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Quel est le rôle de la connaissance dans l'action publique?

Abstracts

Neste artigo, propomos analisar o papel do conhecimento na acção pública, adoptando uma perspectiva que se afasta quer da ideia que o conhecimento é um mero instrumento nas mãos dos actores mais poderosos, quer, ao contrário, que é uma maneira eficaz de evitar a predominância dos interesses e das ideologias. O nosso quadro conceptual começa com a análise do conhecimento usado para colocar problemas ou apresentar recomendações no topo da agenda. A circulação desse conhecimento é entendida como sendo estruturada por circuitos de conhecimento, mais ou menos estáveis. Esses circuitos são vistos como um dos quatro factores que estruturam o que acontece em cada uma das cenas, várias e interligadas, que estão envolvidas no processo de acção pública. Este quadro teórico ajuda a analisar não só os estudos de caso específicos, mas também as variações do lugar ocupado pelo conhecimento, em função do tempo, dos países e dos sectores em que se exerce a acção pública.

Acção pública; Circuito de conhecimento; Conhecimento; Interdependência; Paradigma


In this paper, we try to analyze the role of knowledge in public action without regarding knowledge as a simple instrument in the hands of the more powerful actors or, on the contrary, as an efficient way to avoid the predominance of interests and ideologies. Our conceptual thought starts with an analysis of the knowledge used to put problems and recommendations at the front of the agenda. The circulation of this knowledge is believed as structured by more or less stable knowledge circuits of knowledge. Those circuits are seen as one of the four factors structuring what happens in each of the numerous and interlinked scenes involved in the public action process. This theoretical schema helps to analyze specific case studies, but also variations of the place of knowledge according to time, countries and sectors.

Public action; Circuit of knowledge; Knowledge; Interdependence; Paradigm


Quel est le rôle de la connaissance dans l'action publique?

What is the role of the knowledge in the public action?

Bernard Delvaux

Sociologue et chercheur dans le Groupe Interfacultaire de Recherche sur les Systèmes d'Éducation et de Formation (girsef) da Université Catholique de Louvain (Belgique) e coordinateur du Projet Knowandpol. E-mail: Bernard.Delvaux@uclouvain.be

RÉSUMÉ: Dans cet article, nous évitons de considérer la connaissance comme un simple instrument du pouvoir ou, à l'inverse, comme un antidote efficace aux intérêts et aux croyances. Les processus de problématisation et de préconisation, à la fois intensifs en connaissance et essentiels dans la dynamique de l'action publique, constituent le point de départ de notre réflexion. Les caractéristiques des connaissances mobilisées dans ces processus sont ensuite décrites, de même que sont analysés les acteurs qui commandent, fabriquent et font circuler ces connaissances dans le cadre de circuits plus ou moins stables. Nous considérons ensuite ces circuits comme l'un des facteurs structurant les actions déployées sur les différentes scènes interdépendantes impliquées dans le déroulement de l'action publique. Le schéma théorique ainsi élaboré peut servir de cadre pour des études de cas. Il permet aussi d'étudier comment varie dans le temps, mais aussi selon les pays et les secteurs, la configuration des facteurs structurels, et dès lors le rôle de la connaissance dans l'action publique.

Mots-clés: Action publique. Circuits de connaissance. Connaissance. Interdépendance. Paradigme.

ABSTRACT: In this paper, we try to analyze the role of knowledge in public action without regarding knowledge as a simple instrument in the hands of the more powerful actors or, on the contrary, as an efficient way to avoid the predominance of interests and ideologies. Our conceptual thought starts with an analysis of the knowledge used to put problems and recommendations at the front of the agenda. The circulation of this knowledge is believed as structured by more or less stable knowledge circuits of knowledge. Those circuits are seen as one of the four factors structuring what happens in each of the numerous and interlinked scenes involved in the public action process. This theoretical schema helps to analyze specific case studies, but also variations of the place of knowledge according to time, countries and sectors.

Key words: Public action. Circuit of knowledge. Knowledge. Interdependence. Paradigm.

Les rapports entre connaissance et politique sont de plus en plus souvent étudiés. Un tel intérêt découle en partie de transformations sociétales majeures. L'augmentation exponentielle de l'accès à l'information et l'élévation du niveau de diplôme de la population – entre autres facteurs – multiplient le nombre d'acteurs mobilisant de la connaissance pour agir au plan politique. De même, plus qu'auparavant, les acteurs politiques sont sommés de justifier rationnellement leurs propositions et leurs choix. Et de plus en plus souvent, les politiques publiques elles-mêmes consistent à mettre en place des dispositifs de régulation basés sur la diffusion de connaissances. De telles évolutions ont été résumées dans des notions désormais popularisées telles que « société de la connaissance1 1 Concept préfiguré par Robert Lane, dès 1966 (Lane, 1966), sous la forme de « knowledgeable society ». , « new public management »2 2 Voir notamment Christensen et Lægreid, 2001. ou « post-bureaucratie »3 3 Pour une approche de ce concept dans le cadre de la recherche KNOWandPOl, voir Mahon, 2008. , concepts au demeurant pauvres au plan analytique, et dont les deux derniers, par l'usage des préfixes new ou post, soulignent l'existence d'un changement sans désigner clairement en quoi consiste la nouveauté.

