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De la clase à la population chez Foucault : considérations sur une fausse alternative

Da classe à população em Foucault: considerações sobre uma falsa alternativa

From class to population in Foucault: considerations on a false alternative

Résumé

Cet article se propose d'interroger l'introduction du problème de la population chez Foucault à la mesure que celle-ci met en jeu les analyses précédentes qui considéraient les notions de plèbe et de classe comme un collectif destinataire de techniques de pouvoir et de savoir. Au début des années 1970, les analyses de Foucault sur la notion de pouvoir considéraient une multitude d'hommes en tant que plèbe et classe. À partir du développement des notions de gouvernementalité et de biopolitique, cette multiplicité d'hommes ne commence à être analysée qu'à partir de la notion de population dans une tentative de Foucault de se débarrasser de la notion de classe. Nous essayons, donc, de montrer que le passage de la notion de classe à la notion de population transforme la manière dont ce sujet collectif était jusqu'alors abordé, ce qui n'est pas sans produire des effets critiques sur les analyses précédentes sur le dispositif de sexualité et le pouvoir disciplinaire où la notion de classe jouait un rôle déterminant.

Mots-clé :
Population; Classe; Gouvernementalité; Foucault

Resumo

O presente artigo procura tratar da introdução do problema da população à medida em que esta coloca em jogo as análises precedentes que consideravam as noções de plebe e de classe enquanto coletivo destinatário de técnicas de poder e saber. No início da década de 1970, as análises de Foucault sobre a noção de poder consideravam uma multitude de homens enquanto plebe e classe. Com o desenvolvimento das noções de governamentalidade e de biopolítica, essa multiplicidade de homens passa a ser analisada somente a partir da noção de população em uma tentativa de Foucault de se desvencilhar da noção de classe. Com isso, procuramos mostrar que a passagem da noção de classe à noção de população transforma a abordagem desse sujeito coletivo, o que não deixa de produzir efeitos críticos sobre as análises anteriores a respeito do dispositivo de sexualidade e do poder disciplinar onde a noção de classe desempenhava uma função determinante.

Palavras-chave:
População; Classe; Governamentalidade; Foucault

Abstract

The present article pursuit to address the introduction of the problem of population as it puts into play previous analyzes that considered the notions of plebs and class as recipient collective of techniques of power and knowledge. At the beginning of the 1970s, Foucault's analyzes of the notion of power considered a multitude of men as plebs and classes. With the development of the notions of governmentality and biopolitics, this multiplicity of men begins to be analyzed only from the notion of population, in Foucault's attempt to free himself from the notion of class. Thereat, we intent to show that the transition from the notion of class to the notion of population transforms the approach to this collective subject, which does not fail to produce critical effects on previous analyzes regarding the device of sexuality and disciplinary power where the notion of class played a decisive role.

Keywords:
Population; Class; Governmentality; Foucault

Introduction

À partir de la seconde moitié des années 1970, l'introduction des notions de gouvernement, de biopouvoir et de gouvernementalité réoriente l'analytique du pouvoir foucaldienne. Les hypothèses soulevées à partir de la publication de La volonté de savoir et, principalement, dans Sécurité, territoire, population, sont formulées à travers des variations dans les analyses de Foucault qui mettent en évidence les difficultés à élaborer une nouvelle conception des rapports de pouvoir en tenant compte du problème de l'État et des formes de résistance qui s'effectuent à travers un rapport à soi. Dans cette perspective, on voit émerger un nouveau sujet politique dans les analyses de Foucault, à savoir la population.

À la suite de l'introduction du problème de la population, la question qui se pose est de savoir quelle est la place qu'une multiplicité d'hommes peut occuper dans cette nouvelle analyse et quels avantages ou inconvénients ce nouveau personnage collectif peut apporter au déroulement de l'analyse foucaldienne. Par la suite, il sera question de nous interroger sur les différentes formes qu'un collectif d'hommes peut prendre à partir du moment où ce collectif est le destinataire de techniques de pouvoir et de savoir qui cherchent à le réguler ou à le conduire. En questionnant l'usage de la notion de peuple chez Foucault, Michel Senellart, fait remarquer une hésitation du philosophe français entre, d'abord, le terme de plèbe puis le concept de population (Senellart, 2003SENELLART, M. Michel Foucault : plèbe, peuple, population. In: CHÊNE, J.et al., La tentation populiste au coeur de l'Europe. Paris: Recherches, La Découverte, 2003.). Dans cet article, nous souhaitons ajouter au débat la notion de classe, importante pour l'analyse de Foucault des tactiques pénales dans le cadre du pouvoir disciplinaire, marqué par la logique de l'affrontement, jusqu'en 1976. En posant de telles questions, il faut considérer les implications que ces notions peuvent avoir lorsqu'on nomme une multitude d'hommes en tant que plèbe, classe et population, et quels effets elles peuvent produire dans le cadre d’une analyse qui passe du pouvoir au gouvernement.

Plèbe et classe dans la première moitié des années 1970

Le terme « plèbe » est utilisé dans Théories et institutions pénales et La Société punitive, en tant que foyer d'agitation et cible d'un système de surveillance et de répression pénale. Alors que la plèbe était considérée, dans son cours de 1972, comme une partie dangereuse de la population, une puissance insurrectionnelle qu'il fallait contrôler par un appareil répressif et par l'introduction d'une contradiction entre plèbe prolétaire et plèbe délinquante, dans son cours de 1973, la plèbe est considérée comme le foyer d’illégalismes qui menaçait la concentration de la richesse bourgeoise. De plus, dans les analyses de Foucault, le terme de plèbe est préférable aux notions de prolétariat et de lumprolétariat, notions trop marquées par l'interprétation marxiste des relations entre pouvoir et État. La pertinence de cette notion était qu'elle permettait à Foucault de montrer que la plèbe non prolétarisée était aussi la cible d'un pouvoir disciplinaire qui avait comme condition de fonctionnement la division et l'opposition sociale. Mais, après son cours de 1973, le terme plèbe est très rarement utilisée à quelques exceptions près, comme dans Surveiller et punir, où la plèbe désigne exclusivement l'image que la bourgeoisie se fait du peuple comme collectif potentiellement insurgé.

