz a fait acquérir sa première œuvre parle Cnap, la photographie Diriger à distance.63 63 La réunion du Cnap du 24 juillet 1982 mentionne Orensanz parmi les artistes dont les œuvres ont été acquises. On remarque que cette acquisition a résulté d’une proposition individuelle de l’artiste, sans être associée à des groupes. Un fait qui, comme nous le verrons, est commun aux femmes artistes de cette période.

L’année de 1982 a eu une importance majeure en ce qui concerne l’entrée d’œuvres latino-américains au Cnap, notamment en raison de l’acquisition d’un ensemble expressif provenant de l’exposition « L’Amérique latine à Paris : droits socialistes de l’homme (im 2) ». On liste : Boules de pyramide, de Julio Le Parc ;64 64 Probablement à la base, l’œuvre s’intitule Modulation 452. Il s’agit d’une peinture acrylique sur toile, acquise en 1983 au Salon d’Amérique Latine. Voir Julio… ([2023]). Jaune et bleu, de Tomasello ;65 65 Elle n’a pas été trouvée dans la base de données, bien qu’elle figure dans la documentation. Hamlet, de René Zapata ;66 66 Il s’agit d’un petit dessin, peu visible (pas d’exposition) (René…, [2023]). Les Filles II, de Gustavo Verajano ;67 67 Bien qu’il figure dans le rapport, je n’ai pas pu le localiser dans la base de données. Foulle, de Gontran Guanaes Netto ; Paris, de Garcia-Rossi ;68 68 Il s’agit du Portrait du nom Paris, une œuvre acrylique (Horacio…, [2023]). Collage, de Zarate ; Post atomicum, de Francisco Melo ; Cheminées d’usine, de Jario Tellez.69 69 Rapports… (1981-1989, réunion du 8 novembre 1982). Cet ensemble acquis est vraiment diversifié, y figurant des peintures de grandes dimensions, ainsi que des petits dessins.

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Couverture du catalogue de l’exposition « L’Amérique latine à Paris : les fruits de l’exil ». Organisée par la Commission Droits Socialistes de l’Homme. Grand Palais, Paris, 1982.

Ces œuvres sont aussi assez diversifiés en termes de classifications. Il y a des travaux que l’on peut qualifier de néo-figuratives, comme celui de Francisco Melo, une toile intéressante qui évoque un scénario futuriste dystopique sur le rapport entre l’homme et la machine.70 70 Il s’agit d’une peinture à huile sur toile, seule œuvre de l’artiste à la base, en dépôt au ministère des Affaires étrangères (Francisco… [2023]). Disponible sur : https://bit.ly/3SwLsdj. Il y a encore un réalisme politiquement militant, comme l’œuvre de Gontran Guanaes Netto71 71 Il s’agit probablement de Peuples de la terre des perroquets, peinture acquise en 1982 au Salon. Disponible sur : https://bit.ly/3wwShCy. Voir Netto… ([2023]). qui, avec des couleurs criardes, représente un grand groupe de travailleurs ruraux. On identifie aussi des œuvres plus conceptuelles, comme le Portrait du nom de Paris, de Garcia-Rossi (qui, dans le document précédent, n’apparaissait que sous le nom Paris). Il est important d’observer que le texte fait référence à des œuvres qui ne figurent pas dans la base de données disponible sur le site du Cnap, cependant cela ne signifie pas qu’elles n’en font pas partie, car son inventaire est complet. Mais parmi celles dont les images y sont accessibles, le travail de Gontran Guanaes Netto est le seule qui, d’une certaine façon, pourrait être lié à une sorte d’imaginaire (toujours contestable) de la « latino-américanité ».

Organisée par l’Association Droits Socialistes de l’Homme, cette exposition a eu lieu au Grand Palais à Paris du 8 au 15 décembre 1982. Soutenue par le gouvernement français et inaugurée par le président Mitterrand et le ministre de la culture Jack Lang, elle a réuni plus de 250 artistes de différentes nationalités et de différents genres : peintres, graveurs, photographes et sculpteurs. Le catalogue mentionne qui l´exposition a occupé le Grand Palais à Paris du 8 au 15 décembre 1982. Dans le domaine des arts visuels, les commissaires étaient Christine Frérot et Jorge Volpe. Selon Christine Frérot, les retombées de l’exposition ont été quasi nulles et sont passées inaperçues de la critique et de la grande presse, ce qui s’explique, selon elle, par la dimension officielle et politique de l’événement, qui a pris le pas sur la qualité artistique.72 72 Frérot, op. cit.

Placé aux marges de l’histoire des expositions de l’art latino-américaine organisées dans les pays centraux, ce salon, en effet, n’a pas été assez étudié jusqu’à présent. Cependant, lorsqu’on analyse ses effets d’un point de vue institutionnel, tenant compte l’encouragement de l’inclusion d’œuvres d’artistes latino-américains dans les collections françaises, il est possible d’avoir une perception différente, car, à partir de cette exposition, le Cnap a acquis neuf œuvres. Il faut souligner que ces œuvres sont toutes signées par des hommes, malgré la participation des plusieurs femmes artistes.

Conformément le catalogue, une quantité remarquable de femmes a figuré dans l’exposition : Agna Aguade (Chili) ; Maria Amaral (Argentine) ; Beatriz Solano (Colombie) ; Ximena Armas (Chili) ; Maria Arvelazi Gordon (Venezuela) ; Maria Eugenia Arria (Venezuela) ; Susana Aviles (Mexique) ; Concepción Balmes (Chili) ; Maria Cristina Barbosa (Brésil) ; Gracia Barrios (Chili) ; Martha Boto (Argentine) ; Monica Bunster (Chili) ; Ana Cechile (Uruguay) ; Ester Chacon Avila (Chili) ; Irene Domínguez (Chili) ; Beatriz Duque Molina (Colombie) ; Antonia Ferreiro (Chili) ; Maria Virginia Giusto (Argentine) ; Mina Gondler (Argentine) ; Matilde Grant (Argentine) ; Sarah Grilo (Argentine) ; Susana Lamberti (Argentine) ; Leonor Llosa (Pérou) ; Agueda Lozano (Mexique) ; Patricia Lopez-Merino (Pérou) ; Hebe Lo Prete (Argentine) ; Lea Lublin (Argentine) ; Olga Luna (Pérou) ; Carmela (Bolivie) ; Cristina Martinez (Argentine) ; Gala Martinoya (Chili) ; Teresa Montiel (Chili) ; Marie Orensanz (Argentine) ; Monica Ortiz (Argentine) ; Gina Pellón (Cuba) ; Alicia Penalba (Argentine) ; Nell Politi (Argentine) ; Miriam Presnam (Argentine) ; Emma Reyes (Colombie) ; Ofelia Rodriguez (Colombie) ; Cristina Rubalcava (Mexique); Clara Schneider (Chili); Felicia Sewicki (Argentine) ; Vivian Scheihing (Chili) ; Silvia Tabares (Argentine) ; Beatriz Tanaka (Brésil) ; Virginia Tentindo (Argentine) ; Gloria Uribe (Colombie) ; Maty Vitart (Brésil) ; Elsa Zambrano (Colombie) ; Alicia Zadán (Argentine) ; Cris Queiroz (Brésil).

La consultation des archives et des rapports a révélé que parmi les artistes mentionnées précédemment, certains ont eu des œuvres acquises par le Cnap, mais ils n’ont jamais été associées au « groupe latino-américain ». C’est le cas de l’argentine Alicia Zadán, qui a participé à l’exposition et dont une œuvre similaire, probablement appartenant à la même série, a été acquise en 1984. Il s’agit de Cannibale (im 3), tableau qui se trouve actuellement à l’ambassade de France au Chili. Sur cette toile de grandes dimensions, on voit, au premier plan, un indigène seul et muni d’armes simples pour se défendre contre ce qui se trouve derrière lui : un grand navire qui fait allusion au début de la colonisation. L’artiste utilise une représentation exotique, en recourant à l’image stéréotypée de l’indigène et d’un environnement « tropical », mais cela est clairement ironique, car il est inévitable de penser que le protagoniste est remarquablement fragile pour résister à la grande machine de l’entreprise coloniale, même s’il est armé. A partir du titre, on ne peut pas s’empêcher de se demander qui est le « cannibale » dans ce processus ?

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Le Cannibale, 1942, Argentine, huile sur toile d’Alicia Zadán, 195 × 130 cm. Achetée directement à l’artiste en 1984. Elle est entreposée à l’ambassade de France à Santiago depuis 2006.