1 .Un modèle d'analyse s'écartant des courants de recherche dominants

Les approches les plus couramment développées aujourd'hui dans les études des relations entre connaissance et politique souffrent à nos yeux de plusieurs limites. L'une d'elles tient à la définition trop restrictive de la notion de connaissance. Nombre de chercheurs réservent en effet cette étiquette aux savoirs dont la formalisation se rapproche de celle en vigueur dans le champ scientifique. Les savoirs moins formalisés sont donc considérés comme ne faisant pas partie de l'objet de recherche. Cette option en entraîne une autre, consistant à distinguer assez nettement le monde des producteurs de connaissances, dont les scientifiques constitueraient la figure emblématique, et celui des utilisateurs de connaissances, auquel appartiendraient les politiques. Découle logiquement de telles approches une conception linéaire des rapports entre connaissance et politique, où la connaissance est perçue comme un objet passant du premier monde au second, du lieu de production au lieu d'utilisation. Les chercheurs partant sur de telles prémisses s'intéressent dès lors prioritairement à la manière dont les connaissances produites dans le champ scientifique (perçu comme relativement autonome) sont sélectionnées et transformées au moment où elles migrent dans la sphère politique.

Les approches les plus courantes prennent par ailleurs souvent une option claire quant à la conception des rapports que la connaissance entretient avec les intérêts ou les croyances. Certains chercheurs partent du postulat que les connaissances mobilisées dans le débat public ne sont qu'un vernis de façade masquant les intérêts et les rapports de force, éléments qu'ils considèrent comme les véritables facteurs explicatifs des politiques publiques. Ils pensent que "les variables idéationnelles représentent seulement le haut de l'iceberg ‘politique publique', c'est-à-dire l'épiphénomène du processus de développement d'une politique publique, (et que) ce qui détermine les idées, ce sont les intérêts, peut-être camouflés sous la partie émergée de l'iceberg mais toujours très puissants et solides dans la détermination des trajectoires d'une politique" (Radaelli, 2004, 368). D'autres chercheurs mettent l'accent sur les croyances et cadres cognitifs. Ils soulignent combien la définition des problèmes et des préconisations est dépendante de paradigmes (Hall, 1993), de référentiels (Muller et Surel, 1998) ou de core beliefs (Sabatier et Jenkins-Smith, 1993), autrement dit de cadres cognitifs qui, plus ou moins durablement, fixent, souvent de manière inconsciente, les balises du débat public et des politiques publiques. Un troisième groupe de chercheurs pense que les connaissances peuvent libérer les acteurs et le processus politique de l'emprise des intérêts et des croyances, autrement dit qu'elles peuvent rendre l'action politique plus rationnelle.

Le travail du premier groupe de chercheurs consiste logiquement à dévoiler ce que cachent les discours, et souvent à dénoncer l'instrumentalisation des connaissances scientifiques par les acteurs politiques. Le travail du deuxième groupe est un peu similaire : il s'évertue à montrer combien les décideurs sont prisonniers de cadres cognitifs, dont il leur est difficile de prendre conscience et de se détacher. Dans le troisième groupe, il s'agit plutôt d'identifier et d'éventuellement promouvoir des dispositifs permettant de faire triompher la connaissance sur les intérêts et croyances. Il s'agit aussi de dénoncer ce qui, dans le champ scientifique ou le champ politique, freine le « bon » usage des connaissances en politique.

Sans nier les apports de ces trois courants, nous pensons pertinent de proposer une autre approche4 4 Cet article a été rédigé dans le cadre du projet de recherche intégré n° 028848-2 financé par le 6 e programme-cadre européen : KNOWandPOL (The role of knowledge in the construction and regulation of health and education policy in Europe: convergences and specificities among nations and sectors). Plus d'informations sur le site web: http://www.knowandpol.eu. L'analyse qui suit est à la fois une synthèse et une transformation partielle d'un texte plus long publié dans le cadre de la recherche européenne KNOWandPOL (Delvaux, 2008). , en commençant d'abord par abandonner une définition de la connaissance réduisant plus ou moins explicitement celle-ci à la science. Un tel déplacement paraît indispensable quand on place au cœur de la recherche les questions de la compétition, de la sélection et du mixage des différents types de savoirs dans le processus politique. De telles questions nous invitent en effet à prêter attention à des savoirs auxquels on reconnaît difficilement le statut de connaissance alors qu'ils retiennent – parfois de manière croissante - l'attention des décideurs. Il en va par exemple ainsi des savoir ‘laïques' (lay knowledge) : « souvent pauvrement formulés, et davantage enracinés dans des observations et des analyses subjectives, il pourrait être facile de négliger et d'écarter de tels savoirs ‘laïques', alors qu'il ne le faut pas puisque les décideurs eux-mêmes sont enclins de manière croissante à les considérer comme des éléments vitaux du processus politique"5 5 Traduction par nos soins. Texte original: "Poorly formulated as it often is, and rooted more in subjective observation and analysis, it would be easy to overlook and dismiss such lay knowledge, were it not for the fact that policy makers themselves are increasingly inclined to regard it as a vital element in the policy process" (Sturdy, 2008, 4-5). (Sturdy, 2008, 4-5). Soucieux de ne pas adopter une définition trop restreinte de la connaissance, nous n'adopterons pas pour autant une définition aussi large que certains auteurs, qui considèrent aussi comme connaissance tout le savoir incorporé et souvent devenu inconscient. Donnant plutôt à ce dernier le nom de représentations6 6 Pour une définition de ce terme, voir ci après, le point 5. , nous réservons le label de connaissance à tout ce qui prétend dire le réel et est mis en langage oral, écrit (textes, tableaux statistiques, ) ou iconographique (graphiques, photos, dessins, films, ). Les productions scientifiques s'inscrivent dans les contours d'une telle définition, mais elles cohabitent et sont en compétition avec une grande variété de savoirs professionnels, profanes, d'usagers, de gouvernement, de médias, que nous considérons aussi comme des connaissances.