Présente dans ses cours de 1972 et 1973 à côté de la notion de plèbe, la notion de classe semble caractériser le peuple en tant que sujet politique. Dans ces deux cours, la notion de classe en vient à exprimer un certain groupe d'individus qui opèrent à l'intérieur d'une lutte politique autour du pouvoir. De cette manière, une certaine classe agit stratégiquement pour assujettir une autre classe, tout comme la classe visée par cette stratégie cherche à lui échapper ou à la contester. Dans La Société punitive, c'est l'exemple de la guerre civile qui est privilégié comme modèle des tactiques de lutte autour ou contre le pouvoir. En ce sens, il n'y a pas de guerre civile autre que l'affrontement d'éléments collectifs dans lesquels "ce sont toujours des groupes en tant que groupes qui sont les acteurs de la guerre civile" (Foucault, 2013FOUCAULT, M. La Société punitive. Cours au Collège de France (1972-1973). Paris : Le seuil- Gallimard, « Hautes Études », 2013., p. 30). C'est ici que Foucault marque son désaccord avec la notion hobbesienne de guerre civile. Contrairement à la notion hobbesienne, la guerre civile ne dissout pas le social, elle met en scène les éléments collectifs et les constitue, à partir même de cet affrontement, en groupes d'intérêts, classes sociales ou communautés idéologiques. Tel est le cas de la paysannerie, étudiée par Foucault au cours précédent, et qui s'est constituée à la fin du Moyen Âge, à partir des soulèvements populaires qui se sont étendus jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, comme une classe paysanne qui gagne en cohésion dans le processus de la guerre civile.

Avec le développement du capitalisme au milieu du XVIIIe siècle, nous assistons à une transformation des tactiques de pouvoir due à la nouvelle organisation du système productif et au déplacement de la population vers les grandes villes. Cette nouvelle configuration transforme les espaces territoriaux. L'investissement du capital dans les machines et la concentration des marchandises dans les docks et entrepôts fixe la richesse et l'expose à un certain nombre de risques, tandis qu'une masse de la population a tendance à se concentrer, de manière désorganisée, dans un centre urbain, sans qu'elle puisse être encadrée par des institutions et des organisations qui l’assimilent. C'est là que la notion de classe jouera un rôle crucial dans cette nouvelle configuration. La concentration de la population autour d'une richesse bourgeoise, exposée au risque de déprédation et de vol, est ce qui rend nécessaire le contrôle moral et disciplinaire d'une classe que Foucault appelle « basse classe ». La « basse classe » désigne « les pauvres qui travaillent », « la classe ouvrière en train de se former ». C'est donc un contrôle exercé par une classe sur l'autre :

Ce sont les classes les plus élevées, en tant qu'elles contrôlent le pouvoir, qui sont porteuses de cette exigence, tandis que les classes laborieuses et les plus basses deviennent le point d'application de cette moralisation de la pénalité (Foucault, 2013FOUCAULT, M. La Société punitive. Cours au Collège de France (1972-1973). Paris : Le seuil- Gallimard, « Hautes Études », 2013., p. 111).

À l'inverse, dans Les anormaux et La volonté de savoir, la notion de classe apparaît au sein de la « nouvelle technologie du sexe » qui s'applique d'abord à la famille bourgeoise avant d'atteindre la classe ouvrière. Selon Foucault, les classes populaires ont longtemps échappé au dispositif de sexualité, car : « Plutôt que d'une répression sur le sexe des classes à exploiter, il fut d'abord question du corps, de la vigueur, de la longévité, de la progéniture, et de la descendance des classes qui 'dominaient' » (Foucault, 2015a, p. 707). Dans Il faut défendre la Société, cours dédié à la généalogie du discours de la guerre et de la lutte, Foucault revient plusieurs fois sur la question de la classe et de la lutte de classe, mais pour s'affranchir de cette notion, car elle contenait dans sa logique de la contradiction la réconciliation et la fin de l'affrontement. C'est précisément dans le cours de 1976 que la notion de population apparaît comme objet de pouvoir.

C'est vers la fin du cours que l'on voit la population apparaître comme une espèce vivante dans un milieu. Ce nouveau personnage, cible d'une nouvelle technique de gouvernement appelée biopolitique, réoriente les analyses de Foucault. Ainsi, entre une analyse qui part du pouvoir et se déplace vers une analyse du gouvernement, il se produit un changement qui passe de la plèbe et la classe à la population. En ce sens, quelles seraient les implications d'un tel changement de perspective analytique ? S'agit-il de deux analyses différentes, mais complémentaires, ou d'un changement d'interprétation dans lequel la notion de population remplacerait les termes de plèbe et de classe ? De plus, l'analyse des formes de gouvernement, associée à l'introduction de la notion de population, n'entraînerait-elle pas l'abandon d'une idée de politique dissociée de la logique de l'affrontement ?

Biopolitique et population

À la fin du XVIIIe siècle, nous assistons au développement d'une nouvelle technologie du pouvoir qui, contrairement à la discipline, s'adresse à la multiplicité des hommes en tant que masse globale affectée par des processus caractéristiques de la vie, tels que la naissance, la maladie et la mort. Elle s'intéresse aux phénomènes qui, considérés individuellement, sont inconstants et aléatoires, mais qui, pris dans un ensemble d'individus répartis dans une période déterminée, présentent une certaine fréquence et régularité. Cette nouvelle technologie du pouvoir que Foucault appelle le bio-pouvoir, s'intéresse toujours à l'homme en tant qu'espèce dans son milieu. Autrement dit, le milieu dans la mesure où l'homme vit dans un espace avec lequel il maintient une relation de changement constant et qui, dans le cadre du bio-pouvoir, s'intéresse surtout aux effets de la ville. En conséquence, il ne s'agit pas de considérer le rapport individu-société comme l'objet de ce bio-pouvoir, comme l'idée de société civile, ni comme l'individu-corps, objet du pouvoir disciplinaire. « C'est un nouveau corps : corps multiple, corps à nombre de têtes, sinon infini du moins pas nécessairement dénombrable. C'est la notion de 'population' » (Foucault, 1997, p. 218). Ce que le biopouvoir cherche à faire, c'est de réguler la vie afin de gérer ses accidents, éventualités et carences. C'est un pouvoir qui cherche à maximiser les forces de la vie, à prolonger sa durée et à augmenter ses possibilités. Le grand contraste de ce pouvoir avec le pouvoir de type souverain est qu'il « fait vivre et ne laisse pas mourir », c'est-à-dire qu'en régulant les phénomènes qui affectent la population, ce pouvoir cherche à réduire la probabilité de mort autant que possible. Car la mort est précisément le moment où le bio-pouvoir n'agit pas, elle est située à son extrémité, elle est ce qui échappe à son domaine. Par conséquent, il y a un renversement dans l'exercice du pouvoir car le pouvoir souverain pourrait « faire mourir et laisser vivre »; le pouvoir sur la mort étant l'un des privilèges caractéristiques du pouvoir du souverain.