L’achat de l’œuvre a été approuvé par le Cnap en 1984 à la suite d’une demande individuelle et directe présentée par l’artiste elle-même, c’est-à-dire sans représentation d’une galerie, sans intermédiation d’un membre de la commission et sans association avec un groupe artistique. Il est également intéressant de remarquer que s’est associée à l’Espace latino-américain et qu’elle a figuré dans la liste d’artistes de l’exposition « Petits formats », qui a eu lieu en 1981. Parmi un large contingent d’hommes présent dans cette exposition, il y a d’autres femmes telles que Ximena Armas, Monica Bunster, Gracia Barrios, Patricia Duran et Sarah Grilo, entre autres. Cependant, il semble que ni Zadán ni ces autres compagnes d’exposition ont eu leurs noms associés au « groupe ».

Dans une interview accordée à Radio France en 2016, Zadán parle de ses souvenirs de l’exposition, dont elle a été l’une des responsables, mais sans en recevoir les crédits. L’artiste a aidé à choisir la liste des Sud-Américains présents à cette exposition qui, selon elle-même, a commencé par un « malentendu » lié au nom choisi pour le projet. Initialement, le nom attribué serait « Artistes latino-américains à Paris », mais « fruits de l’exil » y a été ajouté sans explications. Ce changement a été très mal perçu par la communauté, car beaucoup d’artistes étaient là depuis des décennies et n’entraient donc pas dans la catégorie des « exilés ». Elle rappelle également que le patrimoine français (sûrement une référence au Cnap) avait proposé l’acquisition d’une œuvre de sa série « Tatoués [Tatuados] », probablement celle qui figure dans le catalogue (im 4). Elle explique qu’il s’agit d’une subtile critique politique des Britanniques, car les tatouages renvoient à l’idée de piraterie, faisant ainsi allusion à la Crise des Malouines, une guerre entre les Britanniques et les Argentins, pour le contrôle de cet archipel et qui a débuté en 1982. A l’occasion de cette première offre, l’artiste a choisi de ne pas la vendre. Néanmoins, elle a proposé une œuvre similaire à l’acquisition du Cnap73 73 Alicia… (2016). l’année suivante

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Alicia Zadán.

En 1982, le Cnap a aussi acquis l’œuvre d’une autre artiste : Lea Lublin. Elle n’était pas attachée au groupe, ni à la galerie et cette acquisition a résulté d’une proposition individuelle. Née en Pologne en 1929, d’origine juive, elle a émigré avec sa famille en Argentine, où elle a obtenu son diplôme à l’École des Beaux-Arts en 1949. Au début des années 1960, son travail avec des matériaux nouveaux et expérimentaux a eu une bonne réception, notamment à l’Institut Torcuato Di Tella (ITDT), qui a joué un rôle important dans le développement de l’art contemporain en Argentine. En 1965, elle s’est installée à Paris, où elle a connu une carrière très fructueuse et une large reconnaissance, aussi en raison des questions féministes qu’elle a abordées dans son travail, comme dans la célèbre performance Mon Fils (1968), présentée au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Bien qu’elle ait eu des contacts avec divers artistes latino-américains et qu’elle ait maintenu des liens avec l’Argentine tout au long de sa vie,74 74 Planté (2014). ces relations disparaissent dans son parcours au Cnap puisqu’aucune de ses œuvres y présentes n’a de rapport avec le groupe latino-américain. D’ailleurs, Lublin fait ressortir des souvenirs de la période où elle s’est rapprochée de Lygia Clark, qui était également une artiste contemporaine latino-américaine bien intégrée75 75 Aucune des œuvres de Lygia Clark n’a été acquise par le Cnap et sort donc du cadre de cet article. Rappelons toutefois que trois de ses œuvres sont présentes dans les collections françaises, l’une au Musée de Grenoble, l’autre au Centre Pompidou et la troisième au Musée de Nantes. dans le circuit français, toutes les deux étaient même professeurs à la Sorbonne :

Nous nous voyions toujours, nous sommes devenues amis et nous nous rendions visite dans nos ateliers […] Par l’intermédiaire de Julio Le Parc, j’ai rencontré les gens de Robho, mais je ne faisais pas partie du groupe (je viens de la peinture expressionniste et de la figuration). Je les rencontrais toujours dans des fêtes. C’était en effet une grande époque où les fêtes et les rencontres entre artistes étaient constantes. 76 76 A l’original en portugais: « Nos víamos sempre, passamos a ser amigas e frequentar nossos ateliês. […] Por intermédio de Julio Le Parc conheci o pessoal da Robho, mas não fiz parte do grupo (venho da pintura expressionista e da figuração). Encontrava-os sempre nas festas. Aquele, aliás, foi um momento formidável em que as festas e encontros entre artistas eram constantes. ». Lublin citée dans Ferreira (1999, p. 74, italique de l’auteur).

La mano di Dante est la première œuvre de Lublin à entrer dans la collection. Il s’agit d’un diptyque de deux photographies réalisées en 1977, résultat d’une performance/intervention publique de l’artiste dans une galerie napolitaine. L’œuvre fait partie d’une série intitulée Dedans/Dehors le musée, à travers laquelle l’artiste invite le spectateur à porter un regard différent sur toute une culture visuelle, héritée de la tradition (y compris la tradition artistique) qui constitue un ensemble de valeurs, de manières de voir, de penser et de classer le monde, hiérarchisées et traversées par un système patriarcal.77 77 A ce sujet, voir l’entretien de l’artiste : Lublin (1977, p. 46-50). Bien que l’acquisition ait eu lieu en 1983, au plus fort de l’effervescence du groupe latino-américain, et qu’elle ait participé à l’exposition de 1982, citée auparavant, cette acquisition a également résulté d’une proposition individuelle faite par l’artiste elle-même et acceptée par la Commission. En conclusion, une réalisation - mais aussi un acte - individuel.

L’imagerie de l’époque aussi bien que les documents qui nous sont parvenus aujourd’hui, mettent en relief la présence masculine dans les milieux artistiques, ce que nous permet de comprendre que les groupes d’artistes latino-américains n’étaient composés que d’hommes. Il ne faut pas négliger le poids que ce phénomène a pu jouer dans la méconnaissance, voire la dévalorisation, du travail des femmes à cette époque-là. Ceci est d’autant plus évident lorsque l’on observe le succès international de certains artistes, généralement associés au cinetisme, comme Julio Le Parc ou Jesús Soto.78 78 Voir Planté (2013). Comme le signale Andrea Giunta, « un facteur qui peut expliquer cela est que les femmes ont tendance à s’isoler, alors que les hommes travaillent en équipe ».79 79 A l’original en espagnol : « Un factor que posiblement lo explique es que las mujeres tienden a aislarse, mientras que los varones trabajan en equipo », Giunta (2018, p. 44). Diverses études en sociologie de l’art80 80 Heinich (2005) et Williams (1999). ont déjà indiqué que les groupes artistiques sont des sujets fondamentaux dans la dynamique de l’art moderne et contemporain, leur conférant une identité particulière dans un espace compétitif où « exister, c’est se différencier ».81 81 Bourdieu (1999). Analysant le cas d’Émilie Charmy on identife une artiste qui a appartenu au cercle des fauves, a exposé à leurs côtés au Salon, mais qui est restée dans l’ombre de ses collègues. A cet égard, Gill Perry a précisé que son positionnement de rester indépendante du groupe a contribué au manque de reconnaissance au même titre que ses collègues hommes et notamment à sa marginalisation par rapport au mouvement fauviste.82 82 Gill (1995). Patricia Mayayo explique que la même expérience a été vécue par Louise Bourgeois, dont la reconnaissance a été, comme on le sait, très tardive.83 83 Mayayo (2002, 2016). La tendance à ne pas participer (ou à ne pas faire reconnaître sa participation) aux groupes artistiques a un impact négatif en termes de notoriété pour les femmes artistes.