Un tel élargissement de la définition nous conduit à abandonner un modèle d'analyse linéaire présumant qu'il y a, d'un côté, des producteurs de connaissance et, de l'autre, des utilisateurs de connaissance. La connaissance ne se présente plus alors comme un objet se déplaçant à sens unique des ‘producteurs' vers les ‘utilisateurs', mais comme un processus continu de circulation, de transformation, d'assemblage, de dépeçage et de recomposition des savoirs. Différents acteurs, simultanément producteurs, traducteurs et utilisateurs, participent à un tel processus au cours duquel les divers types de connaissances ne cessent de se combiner tout en se transformant et en circulant.

L'adoption d'un tel point de vue permet aussi de ne pas s'enfermer dans les postures critiques des chercheurs dévoilant les intérêts et les croyances, ou dans celles qu'on pourrait qualifier de gestionnaires ou technocratiques puisqu'elles promeuvent un processus de décision plus rationnel. Notre volonté de ne pas nous enfermer dans une lecture critique ou technocratique permet de mieux comprendre la place, nullement marginale mais pas davantage prépondérante, qu'occupe la connaissance dans les processus d'action publique. Notre approche permet en effet de questionner les liens d'interdépendance que divers modèles théoriques établissent entre, d'une part, les connaissances mobilisées dans le champ politique et, d'autre part, les croyances ou les intérêts. Ainsi, plutôt que de considérer que les connaissances mobilisées sont nécessairement déterminées par les intérêts, nous prenons au sérieux le fait que "les idées qu'ont les acteurs affectent en premier lieu la manière dont ils définissent leurs intérêts"7 7 Traduction par nos soins. Texte original : "the ideas that actors hold affect how they define their interests in the first place" (Campbell (2002, 22). (Campbell, 2002, 22), et nous combattons "la tentation de retenir automatiquement comme hypothèse que les idées sont seulement importantes quand les intérêts échouent. ( ) La manière dont les acteurs conçoivent leurs intérêts est affectée par les idées. ( ) Il y a une interaction sans fin entre idées et intérêts. Aucun de ces deux éléments ne domine nécessairement l'autre"8 8 Traduction par nos soins. Texte original : "the automatic assumption that ideas are only important when interests fail. ( ) The way in which actors conceive of their interests is affected by ideas. ( ) There is an everlasting interplay between ideas and interests. Neither necessarily dominates" (John, 1998, 154). (John, 1998, 154).

C'est sur la base de tels repères théoriques et conceptuels qu'est actuellement mené le projet de recherche européen baptisé KNOWandPOL, traitant du rôle des connaissances dans la construction et la régulation des politiques de santé et d'éduction en Europe. L'ambition de ce projet impliquant douze équipes est double : d'une part, rendre compte des processus d'interaction entre connaissances et politiques publiques en élaborant un schéma conceptuel cohérent qui permet de donner sens à ce que nous observons empiriquement dans les études de cas ; d'autre part, rendre compte de la manière dont les relations entre connaissance et politique évoluent dans le temps et dont elles se différencient selon les pays, les secteurs ou les politiques.

Cet article n'aborde que succinctement le second objectif, dans la dernière section. Pour l'essentiel, il donne un aperçu de l'état d'avancement du premier objectif. Y est exposé l'état actuel du modèle conceptuel visant à donner sens aux interactions entre connaissance et politique publique. Ce modèle est le fruit d'un processus itératif non encore terminé mais ayant déjà comporté plusieurs étapes : revues de la littérature (Delvaux et Mangez, 2007), premiers travaux empiriques inductifs (Kosa et al., 2008), première synthèse théorique (Delvaux et Mangez, 2008), études de cas sur la fabrication et l'usage des instruments supra-nationaux de régulation par la connaissance9 9 Des rapports ont été publiés à propos de la fabrication de PISA et de la Déclaration de l'OMS sur la santé mentale en Europe, ainsi que sur la réception de chacun de ces instruments dans six pays. Ces rapports sont disponibles sur le site http://knowandpol/eu. , études de cas de politiques publiques10 10 Des rapports ont été publiés à propos de six politiques de santé et six politiques d'enseignement.. Ces rapports sont disponibles sur le site http://knowandpol/eu. , premières réécritures de la synthèse (Delvaux, 2009 ; Mangez, 2009 ; ce texte).

Pour exposer notre cadre conceptuel et théorique, nous prenons comme point de départ les phénomènes de problématisation et de préconisation parce qu'ils ont pour double caractéristique d'occuper une place centrale dans le processus d'action publique et d'être intensifs en connaissances (section 2). Nous détaillons ensuite dans la section 3 comment les connaissances servent de ressources aux acteurs intervenant dans ces deux processus. Cela nous permet de traiter dans la section 4 la question du pouvoir, en envisageant quels acteurs interviennent – et comment – dans la commande, le formatage et la circulation des connaissances mobilisées pour problématiser et préconiser. Ces processus liés aux connaissances sont ensuite remis en perspective dans un modèle plus large tentant de montrer comment les circuits de connaissance, conjointement avec trois autres facteurs, structurent l'action publique (section 5). Dans la dernière section, nous traitons de manière succincte la question de la variation de ces phénomènes dans le temps et l'espace.