Dans La volonté de savoir, Foucault caractérise le bio-pouvoir et l'émergence de la population de manière similaire au cours de 1976. À cette occasion, Foucault souligne l'importance de l'articulation entre pouvoir disciplinaire et bio-pouvoir pour le développement du capitalisme. En ce sens, tout comme les techniques du pouvoir disciplinaire étaient essentielles pour l'amélioration du système capitaliste, le biopouvoir était également indispensable à son développement : « celui-ci n'a pu être assuré qu'au prix de l'insertion contrôlée des corps dans l'appareil de production et moyennant un ajustement des phénomènes de population aux processus économiques » (Foucault, 2015a, p. 720). Par conséquent, si le capitalisme avait besoin d'utiliser des techniques de docilité corporelle, il avait besoin, en même temps, de méthodes capables d'augmenter les forces disponibles. En outre, en plus de contribuer au développement et au soutien des relations de production capitalistes, les deux pouvoirs ont favorisé la ségrégation et la hiérarchie sociales, assurant des relations de domination et d'hégémonie.

C'est dans Sécurité, territoire, population que le problème de la population se transforme et est lié au libéralisme. Dans ce contexte, la population n'est pas décrite uniquement en termes biologiques comme une espèce vivante dans un milieu. Car à partir du XVIIIe siècle, la population commence à être considérée non comme un ensemble de sujets de droit qui doivent obéir à la volonté du souverain, comme ce fut le cas dans le discours mercantiliste, mais comme un ensemble de phénomènes vitaux qui devraient être administrés. Dans le même temps, la population est considérée comme un ensemble d'habitudes, de comportements et de conduites qui varient selon la logique de l'intérêt. De cette manière, si le rapport de la population avec le souverain n'est plus de l'ordre de l'obéissance, c'est que, en tant qu'objet, la population n'est pas totalement manipulable, de même qu'elle ne peut être pleinement connue. Cela signifie aussi que, contrairement au pouvoir disciplinaire, qui a le corps pour objet, et qui cherche à tout réglementer de manière à ce que le moindre détail n'échappe pas à la discipline, la population et le biopouvoir qui agit sur lui ne visent pas un contrôle infinitésimal. La population posera donc un problème pour l'action politique, puisque c'est la nature de la population qui définira l'action gouvernementale; cela signifie que gouverner, c'est gouverner selon une série de lois statistiques qui incluent la régulation de la circulation des personnes, de l'immigration, de la mortalité et des taux de natalité. Tel est, par exemple, le cas de la pénurie alimentaire qui était un problème de survie pour le peuple et un problème d'administration pour le souverain. Selon Foucault, la solution au problème de la pénurie alimentaire a été conçue afin d'essayer de saisir le comportement économique de la population, avec l'objectif ultime de contrôler la révolte urbaine. Foucault cite en exemple la solution donnée par le physiocrate Abeille, qui a défendu la réduction de l'intervention de l'État sur le marché pour sortir du problème de la disette. Au fond, l'effort d'Abeille était de créer une césure au sein de la gestion économique qui permettrait l'existence d'un niveau pertinent de la population et d'un niveau non pertinent. Autrement dit :

On va avoir une césure absolument fondamentale entre le niveau pertinent pour l'action économico-politique du gouvernement, et ce niveau, c'est celui de la population, et un autre niveau, qui va être celui de la série, de la multiplicité des individus qui, lui, ne va pas être pertinent ou plutôt ne sera pertinent que dans la mesure où, géré comme il faut, maintenu comme il faut, encouragé comme il faut, il va permettre ce qu'on veut obtenir au niveau qui, lui est pertinent (Foucault, 2004, p. 44).

Selon Foucault, la population comme sujet politique apparaît dans cette césure où elle est à la fois objet et sujet: objet, puisque c'est sur elle que se dirigent les mécanismes pour obtenir un effet donné, et sujet, puisque c'est à elle qu'on demande de se comporter d'une certaine manière. Le problème est donc de savoir : comment gouverner la population de telle sorte qu'on puisse en extraire certains comportements ?

Dans le contexte de la régulation de la population, les mécanismes de sécurité qui cherchent à conduire le comportement de la population ne le font pas par quelque chose qui serait de l'ordre de l'interdit et de l'obligatoire. C'est plutôt ce que les physiocrates appelaient la physique, ce que l'on peut appeler comme naturel ou simplement « éléments de réalité ». En d'autres termes, prendre un événement tel que la rareté des céréales comme un phénomène naturel et, à partir de là, le délimiter à des niveaux acceptables au lieu d'imposer une obligation ou un obstacle aux producteurs de blé.

Le fait que la population soit soumise à une somme de variables signifie qu'elle ne peut pas être totalement transparente à l'action du souverain. Cependant, selon Foucault, les premiers théoriciens de la population du XVIIIe siècle reconnaissent un invariant qui « fait que la population prise dans son ensemble a et n'a qu'un seul moteur d'action » (Foucault, 2004, p.74). Ce moteur d'action est le désir, c'est celui pour lequel tous les individus vont agir et contre lequel rien ne peut être fait. Sur la base de cette donnée « naturelle » qu'est le désir, le gouvernement doit créer les conditions de l'intérêt collectif, c'est-à-dire laisser agir le désir jusqu'à ce qu'il finisse par produire l'intérêt général de la population. C'est donc tout le contraire de la conception éthico-juridique de l'exercice de la souveraineté, selon laquelle l'exercice du souverain doit être « capable de dire non au désir de tout individu, le problème étant de savoir comment ce 'non' opposé au désir des individus peut être légitime et fondé sur la volonté même des individus » (FOUCAULT, 2004, p. 75). Enfin, si l'action du gouvernement se concentre sur le comportement de la population, visant d'une certaine manière à changer certains comportements au profit de l'intérêt collectif, alors cette action sera d'autant plus efficace qu'elle se retiendra et laissera aux sujets individuels et collectifs une certaine liberté d'action. En d'autres termes, l'action gouvernementale promeut la gestion de la liberté selon le principe de la limitation de l'intervention de l'État et de la liberté de l'intérêt privé.

Liberté néolibérale et attitude critique

À ce moment, la liberté devient le corrélatif des dispositifs de sécurité de la gouvernementalité de l'Etat. Selon Foucault, la liberté acquiert alors le sens de la possibilité de déplacement, de mouvement, de circulation des choses et des personnes. L'année suivante, dans le cours Naissance de la biopolitique, le problème de la liberté est abordé de deux manières, la voie révolutionnaire des droits de l'homme contre le pouvoir étatique et la voie utilitaire, comme l'indépendance des gouvernés vis-à-vis des gouvernants. Nous sommes, donc, confrontés à une nouvelle conception de la liberté. Selon Foucault :

la liberté dans le régime du libéralisme n'est pas une donnée [...] Le libéralisme, c'est ce qui se propose de la fabriquer à chaque instant, de la susciter et de la produire avec bien entendu [tout l'ensemble] de contraintes, de problèmes de coût que pose cette fabrication » (Foucault, 2004bFOUCAULT, M. Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979). Paris : Le seuil- Gallimard, « Hautes Études », 2004b., p. 66).