ÉTIQUETTES INCONFORTABLES : FEMMES, ARTISTES, EXILÉES, GAUCHISTE…

La présence de Marie Orensanz dans la « communauté latino-américaine », comme celle d’autres compagnes de sa génération, est assez ambiguë et complexe. D’une part, elle ne se sentait pas à l’aise avec cette étiquette, ce qui l’a fait hésiter à participer à l’exposition organisée par le critique Jorge Glusberg à l’Espace Cardin à Paris en 1975, intitulée « Art de systèmes en Amérique Latine ». Selon elle, « j’étais parfois un peu réticente à l’idée d’être associée à la scène latino-américaine ».84 84 Orensanz, op. cit., p. 48. Cette même question revient dans son discours aujourd’hui, lorsqu’on l’interroge sur sa participation fréquente à des expositions ayant pour thème l’art latino-américain :

Non, pour moi le mètre carré qui m’entoure, où il soit, est ma patrie. Le gens me disent : ‘Ah tu es argentine’, ou : ‘Tu es latino-américaine’, ou bien encore : ‘Tu es franco-argentine’. Ces classifications n’ont pas de sens pour moi. Dans mon esprit, chaque fois que je vais dans un pays, je fais attention à me l’approprier sans le déranger. […]. En 1982, il y a eu une exposition au Grand Palais intitulée ‘L‘Amérique latine à Paris. Les fruits de l’exil’. Elle rassemblait des artistes latino-américains comme Wilfredo Lam, Roberto Matta, Antonio Seguí, les cinétiques Rafael Soto, Julio Le parc etc. J’y ai exposé des travaux en marbre, mais j’ai aussi ajouté un panneau, que les organisateurs ont vite décroché, qui disait : ‘Mon travail n’est pas fruit de l’exil, sinon d’une longue démarche vers la liberté dans tous les domaines. 85 85 Orensanz, op. cit., p. 88.

Orensanz ne s’associait pas à une identité artistique dérivée de l’origine nationale, mais elle participait à ces expositions parce qu’elle y voyait une occasion de montrer son travail. Elle ne s’identifiait pas non plus avec la catégorie de l’exilée, même si elle a quitté son pays en 1969 en raison de l’ambiance politique et de la censure de son installation La gallareta. Lorsqu’elles ont été interrogées sur la question, Cybèle Varela et de Gretta Sarfaty, deux autres artistes brésiliennes présentes dans le même contexte en France, ont déclaré ne pas avoir cherché à s’insérer dans les circuits latino-américains et qu’elles s’étaient facilement intégrées dans le circuit français en raison de leur bonne maîtrise de la langue française et d’autres faits.86 86 Conformément le témoignage de Cybèle Varela et Gretta Sarfaty à Ana Paula Cavalcanti Simioni en mai 2023. On remarque que les deux ne sont pas confortables avec leurs propres étiquettes d’« artiste latino-américaine », même dans le cas de Varela, qui a quitté le Brésil après qu’une de ces œuvres a été interdite à la IXe Biennale de São Paulo en 1967 en raison de son contenu politique. Etant donné cette expérience, il est possible d’affirmer que Varela a donc vécu une situation proche de l’exil artistique, partagée par de nombreux artistes de cette génération,87 87 Jaremtchuck (2016, 2021). mais son exil ne s’est pas traduit par une identification à la catégorie d’ « artiste exilé ».

Il s’avère nécessaire accorder plus d’attention à la dimension du genre lors des analyses des contextes d’exil, puisque les expériences d´hommes et femmes ont été profondément différentes et inégales. Analysant le cas des exilés brésiliens, Anette Goldberg-Salinas conclue que les hommes arrivés en France ont trouvé des réseaux de soutien et ont pu compter sur le mythe du « héros révolutionnaire », à travers lequel ils ont engagé la sympathie de la gauche française, leur permettant une insertion facilitée. En revanche, dans le cas des femmes, l’expérience a été tragique, car elles ont connu, en général, un déclassement important, des difficultés d’intégration et une dévalorisation de leur statut au sein même des groupes de gauche.88 88 En ce qui concerne l’expérience d’exil pour les femmes, le passage suivant est assez éclairant : « Mais en ce qui concerne les femmes, ce deuxième exil se transforme souvent en cauchemar. En plus de tous les problèmes qu’elles avaient déjà dû affronter au Chili, elles doivent supporter la baisse du niveau de vie et de statut social du groupe familial, puisque le statut de réfugiées politiques ne les distinguait pas fondamentalement des travailleurs immigrés d’origine modeste. Ayant de grandes difficultés d’expression et de communication, pour certaines même le fait d’avoir des diplômes n’aide pas beaucoup car il faut souvent recommencer à zéro après des procédures d’équivalence éprouvantes. Les amitiés sont difficiles à établir, les codes de la vie quotidienne difficiles à maîtriser. Comme leur passé politique n’existait pas ou était jugé sans importance à côté de celui de leurs camarades, les mêmes possibilités professionnelles ne leur étaient pas automatiquement ouvertes, et comme il fallait gagner de l’argent pour survivre dans ce pays où le coût de vie était très élevé, les exilées se voient contraintes à chercher des emplois non qualifiés. C’est ainsi que plusieurs titulaires de diplômes supérieurs deviennent femmes de ménage et baby-sitters pour le compte de femmes françaises (quelquefois membres d’organisations politiques), secrétaires, vendeuses et ouvrières. […] Ne pouvant plus compter sur d’autres figures féminines pour les seconder dans leurs tâches d’épouses et de mères, et ne bénéficiant plus de leurs privilèges de classe leur permettant d’embaucher des domestiques et d’acheter tous les biens matériels auxquels elles étaient habituées, elles prennent conscience des asymétries basées sur les différences sexuelles » (Goldberg-Salinas, 2000, p. 6-7).

D’une façon assez similaire, le groupe de femmes chiliennes, qui correspondait à environ 40 % du total d’exilés, a aussi eu ses expériences profondément invisibilisées, malgré cette représentativité en termes de quantité. Conformément les analyses d’Yvette Marcela Garcia, tandis que leurs maris et compagnons étaient considérés comme des « militants » et jouissaient d’une bonne image publique en France, elles devraient s’occuper des leurs enfants, des leurs maisons, « se débrouiller » pour faire de l’argent pour subvenir à leurs besoins et, en plus, participer à des organisations politiques. Les rôles de mère et d’épouse auxquels elles étaient soumises étaient naturalisés comme des obligations féminines et n’avaient pas la même importance que le militantisme politique, activité considérée à l’époque comme masculine par excellence. Ainsi, quoique les familles et les couples d’exilés aient été soumis à une situation violente et totale de déplacement et de déracinement, les rôles accumulés par les femmes, bien qu’éprouvant, ont été dévalorisés.89 89 Garcia (2010). Dès lors, on peut comprendre que plusieurs femmes artistes aient réfuté cette position de « femme exilée » en raison de la subordination qu’elle entraînait.

Evidemment, on sait aussi que la place de « l’artiste féministe » ou du féminisme lui-même au sein de la gauche en général était assez gênant à l’époque. Le traumatisme de l’exil et de son expérience asymétrique ont conduit de nombreuses femmes latino-américaines à prendre conscience des inégalités de genre auxquelles elles étaient soumises. Dans ce cadre, beaucoup d’entre elles ont développé une conscience féministe, favorisant la création de groupes spécifiques, parmi lesquels on souligne le Cercle des Femmes Brésiliennes à Paris (1976-1979) qui a rassemblé des centaines de personnes. L’importance de cette expérience pour le développement du féminisme au Brésil après le retour de nombreuses femmes exilées est aujourd’hui reconnue.90 90 Sarti (2001). Cependant, à l’époque, elles ont dû faire face à divers obstacles au sein même de la gauche, qui les accusait de « diviseuses » ou d’être sans importance, puisque l’on pensait que le socialisme résoudrait toutes les inégalités.91 91 Ibid. Goldberg mentionne qu’au cours de la première année des réunions du groupe, qui n’étaient pas encore très institutionnalisées, les maris ou les compagnons de ces femmes avaient tendance à les boycotter ; certains d’entre eux ont même déclaré que celles qui n’abandonnaient pas les réunions perdraient les aides financières accordées aux exilés.92 92 Goldberg-Salinas, op. cit., p. 5.