Précisons que nous inscrivons notre travail dans une approche en termes d'action publique. A la suite de Jacques Commaille, on peut définir celle-ci comme l'approche "où sont prises en compte à la fois les actions des institutions publiques et celles d'une pluralité d'acteurs, publics et privés, issus de la société civile comme de la sphère étatique, agissant conjointement, dans des interdépendances multiples, au niveau national mais aussi local et éventuellement supranational, pour produire des formes de régulation des activités collectives" (Commaille, 2004, 413). Une telle approche met l'accent sur le caractère fragmenté, complexe et flexible de l'action publique, qui se joue simultanément sur plusieurs scènes interdépendantes. Elle implique de : (1) tenir compte de la multiplicité et de la diversité des acteurs (l'action publique n'est pas menée de bout en bout par une Etat unifié ; c'est une action multi-niveaux, impliquant aussi des acteurs non publics) ; (2) considérer que les rapports entre ces acteurs doivent être interprétés davantage en termes d'interdépendance que de simple hiérarchie (abandon d'une perspective étato-centrique octroyant à l'Etat une position surplombante) ; (3) ne considérer la prise de décision politique que comme l'un des éléments d'une processus plus large intégrant notamment ce qu'on appelle traditionnellement la mise en œuvre (une politique n'est jamais limitée à l'adoption d'une loi ou d'une règle, et ne peut être vue simplement comme l'action d'une autorité édictant des règles) ; (4) concevoir ces processus comme étant non linéaires (les interdépendances complexes favorisent les processus de co-construction et les processus itératifs ; le schéma n'est plus celui d'un acteur central structurant l'agenda et prenant des décisions ensuite mises en œuvre et appliquées par d'autres acteurs).

2. Problématisation et préconisation, deux processus au cœur de l'action publique

Dans ce processus d'action publique, la connaissance est surtout mobilisée aux moments de la problématisation et de la préconisation. Le processus de problématisation est celui au cours duquel émerge une définition plus ou moins partagée du problème devant être pris en charge par un collectif, un processus que l'on peut comparer à celui au cours duquel quelqu'un parvient à braquer l'attention d'un groupe sur une étoile, en s'aidant notamment du positionnement de cette étoile par rapport à d'autres plus lumineuses ou mieux connues. Le processus de préconisation, quant à lui, est celui au cours duquel des esquisses de plans d'action concurrents sont progressivement sélectionnés, combinés, affinés, retouchés, un peu à l'image d'un processus de sélection d'esquisses de sculptures débouchant sur le modelage collectif d'une sculpture en argile. Ces deux processus s'observent sur n'importe quel type de scène, qu'il s'agisse du pouvoir central, d'organisations locales, de groupes d'intérêts ou d'autres lieux encore.

L'usage de ces deux concepts de problématisation et de préconisation ne signifie pas que nous définissons la politique comme la recherche de solutions à des problèmes clairement identifiés au préalable. Il arrive en effet qu'une piste d'action soit référée à plus d'un problème, que des acteurs partageant la même dénomination d'un problème lui donnent des significations différentes, ou encore que la préconisation précède la problématisation puisque, comme le souligne Kingdon (1984), les acteurs porteurs d'une préconisation doivent souvent attendre la mise à l'agenda d'un problème pour que leur proposition, pensée parfois en référence à un autre problème, soit perçue comme une solution au nouveau problème. Il est donc possible d'analyser les processus de problématisation et de préconisation sans d'office penser que le second découle du premier, dans une logique séquentielle. Ces deux processus doivent plutôt être pensés comme "vaguement couplés" (loosely coupled) (Kingdon, 2003, 229), dans une relation de dépendance réciproque mais partielle : la problématisation peut en effet être rendue difficile si les acteurs n'imaginent aucune préconisation crédible ou à la portée d'action du collectif auquel ils appartiennent ; en sens inverse, la dénomination du problème peut tantôt freiner et tantôt faciliter le processus de préconisation, et souvent préfigurer la ‘solution'11 11 Ainsi, par exemple, toute dénomination désignant le résultat positif à atteindre plutôt que le processus négatif favorise le consensus autour de la définition du problème mais cadre moins le processus de préconisation. .

Si nous attirons l'attention sur ces processus de problématisation et de préconisation, ce n'est pas seulement parce qu'ils sont cruciaux dans la dynamique d'action publique. C'est aussi parce qu'il s'agit des processus où les connaissances telles que définies plus haut jouent un rôle crucial. Elles sont utilisées par les acteurs pour mettre à l'épreuve les problématisations et préconisations d'adversaires. Elles le sont aussi pour justifier leurs propres problématisations ou préconisations et éviter que celles-ci soient taillées en pièce par les épreuves que leur font subir leurs adversaires. Ces épreuves sont variées. Certaines concernent les problématisations et d'autres les préconisations. On peut en dresser une typologie

L'épreuve d'importance prend pour cible les problématisations. Elle consiste à mettre en doute le caractère réellement problématique de la situation, et donc à contester qu'il vaille la peine de modifier une politique publique en cours ou de développer une politique nouvelle pour ‘résoudre le problème'. Comme une situation obtient souvent le label de problème du fait qu'elle est reconnue comme l'une des causes d'un autre problème plus anciennement ou plus largement reconnu, faire subir à cette problématisation l'épreuve d'importance consiste souvent à contester le lien de causalité établi entre la situation candidate au statut de problème et le problème socialement reconnu. L'épreuve d'accessibilité consiste à contester que les situations qualifiées de problématique soient solubles, autrement dit qu'elles soient " vues comme causées par des actions humaines et sensibles à l'intervention humaine"12 12 Traduction par nos soins. Texte original: "seen as caused by human actions and amenable to human intervention" (Stone, 1989, 281). (Stone, 1989, 281). La mise à l'épreuve consiste dès lors à contester l'origine humaine ou la possibilité d'une intervention. L'épreuve de hiérarchisation consiste quant à elle à contester qu'un problème soit plus important que d'autres. Comme les acteurs ne peuvent agir sur tous les fronts et que les ressources sont limitées, l'épreuve de hiérarchisation est un enjeu de taille : toujours, un problème risque d'être perçu comme moins important ou moins accessible qu'un autre, et risque donc de se voir contester son caractère prioritaire. Enfin, l'épreuve de compatibilité consiste à disqualifier la mise à l'agenda d'un problème en soulignant que sa prise en charge risque d'amplifier ou de générer d'autres problèmes, autrement dit risque de provoquer des effets pervers.