En d'autres termes, la question de la liberté dans le libéralisme est bien plus de savoir comment gérer la liberté de comportement que de laisser cette liberté circuler spontanément. Par conséquent, le néolibéralisme ne promeut pas une politique de laissez-faire passif; il s'agit d'une politique active pour construire les conditions sociales et individuelles des comportements, afin qu'elles soient régulées en fonction des comportements économiques (Cf. Jeanpierre, 2007JEANPIERRE, L. Qui a éteint la démocratie ? In : BROWN, W. Les habits neufs de la politique mondiale. Paris : Les Prairies ordinaires, 2007., p. 15). Le problème qui résulte de cette transformation par laquelle passe la notion de liberté est que, une fois que la liberté devient l'objet de la gouvernementalité libérale, elle rend inefficaces les résistances qui pouvaient auparavant s'opposer aux abus du pouvoir souverain au nom des droits fondamentaux. En effet, le libéralisme refuse dans un premier temps la liberté en tant que catégorie universelle « qui présenterait, à travers le temps, un accomplissement progressif ou des variations quantitatives ou des amputations plus ou moins graves, des occultations plus ou moins importantes » (Foucault, 2004bFOUCAULT, M. Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979). Paris : Le seuil- Gallimard, « Hautes Études », 2004b., p. 64). De plus, si le libéralisme, qui vise à gérer le comportement des individus, prend comme principe la liberté du marché en tant que régulateur étatique, ainsi, au lieu d'être la cause et la source, l'État est bien plus l'effet de ce type de gouvernement (Cf. Laval, 2018LAVAL, C. Foucault, Bourdieu et la question néolibérale. Paris : La découverte, 2018., p. 29). Alors, comment penser une possibilité de résistance face à un type de pouvoir qui vise à gérer même la liberté qu'il reconnaît et prétend respecter ? Foucault a semblé esquisser la réponse à cette question à travers ce qu'il a appelé « attitude critique ».

Lors d'une conférence en 1978, Qu'est-ce que la critique ?, Foucault définit l'idée de critique comme un art, l'art de n'être pas tellement gouverné. Si la gouvernementalité est caractérisée comme un art de conduire la conduite des individus, l'attitude critique se pose comme contrepartie, voire comme un opposant aux arts du gouvernement; elle se positionne comme celui qui cherche à transformer ces arts pour refuser ou limiter ce qui peut y être indésirable ou intolérable. En ce sens, il ne s'agit pas d'un refus absolu de ne pas être gouverné, mais, fondé sur le refus de certains aspects de la façon dont on est gouverné, de chercher à limiter et déplacer les formes de gouvernement. Le refus d'un certain aspect de la manière dont nous sommes gouvernés peut se faire à travers une critique réfléchie que Foucault formule dans les termes suivants:

Et si la gouvernementalisation, c'est bien ce mouvement par lequel il s’agissait dans la réalité même d’une pratique sociale d'assujettir les individus par des mécanismes de pouvoir qui se réclament d’une vérité, eh bien, je dirais que la critique, c’est le mouvement par lequel le sujet se donne le droit d’interroger la vérité sur ses effets de pouvoir et le pouvoir sur ses discours de vérité; la critique, ce sera l’art de l’inservitude volontaire, celui de l'indocilité réfléchie (Foucault, 2015bFOUCAULT, M. Qu’est-ce que la critique ? suivi de La culture de soi. Paris : Vrin, « Foucault inédit », 2015b., p. 39).

Par conséquent, le refus se fait à partir d'un mouvement qui part de l'assujettissement, qui constitue l'individu. Il se détache en quelque sorte de cette sujétion, et de là il est possible à la subjectivité d'atteindre une réflexion autonome. La contre-conduite représente donc une forme d'attitude critique qui exprime la volonté de ne pas être ainsi gouverné. Dans ses manifestations historiques telles que les résistances anti-pastorales, communautaires, ascétiques et mystiques, elles expriment le désir d'être dirigés par d'autres conducteurs ou pasteurs, la direction dans laquelle les individus veulent être conduits, ainsi que les objectifs et les voies du salut, à travers d’autres méthodes et pratiques. En somme, le refus de la manière dont nous sommes gouvernés et l'élaboration d'une attitude critique comprennent donc les manières dont il est possible d'imposer un autre mode de gouvernement dans cette relation entre gouvernants et gouvernés et de dénoncer les excès de gouvernementalité. Il faut aussi noter que l'attitude critique, comme le souligne Foucault, peut être à la fois individuelle et collective. Ce qui implique la question de savoir comment cette attitude critique peut se rassembler et, ainsi, organiser la critique des excès du gouvernement : « est-ce qu'il ne faut pas interroger maintenant ce que serait la volonté de n' être pas gouverné ainsi, comme cela, etc., aussi bien sous sa forme individuelle d'expérience que sous la forme collective? » (Foucault, 2015b, p. 66). Car c'est précisément la question qui était à l’origine de l'analyse de la révolution iranienne qui, rappelons-le, date de la même période où l'objet population apparaît dans les analyses de Foucault.

À propos des écrits de Foucault sur le soulèvement iranien, Judith Revel observe que lorsque le philosophe français se réfère au « peuple » iranien insurgé, la question centrale est de savoir :

si le propre d’une révolution est de produire un peuple (en tant que sujet unifié), ou si c’est précisément cette unification qui entraîne les processus révolutionnaires vers l’instauration de pouvoirs constitués - pouvoirs constitués qui, après avoir été l’expression d’un contre-pouvoir puissant et en acte, deviennent fatalementun autrepouvoir (Revel, 2017REVEL, J. Qu’est-ce qu’un moment révolutionnaire ? « Intolérable », exposition de soi et virtualité. CCCCT Seminar Series « Uprising 13/13 », 13 décembre 2017. Consultable en ligne : http://blogs.law.columbia.edu/uprising1313/judith-revel-quest-ce-quun-moment-revolutionnaire-intolerable-exposition-de-soi-et-virtualite/
http://blogs.law.columbia.edu/uprising13...
, n.p).

Le problème qui résulte de cette formulation est que si le peuple ne précède jamais l'expérience historique, il est « paradoxalement le produit » de l'événement révolutionnaire. Philippe Sabot, quant à lui, observe que les analyses de Foucault sur le soulèvement ne cherchent pas à rendre compte des processus de constitution d'un « nous ». La question pour Foucault ne serait donc pas : comment se rassembler en un « nous » ? Car :

Au fond, tout se passe comme si un « nous » était déjà donné (...) et qu’il se manifestait dans l’histoire à l’occasion de ces mobilisations, soulèvements, insurrections qui, en un sens, 'donnent forme à l’impatience de la liberté' mais qui ne rendent pas compte clairement des processus de formation de ces collectifs (Sabot, 2019SABOT, P. De Foucault à Butler, en passant par Sartre : l'impossibilité du « nous » ? Revista de Filosofia Aurora, v. 31, n. 52, p. 8-31, jan./abr. 2019. DOI : https://doi.org/10.7213/1980.5934.31.052.DS01.
https://doi.org/10.7213/1980.5934.31.052...
, p. 10).