La situation des femmes artistes à l’époque était complexe étant donné qu’elles ne semblaient correspondre à aucune des positions disponibles, ou du moins pas de manière confortable. Bien qu’étrangères et originaires de pays latino-américains, elles ne cherchaient pas toujours à défendre cette identité, pourtant stratégique pour obtenir des soutiens et promouvoir la visibilité collective. Le cas de l’Espace latino-américain est révélateur, car les femmes artistes y sont restées généralement inaperçues, en dépit de leur présence notamment sporadique. Dans ce sens, il est nécessaire de clarifier que les œuvres collectives étaient signées par des hommes et il n’y avait que de noms masculins parmi les achats effectués par le Cnap auprès de cet espace. Ainsi, les femmes artistes qui ont réussi à vendre des œuvres dans les mêmes occasions d’exposition que ces hommes l’ont fait individuellement. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la seule exposition que l’Espace latino-américain a organisée spécifiquement pour les femmes artistes, en 1985, s’intitulait « Individu-elles ». Selon Frérot, l’idée initiale est venue d’Arthur Luiz Piza, sensible aux questions féministes en raison du travail de sa femme, Clélia Piza (qui a fait connaître l’œuvre de Clarice Lispector à la Galerie des Femmes). Agueda Lozano, Vilma Fuentes, Ximena Arma, Christine Frérot, Marie Orensanz et Alicia Dujovne Ortiz ont participé à cette exposition. Une fois que l’objectif principal était de mettre en valeur les œuvres qui traitaient de la relation entre l’image et le texte, il a été proposé à chacune des critiques ou écrivaines d’écrire un texte sur chacune des artistes.193 93 Frérot, op. cit. Le dépliant (im 5) indique à gauche le nom de l’artiste et à droite l’auteur du texte correspondant.

Image 5
Affiche de l’exposition « Individu-elles », organisée en 1985 à l’Espace latino-américain.

Le titre de l’exposition emploie un jeu de mots entre la notion d’individu et la notion d’elles. Bien qu’astucieux, il est important de signaler que, au sein de la logique dominante de la gauche des années 1970 et 1980, le caractère individualiste et bourgeois du mouvement féministe était ce qui l’avait rendu si mal vu. Pour émerger dans cet univers, les femmes devaient payer un prix assez élevé : en tant qu’artistes, elles avaient besoin d’affirmer leur individualité et ce choix les éloignait des valeurs communautaires des groupes de gauche latino-américains. Certes, elles ont cherché, et s’évertuent à l’aide de leurs discours encore aujourd’hui, à concrétiser leur désir d’être perçues comme indépendantes et libres des « prisons symboliques » que pourraient leur imposer les étiquettes « gauche », « latino-américaine », « exilée » et « féministe ». Le prix à payer pour ce désir d’autonomie et d’affirmation de leur individualité a été l’invisibilisation de leurs trajectoires et de leurs œuvres, même dans le cas de celles qui ont réussi à faire partie d’une petite élite artistique mondiale, dont les œuvres appartiennent aujourd’hui à une importante collection publique française.

CONSIDÉRATIONS FINALES

La présence d’œuvres d’artistes latino-américains dans la collection du Cnap est un important indicateur de leur inclusion dans le système artistique international. Il s’agit de la première et de la plus pérenne collection publique connue dédiée à la production d’art vivant et ouverte aux artistes étrangers. Cependant, cette participation est disproportionnée puisque les pays périphériques sont moins représentés que les Européens ou les États-Unis. L’asymétrie est également très marquée au sein même de l’Amérique Latine, avec des pays comme l’Argentine, le Brésil, le Mexique, le Pérou et le Chili bien représentés et d’autres, comme le Paraguay, le Panama, le Costa Rica ou la Bolivie, figurant très peu dans la collection.

Envisageant à comprendre le profil des acquisitions, j’ai organisé les données dans une base quantitative de plus de 400 entrées, à laquelle j’ai ajouté une étude qualitative portant sur les processus d’acquisition. Au cours de la recherche, certaines questions se sont imposées. Tout d’abord, celle concernant la temporalité des acquisitions, puisque la majorité d’œuvres y a été évidemment intégrée au long des années 1970 et 1980. Cette constatation conduit a une réflexion critique sur l’impact institutionnel réel de la célèbre exposition « Magiciens de la terre ». Ensuite, j’ai essayé de comprendre les spécificités de cette période et, à partir de diverses sources bibliographiques, j’ai conclu qu’une combinaison de variables la caractérisait. D’une part, la politique culturelle menée par le ministre de la culture Jack Lang, qui a triplé le budget du ministère, permettant une période d’abondance sans précédent. D’autre part, ces décennies ont été marquées par l’augmentation de la circulation d’artistes latino-américains qui ont effectué de longs séjours en France, spécialement à Paris. Parmi les raisons qui poussaient ces artistes vers la France, on met en relief le désir ou la nécessité de quitter leur pays d’origine à cause d’un contexte politique défavorable, marqué par des successifs coups d’État, surtout en Amérique du Sud. Ainsi, pendant une période où le gouvernement a augmenté l’acquisition d’œuvres, orientée par une politique qui privilégiait traditionnellement les artistes « présents » à Paris, une quantité expressive d’artistes latino-américains s’y retrouvaient. En reproduisant une logique typique aux situations d’exil, nombre d’entre eux se sont organisés pour promouvoir la construction des réseaux de solidarité qui, dans ce cas, avaient, aussi, l’objectif d’intégrer leurs productions au marché français. Pour ce faire, ils ont organisé des expositions et ils ont créé l’Espace latino-américain, qui a reçu le soutien du gouvernement de Mitterrand. Dans tous ces processus et actions, les femmes artistes semblaient ou du moins reléguées au deuxième rang.

En effet, toutes les acquisitions y répertoriées dont la provenance est attribuée au Salon d’Amérique latine ou à l’Espace latino-américain sont liées à des noms d’hommes. Mais des femmes artistes existaient. La recherche a également révélé qu’elles étaient présentes dans les catalogues d’importantes expositions de l’époque et que, d’après les rapports d’acquisition consultés, leurs noms y figuraient. A propos de cette identification, il faut souligner qu’elle était faite uniquement par leurs noms de famille, système qui pose des problèmes à nos analyses basées sur le genre, puisqu’il s’agit d’une identité révélée par le prénom. Cependant, si les hommes semblaient s’articuler en « collectifs », toutes les acquisitions d’œuvres réalisées par des femmes partaient d’initiatives individuelles, faites par les artistes elles-mêmes. Dans tous les cas analysés, les œuvres ont été proposées par les artistes femmes elles-mêmes, sans intermédiation de galeries, sans soutien institutionnel (comme dans le cas des hommes liés à l’Espace latino-américain) et sans présentation d’un membre du Comité de sélection du Cnap.

Pour comprendre ce processus, il m’a fallu plonger dans l’univers inconnu construit par les articulations entre genre et exil, c’est-à-dire la manière dont les hommes et les femmes latino-américains ont vécu différemment cette situation violente. Etablissant des dialogues avec une bibliographie spécifique à ce sujet, j’ai essayé de faire émerger des éléments de réflexions pour mettre en discussion, de manière plus spécifique, le cas des femmes artistes. Dans cet univers complexe, à mon avis, ces femmes n’avaient pas un espace confortable puisqu’elles n’ont pas été invitées à rejoindre équitablement les groupes artistiques d’exilés, presque tous masculins et sexistes. Il est important de pointer que certaines se considéraient comme des exilées, d’autres non. Certaines se reconnaissaient comme des latino-américaines, mais la majorité peut-être non. Certaines ont essayé de participer à des organisations féministes qui émergeaient en France, d’autres non. Tout ce qu’elles avaient en commun, c’était le désir de pouvoir exposer leur travail, de participer d’une certaine manière à ce système et d’être indépendantes. Cependant, comme l’ont montré les études féministes dans le domaine de l’art, l’une des raisons qui explique le manque de reconnaissance des femmes artistes est le fait que beaucoup d’entre elles ne se sont pas associées ou n’ont pas été reconnues comme membres de groupes artistiques, des sujets importants dans les récits qui structurent ce système. En empruntant l’expression de Gill Perry pour faire références aux modernistes, on pourrait dire que ces artistes se trouvaient au « bord » de l’avant-garde latino-américaine à Paris, c’est-à-dire en dans les rives. Aujourd’hui, regarder ces femmes, comprendre les processus d’acquisition de leurs œuvres, leurs trajectoires ou les significations de chacune de leurs productions est, je crois, une manière de contribuer à les faire connaître. Cela permet d’éclairer un chapitre fondamental, mais encore peu analysé, de la présence des artistes latino-américaines en France.

REMERCIEMENTS

Cette recherche est soutenue par l’Institut d’Études Avancées de Nantes et le CNPq (financement de productivité - procès 311313/2022-1). Je remercie à ces deux institutions pour ce soutien, indispensable au développement de ce travail. Je remercie également au Cnap, spécialement aux archivistes Christine Vellut et Juliette Lapize pour leur accueil professionnel et généreux.