Les préconisations sont également soumises à plusieurs épreuves. L'épreuve de pertinence consiste à contester que la proposition permette vraiment de résoudre le problème officiellement présenté comme étant la cible de la proposition. La question type de cette épreuve est la suivante : "êtes-vous bien certain que l'action que vous préconisez permette d'atteindre les objectifs que vous poursuivez ?". L'épreuve de faisabilité est, du côté des préconisations, le pendant de l'épreuve d'accessibilité sur le versant des problématisations. Elle consiste à mettre en évidence l'impraticabilité des propositions du fait de la non disponibilité des ressources nécessaires ou d'autres contraintes, notamment juridiques13 13 Il s'agit par exemple de mettre en doute la conformité au corpus légal d'un ordre supérieur ou de sa compatibilité avec d'autres normes de même rang, difficilement modifiables. Les recours aux tribunaux peuvent être considérés comme des épreuves ex post. Dans certains pays, des épreuves ex ante sont institutionnalisées, tout projet normatif devant être soumis, préalablement à son adoption, à un conseil de juristes habilités à vérifier la compatibilité des nouvelles normes avec les normes existantes . Sommées d'être réalistes et concrétisables, les préconisations sont soumises à cette épreuve en particulier au moment où elles sont sur le point d'être transformées effectivement en décision et en action. L'épreuve d'acceptabilité, quant à elle, est le pendant de l'épreuve de compatibilité. La question type de ce genre d'épreuve est la suivante : "quand bien même votre préconisation résoudrait le problème que vous mettez à l'agenda, êtes-vous certain qu'elle n'engendrera ou n'aggravera pas d'autres problèmes, en d'autres termes qu'elle n'induira pas d'effets pervers ? ".

Soulignons ici que ces épreuves ne se réfèrent pas à des critères de jugement universels et indiscutés, mais à ceux incorporés par les acteurs. Elles ne garantissent donc pas l'émergence des ‘meilleures' politiques. En outre, ces épreuves n'ont rien de systématique : tout problème ou préconisation ne subit pas nécessairement chacune de ces épreuves, et ces épreuves ne surgissent pas nécessairement à des moments prédéterminés du processus. Il n'en reste pas moins que, dans presque toutes les circonstances, les acteurs tendent à anticiper ces épreuves et à les faire subir aux arguments adverses.

3. Les connaissances comme ressources dans les processus de problématisation et de préconisation

Pour répondre à ces épreuves ou les anticiper, les acteurs forgent des arguments. Ils cherchent à justifier les problématisations et préconisations en s'appuyant sur des connaissances prétendant dire le réel. Le rôle de ces arguments n'est pas tant de faire changer l'opinion de l'adversaire que d'emporter l'adhésion ou du moins d'éviter l'opposition de ceux qui n'ont pas d'opinion préétablie ou de croyance ancrée sur le sujet. Ils servent aussi à éviter que les problématisations ou préconisations soient décrédibilisées et ainsi évacuées du débat public.

Les connaissances incorporées dans les arguments ont une forme généralement simplifiée car la conviction naît moins de la complétude et de la solidité de l'argumentation rationnelle que d'une argumentation répondant simultanément à une exigence de rationalisation et de simplification du monde. Face à la complexité du réel et à l'incertitude de l'action, les arguments qui passent la rampe sont ceux qui paraissent à la fois rationnels et simples, et qui font ainsi croire que le réel est maîtrisable. Dès lors, l'incorporation des connaissances dans les arguments est un processus de sélection, de simplification, et aussi d'estompement des failles du raisonnement, Ainsi est-il courant de ne pas mentionner les connaissances venant mettre en doute celles qu'on mobilise, de transformer en lois générales des évidences déduites de l'analyse d'un contexte particulier, d'éviter de souligner que telle corrélation a été établie en ne contrôlant pas tous les facteurs, 14 14 Remarquons au passage que ces processus de sélection, simplification et estompement sont également observés dans le champ scientifique. Ces processus d'estompement, de sélection et de simplification génèrent inévitablement de nouvelles mises à l'épreuve, où les connaissances sont utilisées pour mettre le doigt sur les insuffisances de l'argumentaire. Dans ces échanges d'arguments, une même connaissance peut d'ailleurs être mobilisée en sens contraire par des acteurs différents.

Les connaissances incorporées dans les arguments ne se caractérisent pas seulement par leur forme simplifiée, mais aussi par leur nature. Certaines connaissances sont manifestement plus souvent mobilisées que d'autres. Ainsi en va-t-il des comparaisons dans l'espace ou le temps, surtout lorsqu'elles sont de nature statistique : les entités confrontées à des indicateurs plus mauvais qu'avant ou qu'ailleurs ont en effet tendance à considérer la situation comme problématique. Cet impact explique que les comparaisons soient prioritairement mobilisées dans le processus de problématisation, et particulièrement dans les épreuves d'importance et d'accessibilité. Confronté à l'épreuve d'importance, un acteur peut en effet tirer argument d'un indicateur plus mauvais qu'ailleurs. Face à l'épreuve d'accessibilité, les comparaisons peuvent permettre par exemple d'affirmer que la qualité n'est pas seulement affaire de ressources ; elles peuvent en effet mettre en évidence le fait qu'une entité n'investissant pas davantage de ressources obtient de meilleurs résultats.