Si la question de la limite des formes de gouvernement ne doit pas être dissociée d'une attitude critique, individuelle ou collective, comme le précise Foucault, la révolte pourrait bien être l'une de ses formes :

si on explorait cette dimension de la critique, est-ce qu'on ne serait pas renvoyé comme socle de l'attitude critique à quelque chose qui serait ou la pratique historique de la révolte, de la non-acceptation d'un gouvernement réel, d'une part, ou, d'autre part, l'expérience individuelle du refus de la gouvernementalité? (FOUCAULT, 2015bFOUCAULT, M. Qu’est-ce que la critique ? suivi de La culture de soi. Paris : Vrin, « Foucault inédit », 2015b., 65).

Cependant, Foucault reste vague sur la manière dont cette attitude critique peut se rassembler et prendre la forme d'une révolte. De plus, le problème de la possibilité d'organiser une attitude critique renvoie à un problème de nature théorique; lorsque Foucault pensait le pouvoir en termes d'affrontement et la lutte autour du pouvoir était basée sur le schéma de la guerre civile, comme ce fut le cas dans La Société punitive, les conditions de la possibilité de l'émergence d'un collectif et d'une action collective organisée pouvaient surgir de la lutte à l'intérieur de la guerre civile. En ce sens, le changement de perspective par rapport au pouvoir, c'est-à-dire de l'idée d'un pouvoir agonistique à la notion de gouvernementalité, a non seulement provoqué un changement de sujet politique (de la classe à la population), mais aussi négligé l'idée même de stratégie, très importante pour la notion de guerre civile et pour la constitution des éléments collectifs présents dans la société.

Population x classe

Considérons désormais la notion de classe afin d'aborder une question qui nous paraît fondamentale pour comprendre les enjeux politiques qu’implique la notion de population. Dans son cours de l'année 1978, Foucault constate que le problème de la population était au centre du débat de l'économie politique jusqu'au XIXe siècle; l'opposition entre Malthus et Marx en serait l'exemple le plus notable. Selon Foucault, le thème de la population avait été pensé par Malthus comme un problème de bio-économie, tandis que Marx aurait contourné ce problème pour écarter la notion même de population. Ce détournement opéré par Marx l'aurait conduit au problème historico-politique de la classe, de l'affrontement et de la lutte de classe. De là, une cassure se produit :

ou la population ou les classes, et c'est là où s'est faite la fracture, à partir d'une pensée économique, d'une pensée de l'économie politique qui n'avait été possible comme pensée que dans la mesure où le sujet-population avait été introduit (Foucault, 2004aFOUCAULT, M. Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-1978). Paris : Le seuil- Gallimard, « Hautes Études », 2004a., 79).

Cependant, l'idée que Marx aurait contourné le problème de la population en la remplaçant par la notion de classe au profit d'une analyse strictement économique ne semble pas prendre en compte l'étude que fait le philosophe allemand de la surpopulation relative dans Le capital.

Le problème de la classe chez Marx est en quelque sorte lié à l'idée de « loi de population » et, principalement, à la notion de « surpopulation relative ». Le processus d'accumulation capitaliste produit du travail salarié et une population ouvrière dont il a besoin et qui varie selon le degré de développement et d'organisation de la production. Dans ce schéma, chaque mode de production élabore sa loi de population, avec une relation spécifique entre population et surpopulation qui, à son tour, change selon le stade de l'accumulation primitive. L'accumulation capitaliste produit également une population ouvrière supplémentaire : « une population ouvrière excédentaire relative, excédentaire par rapport aux besoins moyens de valorisation du capital et donc superflue » (Marx, 1993, p.706). Dans ce système, la surpopulation est l'excédent de la population ouvrière, disponible aux besoins variables de l'expansion du capital, mais exclu du rapport salarial et soumise à la dévalorisation de la force de travail et au chômage structurel. Un tel excédent de population ne peut pas être compris comme un effet indésirable de l'expansion du capital, mais précisément sa condition d'existence. Guillaume Sibertin-Blanc voit dans les aspects et le rôle de la notion de surpopulation un certain « foucaldisme anticipé de Marx ». Sous cet angle, Marx aurait indiqué une loi « biopolitique » du capital basée sur la gestion de la surpopulation promue par l'Etat à travers, par exemple, les institutions de répression et les systèmes assurantiels. De sorte que :

La loi marxienne de surpopulation relative peut donc être lue dans les deux sens : elle est une expression théorique parmi d'autres de cette rationalité biopolitique dont Foucault analyse la généalogie ; mais elle peut aussi être entendue comme la raison de cette rationalité elle-même, au sens où une gouvernementalité biopolitique n'a pu conditionner le développement du capitalisme, comme le répète Foucault de 1972 à 1976, que sous la contrainte de la loi de surpopulation relative, ou sous sa condition (Sibertin-Blanc, 2015, p. 237).

De 1972 à 1976, Foucault cherche à montrer précisément que l'inclusion de la population dans une discipline de travail à travers, par exemple, des institutions telles que les workhouses et les institutions de séquestration, s'inscrit dans une stratégie de classe dirigée vers la population ouvrière. Ce n'est qu'après la publication de La volonté de savoir, c'est-à-dire à partir de 1976, que le pouvoir disciplinaire et biopolitique apparaissent entrecroisés. Car il ne faut pas oublier qu'avec l'apparition de la biopolitique, il ne s'agit pas pour Foucault de remplacer le pouvoir disciplinaire par un gouvernement basé sur la biopolitique. Les deux coexistent, mais fonctionnent dans des domaines différents. Le pouvoir disciplinaire est la forme de pouvoir propre à l'organisation de la production, qui fonctionne au sein d'institutions d'enfermement telles que l'usine et l'école. Le gouvernement qui se développe avec le libéralisme, en revanche, se réfère à la circulation des hommes et des choses dans un espace ouvert qu'est la société (Cf. Laval, 2018LAVAL, C. Foucault, Bourdieu et la question néolibérale. Paris : La découverte, 2018., p. 43). Lorsque Foucault aborde le problème de la population dans Il faut défendre la Société, il cherche à montrer que le pouvoir qui gère la population agit à un niveau différent, mais concomitant, du pouvoir disciplinaire. Ainsi, Foucault a choisi comme exemple la cité ouvrière dans laquelle les deux pouvoirs exerçaient des fonctions différentes, qu'il s'agisse du pouvoir disciplinaire, au niveau des corps, par la disposition des familles et des individus dans des maisons à séparations spécifiques, ou du biopouvoir, par la ségrégation opérée par la localisation des cités ouvrières et le contrôle d'hygiène mis en place grâce à cette séparation. Dans La volonté de savoir, l'articulation entre la biopolitique et le problème que l'on peut appeler l'accumulation des corps productifs avait été mise en évidence encore plus clairement. Car c'est à cette occasion que Foucault montre que c'est précisément à travers l'analyse de l'économie politique de la population que les observations sur le sexe et les conduites sexuelles se forment à la limite entre le biologique et l'économique (Foucault, 2015a, p. 634). Ce qu'il faut bien noter, et que Sibertin-Blanc observe aussi, c'est que cette articulation entre pouvoir disciplinaire et bio-pouvoir produit une différenciation dans la population qui est fondamentale pour comprendre à la fois les stratégies qui visent à la docilisation des corps, ainsi que les stratégies qui ont l'intention de gérer une multiplicité d'hommes. Ainsi, si nous regardons les caractéristiques de la surpopulation telles qu'elles sont décrites par Marx, nous verrons que la différenciation provoquée par le système de production capitaliste produit un conflit important: c'est précisément son caractère excédent qui est un facteur déterminant pour l'organisation de la lutte de classe prolétarienne. La différenciation entre les prolétaires et la surpopulation relative se transforme donc en stratégie d'union de classe :