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    Entrevistas

    • ALICIA Zadán con Jordi Batallé en RFI. [Paris: RFI], 6 set. 2016. 1 vídeo (21 min 40 s). Publicado pelo canal RFI Español. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/49dbMyO Acesso em: 3 nov. 2023.
      » https://bit.ly/49dbMyO
    • 1
      Sur ce sujet voir: Batista (2012BATISTA, Marta Rossetti. Os artistas brasileiros na escola de Paris: anos 1920. São Paulo: Editora 34, 2012.), Greet (2018GREET, Michele. Transatlantic Encounters: Latin American Artists in Paris between the Wars. New Haven: Yale University Press, 2018.) et Simioni (2022SIMIONI, Ana Paula Cavalcanti. Mulheres modernistas: trajetórias de consagração na arte brasileira. São Paulo: Edusp; FAPESP, 2022.).
    • 2
      Quemin (2013QUEMIN, Alain. Les Stars de L’Art Contemporain: notoriété et consécration artistiques dans les arts visuels. Paris: CNRS Éditions, 2013.).
    • 3
      Il s’agit de la poursuite et de l’actualisation de la recherche précédente à propos de la présence des artistes latino-américains dans le système international français à la première moitié du XXe siècle (Simioni, 2021SIMIONI, Ana Paula Cavalcanti. Artistas latino-americanos na Paris modernista: a difícil consagração. Anais do Museu Paulista, São Paulo, v. 29, e17, 2021. DOI: 10.1590/1982-02672021v29e17.
      https://doi.org/10.1590/1982-02672021v29...
      ).
    • 4
      . J’utiliserai ici la notion d’exil de Claudia Bolzman, selon laquelle « l’exil est l’obligation de quitter son pays suite à un contexte de violence politique et de chercher refuge dans le cadre d’un autre État pendant une période d’une durée imprévisible. Cette définition met en évidence les liens entre les dimensions macro et microsociales complexes » (Bolzman, 2010BOLZMAN, Claudia. Genèse et dynamique de transformation d’une communauté d’exilés: l’exemple des Chiliens en Suisse. In: GALLORO, P. (org.). L’Exil des sud américains en Europe francophone. Nancy: Presses Universitaires de Nancy, 2010., p. 31). De cette manière, j’inclus dans les analyses à la fois des artistes qui ont été officiellement exilés et ceux qui ont cherché d’autres moyens de s’éloigner de leur pays, soit avec leurs propres ressources, soit avec des bourses d’études. La question de l’exil est discutée par Jaremtchuk (2021JAREMTCHUK, Dária Gorete. ‘Artistic Exile’ and Professional Failure. Third Text, London, v. 35, n. 4, p. 499-515, 2021. DOI: 10.1080/09528822.2021.1944515.
      https://doi.org/10.1080/09528822.2021.19...
      ) dans la publication « Artistic Exile » and Professional Failure.
    • 5
      Guibault (1983GUILBAUT, Serge. How New York Stole the Idea of Modern Art: Abstract Expressionism, Freedom, and the Cold War. Chicago: The University of Chicago Press, 1983.).
    • 6
      Adrien, Pollet et Chênel (2019ADRIEN, Liberty; POLLET, Juliette; CHÊNEL, Marie. La Houle: une première recherche sur la place des femmes dans les collections du Centre national des arts plastiques . AWARE, Paris, 11 déc.2019. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3QJQIsM . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/3QJQIsM...
      ).
    • 7
      Bodet (2023BODET, Aude. Une Collection sans murs: la collection du Centre national des arts plastiques (Cnap). Paris: Atelier EXB, 2023., p. 9-10).
    • 8
      Casez (2021CAZES, Laurent. L’Internationalisation des expositions parisiennes et la crise du système du salon à la fin du XIX siècle. ILCEA, Grenoble, v. 44, 2021. DOI: 10.4000/ilcea.12449. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3MqfQ4Y . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/3MqfQ4Y...
      ).
    • 9
      Ibid.
    • 10
      Bodet, op. cit., p. 27.
    • 11
      Bodet, op. cit., p. 27.
    • 12
      A côté des achats et des commandes, il y a aussi les œuvres issues de dons et celles acquises dans le cadre du soutien aux producteurs en difficulté économique, c’est-à-dire la combinaison du mérite et de la bienfaisance. A la fin des années 1980, sous la direction de Dominique Bozo, la concession d’un soutien aux artistes en fonction des leurs besoins a été remise en cause pour valoriser les acquisitions au mérite, qui sont depuis lors majoritaires. Toutefois, dans des cas et des situations exceptionnelles, des assistances ont continué à être accordées. Sur ce sujet, vérifiez Bodet, op. cit.
    • 13
      Jeanpierre (2020JEANPIERRE, Laurent. Temps de l’art vivant de 1791 à nos jours: régimes d’historicité dans la collection nationale d’art de l’État français. In: JARRINGE, F ; Vincent, J. (org.). La Modernité dure longtemps. Paris: Éditions de la Sorbonne , 2020. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/46ZDeyz . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/46ZDeyz...
      ) et Moulin (2012 [1992]MOULIN, Raymond. L’Artiste, l’institution et le marché. Paris: Flammarion, 2012 [1992].).
    • 14
      On estime que plus d’un tiers des œuvres du Centre national des arts plastiques (Cnap) se trouvent dans la réserve technique de l’institution et sont donc peu accessibles au public.
    • 15
      . Selon la chercheuse, la collection compte environ 17 000 œuvres produits par des femmes, c’est-à-dire 14,2 % du total, mais ce pourcentage change considérablement au fil du temps. Par exemple, entre 1830 et 1860, la moyenne est de 16 % , dans les années 1930, elle atteint 15 %. Pendant le gouvernement de Vichy, ce chiffre tombe à 9,5 % et entre les années 1960 et 1980, il atteint 11 %. Entre 1968 et 1985, la moyenne monte à 18,6 %, avec le pic mentionné tombant à 4,6 % en 1988. Après 2000, la proportion est de 24 %, avec une performance très élevée en 2014, arrivant à 50 % d’œuvres féminines acquises. Voir Adrien (2019ADRIEN, Liberty; POLLET, Juliette; CHÊNEL, Marie. La Houle: une première recherche sur la place des femmes dans les collections du Centre national des arts plastiques . AWARE, Paris, 11 déc.2019. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3QJQIsM . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/3QJQIsM...
      ), Pollet et Chênel, op. cit.
    • 16
      Cela corrobore la perception tirée d’une analyse des acquisitions d’artistes latino-américains jusqu’en 1947 (Simioni, 2021SIMIONI, Ana Paula Cavalcanti. Artistas latino-americanos na Paris modernista: a difícil consagração. Anais do Museu Paulista, São Paulo, v. 29, e17, 2021. DOI: 10.1590/1982-02672021v29e17.
      https://doi.org/10.1590/1982-02672021v29...
      , op cit) selon laquelle moins de 10 % de ceux qui étaient en France pendant cette période ont réussi à faire entrer une œuvre dans une collection publique française, que ce soit par achat ou par don. (Simioni, 2021SIMIONI, Ana Paula Cavalcanti. Artistas latino-americanos na Paris modernista: a difícil consagração. Anais do Museu Paulista, São Paulo, v. 29, e17, 2021. DOI: 10.1590/1982-02672021v29e17.
      https://doi.org/10.1590/1982-02672021v29...
      , op cit).
    • 17
      Jeanpierre (2020JEANPIERRE, Laurent. Temps de l’art vivant de 1791 à nos jours: régimes d’historicité dans la collection nationale d’art de l’État français. In: JARRINGE, F ; Vincent, J. (org.). La Modernité dure longtemps. Paris: Éditions de la Sorbonne , 2020. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/46ZDeyz . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/46ZDeyz...
      , p. 11).
    • 18
      Grant (2022GRANT, Kelly-Christina. Artistes afro-américaines dans les collections publiques françaises: acquisitions des années 1970 à nos jours. AWARE, Paris, 5 mai 2022. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3spPg5b . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/3spPg5b...
      , p. 2).
    • 19
      . A propos de l’importance de la quantification des donnés chez les analyses féministes, voir Reilly (2015REILLY, Maura. Tanking the Measure of Sexism: Facts, Figures and Fixes. Artnews, New York, 26 May 2015.).
    • 20
      Carmen Perri a cinq œuvres et Maria Nunes del Prado en a une.