Les associations sont elles aussi massivement mobilisées, particulièrement celles qui établissent des liens de causalité (A implique B). Elles sont aussi bien mobilisées dans les problématisations (car elles peuvent relier un « nouveau » problème à des situations identifiées de manière consensuelle comme étant problématiques) que dans les préconisations (car elles peuvent relier une préconisation à un problème). Les associations causales peuplent ainsi le discours politique. Mais incertaines et contestables15 15 Dans le cas des associations causales, cette fragilité, propice à la multiplication des débats, tient au fait qu'entre deux phénomènes, il y a souvent plusieurs variables intermédiaires, que chacune de ces variables est elle-même le résultat de multiples variables, et que les liens établis entre variables peuvent évoluer dans le temps. , elles engendrent des contre-arguments et génèrent un travail intensif de démontage ou de consolidation des arguments échangés, ce qui ne fait qu'accroître le volume des connaissances de type causaliste en circulation dans le débat public. Pour établir et fixer ces associations, l'argumentation rationnelle est loin d'être la seule voie, ni même la plus efficace. On peut bien entendu justifier les associations par le biais de l'induction (à partir d'un cas réputé exemplaire), de la déduction (à partir d'une loi générale), ou de l'existence d'une co-variation, mais d'autres procédés correspondant moins aux canons de la rationalité permettent de valider et de stabiliser des associations pourtant précaires au plan rationnel. Le premier est l'analogie et le second le récit. Dans le premier cas, on établit, entre des éléments du champ qui est l'objet du débat, des associations qui ressemblent à celles, plus solidement établies, qui existent entre des éléments équivalents dans un autre champ, si possible familier des publics visés, et mieux encore, affectivement investi, de manière à permettre une connexion plus aisée avec les représentations. Les récits, quant à eux, prennent souvent la forme d'histoires causales (Banerjee, 1998). "Moins incantatoires et normatifs que l'idéologie, les récits de politiques publiques reposent sur des scénarios qui ont moins pour objet de dire ce qui devrait arriver que ce qui va arriver" (Roe, 1994, 36). "Les récits placent en effet le présent dans une série cohérente d'évènements qui commence dans le passé et se termine dans le futur. La dimension temporelle des récits donne de la signification au présent et suggère ce qui devrait être fait dans le futur" (Radaelli, 2004, 365-366). Les récits, tout comme les analogies, ne sont pas des éléments de preuve, mais des manières de fixer des associations pour lesquelles les preuves manquent ou ne suffisent pas à convaincre.

Parmi les autres connaissances mobilisées, citons celles qui cartographient l'existant ou l'opinion et celles qui présentent des politiques mises en œuvre en d'autres temps ou lieux. Cartographier l'existant, c'est accumuler des informations et des données. Il s'agit de connaissances descriptives, ce qui les différencie des associations (causales ou autres). Cartographier l'existant, c'est par exemple dénombrer une population ou décortiquer la législation en vigueur De telles informations servent surtout à faire passer aux préconisations l'épreuve de faisabilité, mais elles peuvent également être utiles pour les problématisations, quand celles-ci sont soumises aux épreuves d'importance ou d'accessibilité. La cartographie des opinions est également une connaissance cruciale, tant pour la problématisation que pour la préconisation : un problème paraît plus aigu lorsqu'on peut montrer que l'opinion publique est préoccupée par lui ; de même qu'une préconisation est plus fragile lorsqu'on peut montrer que des acteurs sont décidés à s'y opposer. La connaissance des opinions n'est pas seulement fondée sur le sondage. Elle peut l'être aussi sur des enquêtes qualitatives, des contacts de terrain, des consultations de groupes d'intérêts ou d'acteurs, ou encore sur la lecture de forums, de courriers, de cahiers de revendication, de programmes. La connaissance des bonnes pratiques, ou plus généralement des politiques publiques mises en œuvre dans un autre temps ou un autre espace, est quant à elle surtout mobilisée dans le processus de préconisations, pour justifier certaines pistes et en rejeter d'autres, les mesures prises en d'autres temps ou lieux tendant à être jugées plus pertinentes lorsqu'elles proviennent d'entités ayant un bon classement dans les comparaisons.

Ces divers types de connaissances susceptibles de nourrir les arguments et les épreuves sont souvent combinés dans les argumentaires. Par exemple, c'est rarement la comparaison à elle seule qui permet d'instituer une situation en problème. Ainsi, si l'on affirmait qu'en moyenne les Américains sont plus petits que les Européens, rares sont ceux qui y verraient un problème. Par contre, affirmer qu'ils sont plus gros sera considéré comme alarmant, mais ce ne le sera que parce que, par ailleurs, des relations causales entre le surpoids et les risques de santé auront été établis. L'effet des comparaisons dépend donc souvent de l'établissement préalable de relations de causalité entre les problèmes largement reconnus comme tels (ici, les risques de santé) et des situations candidates au statut de problème (ici, le surpoids). Souvent donc, les comparaisons se développent et acquièrent une légitimité après un long travail préalable de mise en association de phénomènes entre eux. Mais elles contribuent grandement à rendre populaires et à stabiliser les problématisations. Cette stabilisation dépend notamment de la mise en place d'instruments de veille permanents permettant de lancer l'alerte dès que, par rapport à des indicateurs solidement établis, les évolutions diachroniques ou les écarts entre entités ou groupes humains paraissent franchir le seuil du tolérable.