dès que les travailleurs percent [...] le degré d'intensité de la concurrence qu'ils se font entre eux dépend lui-même entièrement de la pression exercée par la surpopulation relative ; dès qu'ils essaient d'organiser, par des trade-unions par exemple, une action planifiée commune aux travailleurs occupés et aux travailleurs inoccupés, pour briser ou affaiblir les conséquences funestes sur leur classe de cette loi naturelle de la production capitaliste, aussitôt le capitaliste et son sycophante de l'économie politique crient à la violation de la loi « éternelle » [...]" (Marx, 1993MARX, K. Le capital I. Paris : PUF, 1993., p. 718).

Loi sacrée et éternelle qui, observe Marx, est la loi de l'offre et de la demande. Ainsi, la différenciation que produit le rapport de production capitaliste à partir de la prolétarisation de la population est présentée par le discours de l'économie politique comme une règle naturelle de population. Ou alors, comme l'observe Luca Paltrinieri, « si l'on veut dire la chose avec des termes foucaldiens, c'est un mode de gouvernement du travail par la division et la concurrence, qui empêche donc l'unification de la classe » (Paltrinieri, 2014, p. 12).

En différenciant ce qu'il prolétarise, le système de production capitaliste favorise une distinction au sein même de la surpopulation, à partir de laquelle sa gestion est également différenciée. Si dans la relation entre les gouvernants et les gouvernés, entre la population et l'Etat gouvernementalisé, les stratégies gouvernementales se font, entre autres, à travers un ensemble de données matérielles analysées statistiquement, c'est-à-dire entre les nombres d'habitants d'une ville, le taux de natalité et de mortalité, le taux d'espérance de vie, etc., il ne faut pas oublier que la manière dont ces données sont analysées prescrit également la forme de gestion de la population. Néanmoins, il est certain que la population n'est pas une probabilité statistique homogène. Marx a pu se rendre compte de ce facteur à partir de ses analyses de la loi de population et des enquêtes menées au sein de la classe ouvrière. En effet, selon le philosophe allemand, la consommation de la force de travail par le capital se fait rapidement en raison des conditions de travail elles-mêmes. C'est pourquoi : « C'est précisément chez les travailleurs de la grande industrie que l'on rencontre la plus courte espérance de vie » (Marx, 1993, p. 720). Pour illustrer cette situation, Marx cite les données apportées par le maire de Birmingham lors d'une conférence sanitaire en 1875. À l'occasion, le maire a présenté les statistiques recueillies par un responsable de la santé publique qui prouvait le fait que la durée de vie moyenne de la classe aisée était de 35 à 38 ans, alors que l'espérance de vie de la classe ouvrière était de 15 à 17 ans. Dans ces circonstances :

la croissance absolue de cette fraction du prolétariat requiert une forme telle que ses effectifs puissent grossir bien que ses éléments s'usent rapidement. Réponse : relève rapide des générations ouvrières. (La même loi n'est pas valable pour les autres classes de la population) (Marx, 1993MARX, K. Le capital I. Paris : PUF, 1993., p. 720).

D'autre part, Guillaume Sibertin Blanc cherche à approcher l'idée de Marx de surpopulation relative, notamment une partie de la surpopulation que Marx appelle « poids mort de la réserve », des formes de suspension des soins biopolitiques de la population. Car, la surpopulation tend à se rapprocher de l'exclusion biopolitique absolue. Dans ce sens :

On sera d'autant plus sensible au fait que les sites politiques de la critique de Malthus se trouvent dans cette intensification de la contradiction interne à la rationalité biopolitique : là où il n'y a pas "articulation" entre anatomo-politique disciplinaire des corps productifs et biopolitique régulatrice des populations naissantes et mourantes (Sibertin-Blanc, 2015SIBERTIN-BLANC, G. Race, population, classe: discours historico-politique et biopolitique du capital de Foucault à Marx. In: LAVAL, C. Marx & Foucault: lectures, usages, confrontations. Paris: Éditions La Découverte, 2015., p. 240).

Cette partie de la surpopulation que Marx appelle le « poids mort de la réserve » ne peut être confondue avec le Lumpenproletariat; elle se trouve dans les sphères inférieures du paupérisme, constituées de ceux qui sont aptes au travail, des orphelins et des enfants des démunis et de ceux qui ne peuvent plus travailler en raison des conséquences causées par les conditions dans les usines. C'est cette population qui se trouve dans un « vide » biopolitique et qui est exposée à la faim, aux crises épidémiques et à la violence dans les rues. Comment, donc, Foucault peut-il expliquer la contradiction au sein de la biopolitique qui permet de laisser mourir une partie de la population ? C'est justement à partir d'un discours historico-politique, le discours de la guerre des races analysé dans Il faut défendre la Société, qui permet au biopouvoir d'exposer ses propres citoyens à la mort à travers la division de la population qui s'opère au niveau biologique ou racial. De cette manière, la distinction des races établit une hiérarchie et une qualification de certaines races comme bonnes ou inférieures, et de cette distinction se produit une relation de type guerrier : « si tu veux vivre, il faut que l'autre meure » (Foucault, 1997, p. 227-228). Mais :

si ce mécanisme peut jouer, c'est que les ennemis qu'il s'agit de supprimer, ce ne sont pas les adversaires au sens politique du terme ; ce sont les dangers, externes ou internes, par rapport à la population et pour la population » (Foucault, 1997FOUCAULT, M. Il faut défendre la Société. Cours au Collège de France (1975-1976). Paris : Le seuil- Gallimard, « Hautes Études », 1997., p. 228).