    • 21
      Sur la présence féminine globale à la base, voir Adrien, op. cit…
    • 22
      Bertrand-Dorléac (1995BERTRAND-DORLEAC, Laurence. De La France aux “Magiciens de la terre”: les artistes étrangers à Paris depuis 1945. In: MARÈS, Antoine; MILZA, Pierre (dir.). Le Paris des étrangers depuis 1945. Paris: Éditions de la Sorbonne, 1995. p. 403-428.).
    • 23
      Drugeon (2015DRUGEON, Fanny. Paris cosmopolite?: artistes étrangers à Paris, parcours 1945-1989. In: GARRIC, Jean-Philippe (org.). La Construction des patrimoines en question(s). Paris: Éditions de la Sorbonne , 2015. p. 161-181., note 44).
    • 24
      Corrêa (2021CORRÊA, Amélia Siegel: Brazilian Artists in “Magiciens de la terre” and the Challenges of Classifications. World Art, London, v. 11, n. 3, 2021. DOI: 10.1080/21500894.2021.1954545.
      https://doi.org/10.1080/21500894.2021.19...
      ).
    • 25
      Les conseils d’acquisition et de commande d’œuvres du Cnap ont changé au cours des années étudiées, mais ils sont généralement divisés en trois comités différents : Beaux-Arts ; Photographie et Arts Décoratifs/Design ; Métiers d’Art. Chaque commission se réunit deux ou trois fois par an, selon la période étudiée, pour discuter des propositions d’acquisition et de don et de commandes des œuvres. Les commissions sont composées de membres de droit et de personnalités qualifiées en fonction de leurs compétences dans les domaines spécifiques, choisis par le ministre de la Culture. Les membres de droit sont le directeur/la directrice du Cnap ou son représentant, qui préside la commission ; le directeur/la directrice général(e) de la création artistique ; le directeur/la directrice général(e) des patrimoines ou son représentant ; le directeur/la directrice du musée national d’Art moderne ; le/la chef de l’inspection artistique ou son représentant ; le/la responsable de la collection du Cnap. A ces postes s’ajoutent huit personnalités choisies en fonction de leurs compétences. Au cours de la période étudiée, la présence de personnalités remarquables est plus constamment observable dans les domaines suivants : production artistique, critique d’art, collectionneur, conservateur, galeriste, directeur de musée à l’étranger, etc. Pour une analyse des commissions, voir Moulin, op. cit. Sur les commissions de la Fédération nationale d’achats des cadres (Fnac), voir Moulin, op. cit. p. 102-103.
    • 26
      Dominique Bozo (1935-1993) a joué un rôle très important dans le domaine des musées français. Il a négocié la donation de la famille Picasso qui a conduit à la création du Musée Picasso, dont il a été le premier directeur dans les années 1970. Il a dirigé le Musée national d’Art moderne de 1981 à 1986 et l’a ouvert aux œuvres contemporaines, y compris celles d’artistes étrangers comme les Américains De Kooning et Pollock. Il a démissionné en 1986 pour protester contre les faibles ressources budgétaires. Cette année-là, il a été nommé délégué aux arts plastiques, poste qu’il a occupé jusqu’en 1991, lorsqu’il a pris la direction du Centre Georges Pompidou, dont il a été responsable jusqu’à sa mort en 1993. Sur le profil de sa direction, voir Moulin, op. cit. p. 135-6.
    • 27
      Dans le rapport on lit : « D. Bozo a fait état du souhait de la Direction des musées de France que le Fnac mène une politique concertée avec le MAAO pour l’achat d’œuvres contemporaines des régions concernées. La Commission a donné son accord pour mettre en œuvre une telle politique » (Rapports…, 1981-1989RELATÓRIOS do Comitê Consultivo de Criação Artística [Procès Verbal du Comité Consultatif de la Création Artistique]. Paris: Cnap , 1981-1989. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., réunion du 6 et du 7 de septembre 1987).
    • 28
      « Institut du monde arabe et Musée des arts africains et océaniens : Dans le cadre du développement de la politique à l’égard des musées, Dominique Bozo souhaiterait que l’on puisse effectuer des acquisitions destinées à ces deux institutions. Les dossiers seront examinés lors d’une prochaine séance afin de sélectionner des artistes qui complètent les collections déjà existantes » (Rapports…, 1981-1989RELATÓRIOS do Comitê Consultivo de Criação Artística [Procès Verbal du Comité Consultatif de la Création Artistique]. Paris: Cnap , 1981-1989. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., réunion du 7 septembre 1988).
    • 29
      En fait, dans aucun autre rapport ces données figurent décrites de manière analytique, en considérant des questions de genre, d’origine, de génération, etc. Ainsi, sous la direction de Bozo, l’évaluation des acquisitions était considérée comme pertinente pour le développement et l’amélioration des politiques de l’institution. Les comptes rendus précédents et postérieurs ne m’ont pas permis d’identifier des discussions équivalentes (Rapports…. 1981-1989RELATÓRIOS do Comitê Consultivo de Criação Artística [Procès Verbal du Comité Consultatif de la Création Artistique]. Paris: Cnap , 1981-1989. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine.).
    • 30
      Le rapport « Approche statistique des acquisitions destinées au Fonds national d’art contemporain, effectuées depuis le mois de mars 1988 » s’intéresse également aux questions de genre en mentionnant que « quant aux œuvres des femmes, elles ne sont guère abondantes sur ces listes d’acquisitions (23 sur la liste des rapporteurs, 6 sur la seconde liste). C’est la génération des 30/50 ans qui est toutefois la plus favorisée (11 artistes), alors que les plus de 50 ans ne sont plus qu’au nombre de 6 et les moins de 30 ans au nombre de 3. Les achats qui sont faits se répartissent très également entre les ateliers et les galeries » (Rapports…, 1981-1989RELATÓRIOS do Comitê Consultivo de Criação Artística [Procès Verbal du Comité Consultatif de la Création Artistique]. Paris: Cnap , 1981-1989. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., réunion du 7 septembre 1988, p. 7).
    • 31
      Critique d’art qui a participé à la commission en tant qu’inspecteur de l’enseignement artistique.
    • 32
      Rapports… (1990-1995RELATÓRIOS da Comissão de Compras, Artes Plásticas [Procès Verbal de la Comission d’Achat, Arts Plastiques) . Paris: Cnap , 1990-1995. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., p. 4).
    • 33
      Murphy (2013MURPHY, Maureen. Des “Magiciens de la terre”, à la globalisation du monde de l’art: retour sur une exposition historique. Critique d’art, Rennes, v. 41, printemps/eté 2013. DOI: 10.4000/critiquedart.8307.
      https://doi.org/10.4000/critiquedart.830...
      ).
    • 34
      La différence entre 410 et 414 peut être comprise du fait que certaines œuvres sont collectives.
    • 35
      Murphy, op. cit., p. 2.
    • 36
      Moulin, op. cit., p. 87-155.
    • 37
      Ibid., p. 131-145.
    • 38
      Rapports… (1981-1989RELATÓRIOS do Comitê Consultivo de Criação Artística [Procès Verbal du Comité Consultatif de la Création Artistique]. Paris: Cnap , 1981-1989. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., réunion du 2 et du 3 décembre 1981, p. 2). Le budget est passé de 3,2 millions de francs en 1981 à 10,7 millions en 1984.
    • 39
      Expression mobilisée par Severine Sofio (2016SOFIO, Séverine. Artistes femmes: la parenthèse enchantée, XVIII-XIXè siècles. Paris: CNRS Éditions , 2016.).
    • 40
      Jeapierre (2020, p. 21).
    • 41
      Selon Marina Franco (2011FRANCO, Marina. A “solidariedade” ante os exílios dos anos 1970: reflexões a partir do caso dos argentinos na França. In: QUADRAT, Samantha Viz (org.). Caminhos cruzados: história e memória dos exílios latino-americanos no século XX. Rio de Janeiro: Editora FGV, 2011.), les exils ont commencé plus tôt, en 1973, lorsque les forces paraétatiques ont commencé à commettre des attentats et des enlèvements, ainsi qu’à assassiner des opposants politiques. Dès lors, les Argentins ont commencé à chercher d’autres lieux de vie, un nombre qui a augmenté entre 1976 et 1978. On estime qu’entre 300 000 et 500 000 personnes ont pris le chemin de l’exil. Entre 2 000 et 2 500 d’entre elles se sont installées en France, la moitié bénéficiant du statut de réfugié accordé par le pays.