4. Circulation des connaissances : la question du pouvoir

Ces processus de problématisation et de préconisation ne se déploient pas seulement sur la scène centrale de la décision politique où interagissent les acteurs gouvernementaux et parlementaires ainsi que les groupes d'intérêt les plus importants. Ils ont également cours sur de multiples scènes qu'on a pris l'habitude de qualifier de locales (des organisations, les entités qui les composent, ) mais que l'approche en termes d'action publique nous invite à ne pas considérer comme totalement dépendantes des scènes dites centrales ni comme de simples lieux de mise en œuvre des décisions qui s'y prennent.

Sur toutes ces scènes, y compris celles qualifiées de centrales, les connaissances mobilisées sont parfois très locales, c'est-à-dire partagées par les seuls acteurs de cette scène. Mais nombre des connaissances mobilisées sont des connaissances qui circulent au-delà de la scène, et beaucoup proviennent d'autres scènes. Une part significative des actions déployées par les acteurs d'une scène donnée consiste d'ailleurs à diffuser des connaissances à destination d'autres scènes, dans le but de peser sur les actions qui s'y trament. Ainsi, les autorités soucieuses d'orienter les actions qui prennent corps sur les scènes locales recourent de plus en plus souvent à des outils de régulation basés sur la connaissance16 16 Knowledge regulation tools (KRT), en anglais. (Pons et van Zanten, 2007), dont les formes sont très variées (indicateurs de résultats, comparaisons statistiques, plans, recueils de bonnes pratiques, manuels méthodologiques, ). En retour, les acteurs soumis à des autorités diffusent aussi de l'information à destination de celles-ci. Leur capacité d'intervention sur le processus de décision central dépend en effet pour partie de leur capacité à faire reconnaître leurs problématisations et préconisations en les appuyant par exemple sur des savoirs quotidiens systématisés, des cartographies de l'existant ou des cartographies des opinions ‘locales'.

La carte des flux de connaissance est donc un élément important à prendre en compte lorsqu'on tente de comprendre les problématisations et préconisations qui prennent corps sur une scène. Dresser une carte des flux de connaissances circulant sur une scène consiste à observer le type et le volume de connaissance qui y circule, mais aussi d'observer de quelles scènes parlent ces connaissances, et par qui elles sont commandées, formatées et diffusées. Il n'est pas indifférent que ce qui circule par exemple sur la scène centrale à propos d'un type de scènes locales soit des données statistiques, des témoignages (bruts ou analysés) de professionnels ou d'usagers, des études de cas ou des reportages médiatiques, ni que la fabrication et la circulation de ces connaissances soit maîtrisée par des acteurs des scènes locales ou par des acteurs externes (les autorités elles-mêmes, par exemple).

Le pouvoir que détient un acteur dans la circulation des connaissances se mesure notamment à son degré de maîtrise de la connaissance diffusée à son propos (en ce compris sa capacité à en cacher une part), à son degré de connaissance de l'autre acteur ou scène (et éventuellement à sa capacité à renvoyer à ceux-ci certaines de ces connaissances sur eux-mêmes), à sa capacité à formater et à diffuser sur la scène cible des connaissances qui seront réutilisées par les acteurs de cette scène pour problématiser ou préconiser. Cette dernière capacité implique non seulement une connaissance de cette scène ou type de scène mais aussi, de manière plus générale, une connaissance des processus que nous sommes occupés à décrire. Elle implique en outre que l'acteur soit compétent (ou puisse accéder à la compétence de spécialistes) dans les techniques de mise en forme et de diffusion des connaissances.

Trois types d'acteurs, qui n'en font parfois qu'un, interviennent dans ces processus : ceux qui commandent (font produire, débloquent les ressources nécessaires), ceux qui fabriquent et ceux qui font circuler. Les premiers sont notamment les instances gestionnaires, mais aussi les groupes d'intérêts solidement constitués et les instances dirigeantes des médias. Ils entendent participer à la définition des connaissances qu'il convient de produire et de faire circuler. Dans la catégorie des acteurs faisant circuler la connaissance, il y a tout un chacun, via le bouche à oreille, le courrier, le courriel, mais les acteurs dominants ces processus de circulation sont, d'une part, ces professionnels de l'information que nous nommons de manière générique les circulators, et d'autre part les brokers (courtiers) qui, au contraire des premiers, sont nécessairement impliqués dans la scène à laquelle se rapporte la connaissance ou sur laquelle elle circule, et qui jouent donc le rôle d'importateurs-exportateurs et de traducteurs, établissant ainsi des connexions entre des modes hétérogènes. Dans la troisième catégorie, celle des acteurs qui « fabriquent », le pouvoir appartient à ceux qui disposent non seulement des compétences mais aussi de la légitimité les habilitant à valider ou disqualifier certaines connaissances, à estampiller quelles sont celles qui disent le réel. A chaque type de connaissance défini dans la section 3 correspond donc une ou des catégories d'acteurs reconnus comme légitimes. Leur légitimité n'est cependant jamais définitivement établie. Elle est soumise à contestation et mise à l'épreuve, non seulement par des acteurs externes, mais aussi par des acteurs concurrents appartenant au même univers.