Dans la caractérisation de ce discours par Foucault, il s'agit bien plus d'une relation de type biologique, qui établit la race inférieure comme anormale ou dégénérée, et qui comprend que la mort de l'autre n'est pas quelque chose de l'ordre de la sécurité personnelle, mais ce qui va rendre la vie en général plus saine et plus pure. Plus tard, en choisissant de privilégier une analyse de l'émergence de la population basée sur le discours économique classique dans le cours Sécurité, territoire, population, Foucault s'éloigne du problème de la contradiction présent au sein de la biopolitique. L'analyse historico-politique de la guerre des races avait l'avantage de mettre en évidence, à travers les luttes politiques présentes dans le discours historique, la dispute existant dans cette contradiction, au sein même de l'émergence de la population. De plus, dans Il faut défendre la Société, la population apparaissait comme un sujet politique qui, à travers le discours de la guerre des races, compris plus tard comme champ discursif de la nation et de la lutte de classe, cherchait à conquérir la sphère étatique et à construire sa propre conception de la nation1 1 Sur ce sujet, voir la lecture du texte de Sieyès par Foucault au cours du 10 mars 1976 dans Il faut défendre la Société. Voir également la thèse de Luca Paltriniei, Naissance de la population : nature, raison, pouvoir chez Foucault, thèse de doctorat en philosophie soutenue à l'Université de Pise le 18 décembre 2009. .

L'analyse généalogique que Foucault entreprend dans le cours Sécurité, territoire, population montre le caractère conflictuel de la constitution de la notion de population2 2 C'est le cas, par exemple, de l'analyse du texte sur la régulation des céréales du physiocrate Abeille, dans lequel Foucault explique qu'il ne placera pas ce texte dans une archéologie du savoir. Il note que son intérêt est de l'analyser à partir d'une généalogie des technologies du pouvoir. De cette façon, il croit pouvoir : « reconstituer le fonctionnement du texte en function non pas des règles de formation de ces concepts, mais des objectifs, des stratégies auxquelles il obéit et des programmations d'action politique qu'il suggère » (Foucault, 2004a, p. 38). . Mais, comme mentionné ci-dessus, le conflit présenté dans cette constitution ne renvoie à aucun moment à la catégorie de classe, comme on le voit dans l'analyse de la population de Marx. Or, selon Luca Paltrinieri, l'exclusion du terme « classe » dans le cours de 1978 est remarquable, puisque Foucault avait utilisé le terme dans La volonté de savoir à propos du problème de la population et du dispositif de la sexualité. À cette occasion, la moralisation biopolitique sur le dispositif de sexualité se faisait encore en termes de classe :

S'il est vrai que la « sexualité », c'est l'ensemble des effets produits dans les corps, les comportements, les rapports sociaux par un certain dispositif relevant d'une technologie politique complexe, il faut reconnaître que ce dispositif ne joue pas de façon symétrique ici et là, qu'il n'y produit donc pas les mêmes effets. Il faut donc revenir à des formulations depuis longtemps décriées ; il faut dire qu'il y a une sexualité bourgeoise, qu'il y a des sexualités de classe. Ou plutôt que la sexualité est originairement, historiquement bourgeoise et qu'elle induit, dans ses déplacements successifs et ses transpositions, des effets de classe spécifiques (Foucault, 2015aFOUCAULT, M. Histoire de la sexualité I : la volonté de savoir. In : Oeuvres complètes II. Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2015a., p. 711).

Dans Sécurité, territoire, population, le problème de la population n'est plus considéré par rapport à la catégorie de classe, ce qui conduit Paltrinieri à observer que cette élision du terme représente un contre-sens, car « penser les problèmes de population sans la sexualité au 18ème c'est comme penser le capital sans les classes » (Paltrinieri, 2014PALTRINIERI, L. Ou la population ou les classes. Archéologie du débat Marx-Malthus. Exposé présenté le 17 mai 2014 au séminaire « Politiques de Foucault » à l'Université de Paris Ouest - Nanterre). Consultable en ligne: https://www.academia.edu/7719487/_Ou_la_population_ou_les_classes_arch%C3%A9ologie_du_d%C3%A9bat_Marx_Malthus_s%C3%A9minaire_Politiques_de_Foucault_Universit%C3%A9_de_Paris_Ouest_Nanterre_17_mai_2014
https://www.academia.edu/7719487/_Ou_la_...
, p. 23). Cette élision laisse de côté une part importante du débat Malthus x Marx, étant donné que les solutions malthusiennes au problème de la croissance démographique suggéraient la régulation de la population ouvrière par la contraception. Par conséquent, le coût de mener une analyse de la population qui ne considère pas le problème de la classe et des stratégies politiques de classe est de supprimer et de négliger une partie importante du débat historique sur l'apparition de la population comme un problème. La tentative de se débarrasser de la logique simpliste de la classe a été faite à partir d'une analytique du pouvoir, qui a montré le caractère relationnel, pluraliste et instable de ces relations3 3 Il faut noter que la critique de Foucault du double caractère des rapports de force est beaucoup plus dirigée contre le marxisme que contre Marx lui-même. Cela se voit lors de la conférence de Foucault intitulée Les mailles du pouvoir. Cf. Les mailles du pouvoir In: Dits et écrits II. Paris : Quarto Gallimard, 2001. p. 1005-1006. . En ce sens, l'intérêt de Foucault pour la lutte de classe s'était, jusqu'en 1976, centré beaucoup plus sur l'idée de lutte et son aspect stratégique que sur le sens même de l'idée de classe. Ainsi, si Foucault affirme que ce qui l'intéresse est la méthode stratégique de la lutte4 4 Comme ce fut le cas dans La Société punitive, où l'analyse des tactiques pénales et pénitentiaires dépendait de la notion de classe. C'est pourquoi l'hypothèse selon laquelle l'insertion du pénitentiaire dans les pratiques pénales aurait fait son apparition dans des sociétés d'ordre moral et dans le contrôle politique de la population est pensée selon la logique de la stratégie de classe. Dans la mesure où, le déplacement de la population et son exposition à la matérialité de la richesse, condition rendue possible par le développement du système productif capitaliste, exigeait, d'une part, le contrôle moral de la classe ouvrière et, d'autre part, la fixation de cette classe à l'appareil de production. Selon Foucault, ce contrôle s'exercerait « d'une classe sur l'autre » (Cf. Foucault, 2013, p. 152). Cette dimension stratégique de la classe a vu son importance diminuée depuis la publication de Surveiller et Punir. , il reste à voir comment l'analyse des nouvelles formes de pouvoir, qui a la population pour objet et le gouvernement des hommes comme moyen d'intervention, peut contribuer à une stratégie de lutte qui n'ait pas la perspective de classe comme axe central. De plus, en abandonnant la notion de classe, Foucault perd de vue précisément ce caractère stratégique que Marx pouvait voir dans le rapport entre la production d'une surpopulation et la stratégie d'organisation de classe résultant de cette production.