    • 42
      Franco (op. cit., p. 92).
    • 43
      Cette conjoncture politique a des impacts concrets aussi sur l’univers des artistes et sur les critères mobilisés tant par le videomuseum que par ma propre base. Le cas des Chiliens est révélateur. Dans une première liste, lorsqu’une seule nationalité est prise en compte, le nombre d’œuvres d’artistes chiliens est de 25, ce qui placerait le pays en huitième position dans la liste des artistes latino-américains les plus présents dans la collection. Cependant, si l’on prend en compte les nationalités multiples, c’est-à-dire ceux qui ont acquis une nationalité autre que celle de naissance (fréquente chez les exilés), le nombre s’élève à 71, ce qui place le pays au cinquième rang des pays les plus représentés (Gonzáles, 2007GONZALEZ, Olga L. La Présence latino-américaine en France. In: Hommes et migrations, n. 1270, p. 8-18, nov./déc. 2007. Migrations latino-américaines. DOI: 10.3406/homig.2007.4657.
      https://doi.org/10.3406/homig.2007.4657...
      ).
    • 44
      Sznajder (2011SZNAJDER, Mario. Os exílios latino-americanos. In: QUADRAT, Samantha Viz (org.). Caminhos cruzados: história e memória dos exílios latino-americanos no século XX. Rio de Janeiro: Editora FGV , 2011.).
    • 45
      Couto (2016COUTO, Maria de Fatima Morethy. Between Paris and London: Contacts and Exchanges of South American Artists in Europe (1950-1970). Artl@s Bulletin, , v. 5, p. 72-92, 2016.), Frérot (2014FRÉROT, Christine. Art et Amérique latine à Paris: l’espace latino-américain (1980-1993). Artelogie, Paris, v. 6, 2014. DOI: 10.4000/artelogie.1333. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3tVr2QX . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/3tVr2QX...
      ) et Planté (2013PLANTÉ, Isabel. Argentinos de París: arte y viajes culturales durante los años sesenta. Buenos Aires: Edhasa, 2013.).
    • 46
      Rapports… (1990-1995RELATÓRIOS da Comissão de Compras, Artes Plásticas [Procès Verbal de la Comission d’Achat, Arts Plastiques) . Paris: Cnap , 1990-1995. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., 1992, p. 24).
    • 47
      Voir Rolland et Touzalin (1981ROLLAND, Denis; TOUZALIN, Marie-Hélène. Un Miroir déformant?: les latino-américains à Paris depuis 1945. In: MARÈS, Antoine; MILZA, Pierre (dir.). Le Paris des étrangers depuis 1945. Paris: Éditions de la Sorbonne , 1981, p. 263-291.). Rappelons qu’après les manifestations de 1968, le gouvernement français a expulsé certains artistes latino-américains de son territoire pour avoir participé aux Ateliers Populaires, comme Julio Le Parc et Hugo Demarco, qui sont rentrés à Paris postérieurement. Sur ce sujet, voir Planté (2014PLANTÉ, Isabel. Between Paris and the “Third World”: Lea Lublin’s Long 1960s. Artl@s Bulletin , v. 3, n. 2, 2014. Article 4.).
    • 48
      Franco, op. cit., Galloro (2010GALLORO, P. (org.). L’Exil des sud américains en Europe francophone. Nancy: Presses Universitaires de Nancy , 2010.) et Goldberg-Salinas (2000GOLDBERG-SALINAS, Anette. Brésiliennes en exil. Les Cahiers du CEDREF, Paris, v. 8-9, 2000. DOI: 10.4000/cedref.186. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3s9ldPk . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/3s9ldPk...
      ).
    • 49
      Franco, op. cit. et Planté (2013PLANTÉ, Isabel. Argentinos de París: arte y viajes culturales durante los años sesenta. Buenos Aires: Edhasa, 2013.).
    • 50
      À partir des années 1990, le nombre d’Haïtiens augmente de façon considérable, passant en deuxième position devant les Argentins, les Chiliens, les Mexicains, etc., juste derrière les Brésiliens (ce qui est normal étant donné la taille et la population du Brésil sur le continent). Ces immigrés répondent à des impératifs économiques plus que culturels et, contrairement à la vague précédente, sont très peu visibles. A ce sujet, voir Rolland et Touzalin, op. cit.
    • 51
      Voir Yankelevich (2011YANKELEVICH, Pablo. Estudar o exílio. In: QUADRAT, Samantha V. (org.). Caminhos cruzados: história e memória dos exílios latino-americanos no século XX. Rio de Janeiro: Editora FGV , 2011.).
    • 52
      Rolland et T Touzalin, op. cit., p. 25.
    • 53
      Goldberg, op. cit., p. 3.
    • 54
      Franco, op. cit. et Galloro, op. cit.
    • 55
      Frérot, op. cit.
    • 56
      Le rapport de la Commission du 6 mai 1981 mentionne un travail présenté par Latin American Space for acquisition, qui a été évalué et approuvé par la Commission. Voir Rapports… (1981-1989RELATÓRIOS do Comitê Consultivo de Criação Artística [Procès Verbal du Comité Consultatif de la Création Artistique]. Paris: Cnap , 1981-1989. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., 6 mai 1981, p. 3).
    • 57
      Les images et l’oeuvre sont disponibles dans la base de données du Cnap. Disponible sur : https://bit.ly/48u3LUI.
    • 58
      Voir Dumont (2008DUMONT, Fabienne. Les Plasticiennes et le mouvement de libération des femmes dans l’entre-deux-mai français. Histoire de l’art, Paris, n. 63, p. 133-143, 2008. , p. 133-143).
    • 59
      Hoo Mojong (1924-2012) est né à Ningbo, en Chine. Elle s’est installée à São Paulo dans les années 1950 pour des raisons inconnues. En 1965, elle est partie à Paris et, en 2002, à Shanghai, où elle a vécu jusqu’à sa mort. Elle fait ses premières apparitions dans le monde de l’art au début des années 1960 à São Paulo et à Campinas. En France, elle participe à divers salons, notamment par le biais de la gravure. Dans la base de données du Cnap, selon le critère de la nationalité « brésilienne », elle est l’artiste la plus représentée, avec quatorze œuvres, alors qu’elle est ignorée du circuit brésilien.
    • 60
      Selon le recensement, 31 œuvres de femmes brésiliennes, argentines et mexicaines ont été acquises au cours des années 1980. Outre les deux mentionnées, le Cnap a conservé des œuvres de Martha Boto, Nelida Fedullo, Léonor Fini, Meta Mari-Carmen Hernandez, Graciela Iturbide, Ana Maria Luis-Cabeza, Cristina Martinez, Hoo Mojong, Alícia Penalba, Elisabeth de Portzamparc, Maria Simon, Virginia Tentindo et Alicia Zadán. Au cours de la même période, des œuvres des chiliennes Ester Chacon-Avila, Marta Colvin, Emma Malig et Gala Martinoia ont été acquises.
    • 61
      Orensanz (2023ORENSANZ, Marie; MESEIL, Hèlène. Marie Orensanz, entretien avec Hélène Meisel. Paris: Manuella, 2023. , p. 57).
    • 62
      La Galerie des Femmes, créée par Antoniette Fouque en 1981, était directement liée à la Librairie des Femmes, avec laquelle elle a partagé un espace situé à la Rue de Senne jusqu’en 1992. La facture de l’ouvrage d’Orensanz a été émise au nom de la librairie.
    • 63
      La réunion du Cnap du 24 juillet 1982 mentionne Orensanz parmi les artistes dont les œuvres ont été acquises.
    • 64
      Probablement à la base, l’œuvre s’intitule Modulation 452. Il s’agit d’une peinture acrylique sur toile, acquise en 1983 au Salon d’Amérique Latine. Voir Julio… ([2023]JULIO Le Parc, Modulation 452. Centre national des arts plastiques (Cnap) , Paris, [2023]. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3SsY9Ww . Acesso em: 3 nov. 2023.
      https://bit.ly/3SsY9Ww...
      ).
    • 65
      Elle n’a pas été trouvée dans la base de données, bien qu’elle figure dans la documentation.
    • 66
      Il s’agit d’un petit dessin, peu visible (pas d’exposition) (René…, [2023]RENÉ Zapata, Hamlet. Centre national des arts plastiques (Cnap) , Paris, [2023]. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3QIHPPS . Acesso em: 3 nov. 2023.
      https://bit.ly/3QIHPPS...
      ).
    • 67
      Bien qu’il figure dans le rapport, je n’ai pas pu le localiser dans la base de données.
    • 68
      Il s’agit du Portrait du nom Paris, une œuvre acrylique (Horacio…, [2023]HORACIO García Rossi, Portrait du nom de Paris. Centre national des arts plastiques (Cnap) , Paris, [2023]. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3QIEoZB . Acesso em: 3 nov. 2023.
      https://bit.ly/3QIEoZB...
      ).
    • 69
      Rapports… (1981-1989RELATÓRIOS do Comitê Consultivo de Criação Artística [Procès Verbal du Comité Consultatif de la Création Artistique]. Paris: Cnap , 1981-1989. Collection Centre national des arts plastiques (Cnap). Archives nationales (França), Pierrefitte-sur-Seine., réunion du 8 novembre 1982).
    • 70
      Il s’agit d’une peinture à huile sur toile, seule œuvre de l’artiste à la base, en dépôt au ministère des Affaires étrangères (Francisco… [2023]FRANCISCO Melo (Francisco de Assis Amorim de Melo, dit), Post atomicum. Centre national des arts plastiques (Cnap), Paris, [2023]. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3SwLsdj . Acesso em: 3 nov. 2023.
      https://bit.ly/3SwLsdj...
      ). Disponible sur : https://bit.ly/3SwLsdj.
    • 71
      Il s’agit probablement de Peuples de la terre des perroquets, peinture acquise en 1982 au Salon. Disponible sur : https://bit.ly/3wwShCy. Voir Netto… ([2023]NETTO (Gontran Guanaes-Netto, dit), Peuples de la terre de perroquets. Centre national des arts plastiques (Cnap) , Paris, [2023]. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/46VJZ4A . Acesso em: 3 nov. 2023.
      https://bit.ly/46VJZ4A...
      ).
    • 72
      Frérot, op. cit.
    • 73
      Alicia… (2016ALICIA Zadán con Jordi Batallé en RFI. [Paris: RFI], 6 set. 2016. 1 vídeo (21 min 40 s). Publicado pelo canal RFI Español. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/49dbMyO . Acesso em: 3 nov. 2023.
      https://bit.ly/49dbMyO...
      ).
    • 74
      Planté (2014PLANTÉ, Isabel. Between Paris and the “Third World”: Lea Lublin’s Long 1960s. Artl@s Bulletin , v. 3, n. 2, 2014. Article 4.).
    • 75
      Aucune des œuvres de Lygia Clark n’a été acquise par le Cnap et sort donc du cadre de cet article. Rappelons toutefois que trois de ses œuvres sont présentes dans les collections françaises, l’une au Musée de Grenoble, l’autre au Centre Pompidou et la troisième au Musée de Nantes.
    • 76
      A l’original en portugais: « Nos víamos sempre, passamos a ser amigas e frequentar nossos ateliês. […] Por intermédio de Julio Le Parc conheci o pessoal da Robho, mas não fiz parte do grupo (venho da pintura expressionista e da figuração). Encontrava-os sempre nas festas. Aquele, aliás, foi um momento formidável em que as festas e encontros entre artistas eram constantes. ». Lublin citée dans Ferreira (1999FERREIRA, Gloria. Fazer de dois um multiplica o rir: depoimentos sobre Lygia Clark em Paris. Arte e Ensaio, Rio de Janeiro, v. 6, n. 6, 1999., p. 74, italique de l’auteur).
    • 77
      A ce sujet, voir l’entretien de l’artiste : Lublin (1977LUBLIN, Lea. La Créativité ou les organes invisibles. Sorcières: les femmes vivent, Paris, n. 10, p. 46-50, 1977. L’Art et les femmes. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/45SDjCN . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/45SDjCN...
      , p. 46-50).
    • 78
      Voir Planté (2013PLANTÉ, Isabel. Argentinos de París: arte y viajes culturales durante los años sesenta. Buenos Aires: Edhasa, 2013.).
    • 79
      A l’original en espagnol : « Un factor que posiblement lo explique es que las mujeres tienden a aislarse, mientras que los varones trabajan en equipo », Giunta (2018GIUNTA, Andrea. Feminismo y arte latinoamericano: historias de artistas que emanciparon el cuerpo. Buenos Aires: Siglo XXI, 2018., p. 44).
    • 80
      Heinich (2005HEINICH, Nathalie. L’Elite artiste: excellence et singularité en régime démocratique. Paris: Gallimard, 2005.) et Williams (1999Williams, Raymond. A fração Bloomsbury. Plural, São Paulo, n.6, p.139-168, 1.sem. 1999.).
    • 81
      Bourdieu (1999BOURDIEU, Pierre. As regras da arte: gênese e criação do campo literário. São Paulo: Companhia das Letras, 1999.).
    • 82
      Gill (1995GILL, Perry. Women Artists and The Parisian Avant-Garde. Manchester: Manchester University Press, 1995.).
    • 83
      Mayayo (2002MAYAYO, Patricia. Louise Bourgeois. San Sebastián: Nerea, 2002., 2016MAYAYO, Patricia. Historias de mujeres, historias del arte. Madrid: Cátedra, 2016.).
    • 84
      Orensanz, op. cit., p. 48.
    • 85
      Orensanz, op. cit., p. 88.
    • 86
      Conformément le témoignage de Cybèle Varela et Gretta Sarfaty à Ana Paula Cavalcanti Simioni en mai 2023.
    • 87
      Jaremtchuck (2016JAREMTCHUK, Dária Gorete. “Exílio artístico” e fracasso profissional: artistas brasileiros em Nova York nas décadas de 1960 e 1970. ARS, São Paulo, v. 14, n. 28, p. 283-297, 2016. DOI: 10.11606/issn.2178-0447.ars.2016.124997.
      https://doi.org/10.11606/issn.2178-0447....
      , 2021JAREMTCHUK, Dária Gorete. ‘Artistic Exile’ and Professional Failure. Third Text, London, v. 35, n. 4, p. 499-515, 2021. DOI: 10.1080/09528822.2021.1944515.
      https://doi.org/10.1080/09528822.2021.19...
      ).
    • 88
      En ce qui concerne l’expérience d’exil pour les femmes, le passage suivant est assez éclairant : « Mais en ce qui concerne les femmes, ce deuxième exil se transforme souvent en cauchemar. En plus de tous les problèmes qu’elles avaient déjà dû affronter au Chili, elles doivent supporter la baisse du niveau de vie et de statut social du groupe familial, puisque le statut de réfugiées politiques ne les distinguait pas fondamentalement des travailleurs immigrés d’origine modeste. Ayant de grandes difficultés d’expression et de communication, pour certaines même le fait d’avoir des diplômes n’aide pas beaucoup car il faut souvent recommencer à zéro après des procédures d’équivalence éprouvantes. Les amitiés sont difficiles à établir, les codes de la vie quotidienne difficiles à maîtriser. Comme leur passé politique n’existait pas ou était jugé sans importance à côté de celui de leurs camarades, les mêmes possibilités professionnelles ne leur étaient pas automatiquement ouvertes, et comme il fallait gagner de l’argent pour survivre dans ce pays où le coût de vie était très élevé, les exilées se voient contraintes à chercher des emplois non qualifiés. C’est ainsi que plusieurs titulaires de diplômes supérieurs deviennent femmes de ménage et baby-sitters pour le compte de femmes françaises (quelquefois membres d’organisations politiques), secrétaires, vendeuses et ouvrières. […] Ne pouvant plus compter sur d’autres figures féminines pour les seconder dans leurs tâches d’épouses et de mères, et ne bénéficiant plus de leurs privilèges de classe leur permettant d’embaucher des domestiques et d’acheter tous les biens matériels auxquels elles étaient habituées, elles prennent conscience des asymétries basées sur les différences sexuelles » (Goldberg-Salinas, 2000GOLDBERG-SALINAS, Anette. Brésiliennes en exil. Les Cahiers du CEDREF, Paris, v. 8-9, 2000. DOI: 10.4000/cedref.186. Disponível em: Disponível em: https://bit.ly/3s9ldPk . Acesso em: 1 nov. 2023.
      https://bit.ly/3s9ldPk...
      , p. 6-7).
    • 89
      Garcia (2010GARCIA, Yvette Marcela. Les Itinéraires des chiliens exilés en France. In: GALLORO, P. (org.). L’Exil des sud américains en Europe francophone. Nancy: Presses Universitaires de Nancy , 2010.).
    • 90
      Sarti (2001SARTI, Cynthia A. Feminismo e contexto: lições do caso brasileiro. Cadernos Pagu, Campinas, v. 16, p. 31-48, 2001. DOI: 10.1590/S0104-83332001000100003.
      https://doi.org/10.1590/S0104-8333200100...
      ).
    • 91
      Ibid.
    • 92
      Goldberg-Salinas, op. cit., p. 5.
    • 93
      Frérot, op. cit.

    Publication Dates

    • Publication in this collection
      15 Apr 2024
    • Date of issue
      2024

    History

    • Received
      14 July 2023
    • Accepted
      11 Oct 2023
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