Dans le cours de l'année 1978, il s'agissait de faire le diagnostic le plus juste du présent du pouvoir (Laval, 2018LAVAL, C. Foucault, Bourdieu et la question néolibérale. Paris : La découverte, 2018., p. 32). Ce diagnostic ne peut être écarté du moment de crise du marxisme français et de l'utilisation de la catégorie de classe dans les débats politiques dans le contexte de la guerre froide. La prise en compte de ce contexte est importante pour comprendre la pertinence et les enjeux politiques autour de la notion de classe dans la période. Avec le changement du scénario actuel, certaines analyses tentent de rendre compte des problèmes que le néolibéralisme pose aujourd'hui aux sociétés modernes en cherchant dans un renouveau du marxisme une réponse possible5 5 Cf. David Harvey, A brief history of neoliberalism, Oxford University Press, 2007. Gérard Dumenil; Dominique Lévy, The Crisis of Neoliberalism, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, Londres, 2011. . De plus, les nouvelles transformations que le néolibéralisme provoque dans la conception de travail, à travers la concurrence et l'idée de capital humain, transformant les travailleurs en entrepreneurs, tend à masquer les nouvelles formes d'exploitation et à annuler l'association et l'organisation des travailleurs. Par conséquent, la pertinence de la question de la population par rapport à celle des classes ne peut être considérée comme résolue ou dépassée. Enfin, malgré les efforts pour comprendre les nouvelles pratiques et les nouveaux modes de réflexion de l'exercice du gouvernement présents dans la rationalité libérale et néolibérale, il reste encore des niveaux déterminants qui échappent au diagnostic de Foucault. Les analyses de Foucault n'ont pas pris en compte les conséquences du néolibéralisme sur la démocratie libérale et les changements que la gouvernementalité néolibérale a opéré dans l'imaginaire démocratique et dans sa définition même, c'est-à-dire, celle de la démocratie comme le pouvoir du peuple. Dans ce sens, la sphère du politique change complètement en faveur d'une idéologie du marché où l'idée d'une communauté de citoyens perd son potentiel émancipateur liée au principe d'égalité, ainsi que les possibilités d'un pouvoir populaire organisé. Une analyse qui prendrait en compte ces questions pourrait examiner l'expansion du discours de l'économie de marché dans les institutions publiques, ainsi que réfléchir aux conséquences du récent processus de dé-démocratisation que traversent aujourd'hui de nombreuses démocraties libérales6 6 Concernant le thème des transformations dans l'imaginaire démocratique du néolibéralisme, cf. Wendy Brown, Undoing the demos, Zone Books, 2015. Le sociologue anglais Colin Crouch préfère le terme post-démocratie. Selon Crouch, la démocratie conteste les privilèges de classe au nom des classes subordonnées, tandis que la post-démocratie nie l'existence de privilèges et de la subordination. Cf. Colin Crouch, Post-democracy, Polity Press, Cambridge 2005, 59. Cf. aussi Pierre Dardot; Christian Laval, Ce cauchemar qui n'en finit pas: comment le néolibéralisme défait la démocratie, La découverte, 2016. .

Références

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  • FOUCAULT, M. Histoire de la sexualité I : la volonté de savoir. In : Oeuvres complètes II. Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2015a.
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  • 1
    Sur ce sujet, voir la lecture du texte de Sieyès par Foucault au cours du 10 mars 1976 dans Il faut défendre la Société. Voir également la thèse de Luca Paltriniei, Naissance de la population : nature, raison, pouvoir chez Foucault, thèse de doctorat en philosophie soutenue à l'Université de Pise le 18 décembre 2009.
  • 2
    C'est le cas, par exemple, de l'analyse du texte sur la régulation des céréales du physiocrate Abeille, dans lequel Foucault explique qu'il ne placera pas ce texte dans une archéologie du savoir. Il note que son intérêt est de l'analyser à partir d'une généalogie des technologies du pouvoir. De cette façon, il croit pouvoir : « reconstituer le fonctionnement du texte en function non pas des règles de formation de ces concepts, mais des objectifs, des stratégies auxquelles il obéit et des programmations d'action politique qu'il suggère » (Foucault, 2004a, p. 38).
  • 3
    Il faut noter que la critique de Foucault du double caractère des rapports de force est beaucoup plus dirigée contre le marxisme que contre Marx lui-même. Cela se voit lors de la conférence de Foucault intitulée Les mailles du pouvoir. Cf. Les mailles du pouvoir In: Dits et écrits II. Paris : Quarto Gallimard, 2001. p. 1005-1006.
  • 4
    Comme ce fut le cas dans La Société punitive, où l'analyse des tactiques pénales et pénitentiaires dépendait de la notion de classe. C'est pourquoi l'hypothèse selon laquelle l'insertion du pénitentiaire dans les pratiques pénales aurait fait son apparition dans des sociétés d'ordre moral et dans le contrôle politique de la population est pensée selon la logique de la stratégie de classe. Dans la mesure où, le déplacement de la population et son exposition à la matérialité de la richesse, condition rendue possible par le développement du système productif capitaliste, exigeait, d'une part, le contrôle moral de la classe ouvrière et, d'autre part, la fixation de cette classe à l'appareil de production. Selon Foucault, ce contrôle s'exercerait « d'une classe sur l'autre » (Cf. Foucault, 2013FOUCAULT, M. La Société punitive. Cours au Collège de France (1972-1973). Paris : Le seuil- Gallimard, « Hautes Études », 2013., p. 152). Cette dimension stratégique de la classe a vu son importance diminuée depuis la publication de Surveiller et Punir.
  • 5
    Cf. David Harvey, A brief history of neoliberalism, Oxford University Press, 2007. Gérard Dumenil; Dominique Lévy, The Crisis of Neoliberalism, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, Londres, 2011.
  • 6
    Concernant le thème des transformations dans l'imaginaire démocratique du néolibéralisme, cf. Wendy Brown, Undoing the demos, Zone Books, 2015. Le sociologue anglais Colin Crouch préfère le terme post-démocratie. Selon Crouch, la démocratie conteste les privilèges de classe au nom des classes subordonnées, tandis que la post-démocratie nie l'existence de privilèges et de la subordination. Cf. Colin Crouch, Post-democracy, Polity Press, Cambridge 2005, 59. Cf. aussi Pierre Dardot; Christian Laval, Ce cauchemar qui n'en finit pas: comment le néolibéralisme défait la démocratie, La découverte, 2016.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    12 Feb 2024
  • Date of issue
    2024

History

  • Received
    24 Mar 2021
  • Accepted
    03 Dec 2023
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