Précisons quelque peu cette analyse du pouvoir lié à la fabrication de la connaissance en nous attachant aux des deux types de connaissance que nous avons présentés comme essentiels dans les processus de problématisation et de préconisation, à savoir les associations causales et les comparaisons. Pour la fabrication des premières, les scientifiques paraissent être les acteurs les plus légitimes, mais ils font face à des concurrents. La forme scientifique ne cesse en effet de se répandre, de faire partie de la culture d'un nombre croissant d'acteurs et d'être dès lors appropriée par des acteurs externes au monde académique. On observe par exemple "la nature scientifique croissante de la connaissance administrative17 17 Traduction par nos soins. Texte original: "The growing scientific nature of the administrative knowledge" (Pons & van Zanten, 2007, 116). " (Pons & van Zanten, 2007, 116), tout comme l'expansion des productions de nature scientifique par les groupes d'intérêts ou les firmes privées de consultance. Cette expansion du recours au discours scientifique se manifeste cependant en même temps que se développe la mise en cause de la fiabilité de l'énoncé scientifique, de l'image d'indépendance des scientifiques et de la pertinence de l'énoncé scientifique pour l'action publique. Paradoxalement, l'usage croissant de l'approche scientifique démultiplie les controverses et rend ainsi visible le manque de connaissance (Weingart, 2001, 123). « A travers l'observation scientifique, ce n'est pas la sécurité mais l'insécurité qui croît » 18 18 Traduction par nos soins. Texte original : « Through scientific observation not security but insecurity increases » (Luhman, 1990, 325). (Luhman, 1990, 325)

Dans le domaine des comparaisons statistiques, les acteurs principaux sont les structures gestionnaires, terme que nous utilisons de manière générique pour désigner les instances en charge de la gestion d'une entité, que celle-ci soit petite ou grande (un ministère, l'administration centrale d'un hôpital, la direction d'une école, ). La place centrale de ces structures gestionnaires dans la fabrication des comparaisons statistiques nous conduit à assimiler ces connaissances à ce que des auteurs qualifient de sciences de gouvernement (Ihl, Kaluszynski & Pollet, 2003). Ces structures gestionnaires sont la plupart du temps incontournables pour élaborer et institutionnaliser les comparaisons, car la mise en place et l'actualisation des bases de données exigent une infrastructure et une légitimité que ces instances sont bien souvent les seules à détenir. Elles sont pérennes, disposent de moyens matériels et humains, collectent déjà pour la gestion quotidienne de leur secteur ou organisation une part des données nécessaires, disposent de la légitimité et de l'autorité pour collecter les données et en faire usage, même si elles n'exercent pas une autorité hiérarchique sur les entités qu'elles mesurent et comparent19 19 Nombre de comparaisons, telles celles gérées par l'OCDE, sont en effet le fait d'organismes fédérant des entités qui, ensemble, décident de se comparer entre elles. . Si les structures gestionnaires interviennent le plus souvent à tous les stades du processus (conception, réalisation, interprétation, diffusion). Certaines étapes telles que la conception sont rarement menées par la seule structure gestionnaire. Celle-ci est généralement associée à des acteurs politiques et à des experts (académiques ou autres), impliqués dans un processus généralement long de stabilisation des indicateurs. Ce processus suppose en effet une standardisation des méthodes de collecte et de traitement des données, ainsi qu'un consensus sur les critères permettant de classer les faits ou les individus, et d'identifier les ensembles auxquels sont appliqués la mesure (pays, établissements scolaires, régions, )20 20 Il n'est par exemple pas innocent d'établir les comparaisons entre pays, entre régions ou entre organisations. Cela tend à pré-formater l'échelle à laquelle développer les préconisations, ou à légitimer telle proposition plutôt que telle autre. . Ces opérations, qui sont à la base de la fabrication de systèmes d'indicateurs, font souvent l'objet de controverses, la plupart du temps limitées à des groupes restreints de spécialistes, controverses qui peuvent s'éteindre avec le temps mais aussi se ranimer ponctuellement ou de manière périodique, comme en témoigne l'exemple des débats récurrents sur le mode de calcul du taux de chômage, de l'indice des prix ou du produit national brut. "L'histoire des indices et de leur transformation témoigne, au-delà des débats techniques, de positionnements différents vis-à-vis de l'enjeu qu'il s'agit de cerner" (Lascoumes et Le Galès, 2004, 33).

5. Le rôle des connaissances : ni prépondérant, ni marginal

La direction et l'intensité des flux de connaissance n'est assurément pas toujours prévisible dans une société où les techniques de l'information accélèrent la vitesse de circulation et réduisent les distances. A tout moment, de la connaissance imprévue peut surgir sur une scène et peser d'un poids non négligeable sur ce qui s'y trame. Pourtant, la grande majorité des connaissances en circulation suit des circuits de connaissances préétablis. Bien que non immuables, ces circuits présentent une stabilité relative, et leur structure contribue à ce que tel type de connaissance plutôt que tel autre parvienne sur la scène et y soit utilisé. Ainsi, si les comparaisons internationales incitent les pays à s'intéresser aux politiques menées par les pays ayant les meilleurs résultats, il n'en reste pas moins que chaque entité continue à diriger son regard vers les pays avec lesquels elle est depuis longtemps liée, en terme de voisinage, de proximité culturelle,...

Nous considérons donc que les circuits de connaissance, et la place qu'y occupe une scène ou un acteur donné, est un des éléments qui structure ce qui se déroule sur une scène, et particulièrement les processus de problématisation et de préconisation. Nous pouvons donc donner à ces circuits le statut de facteur structurant. Mais au moins trois autres facteurs participent également au cadrage de ce qui se déroule sur la scène. (1) Les représentations, et plus précisément ce qu'Abric (1994) nomme le noyau central des représentations. Ces représentations sont des cadres normatifs et cognitifs auxquels les acteurs se réfèrent pour interpréter le monde, justifier leurs actions ou guider leurs comportements et pratiques. Une part de ces représentations est partagée par les membres d'un groupe, d'un secteur, d'une nation. Dans le champ des politiques publiques, ces représentations partagées sont nommées paradigmes (Hall, 1993), référentiels (Muller et Surel, 1998) ou core beliefs (Sabatier et Jenkins-Smith, 1993). (2) Les modes de régulation font quant à eux référence aux dispositifs et règles formels et informels cadrant les comportements des acteurs et les interactions entre acteurs ou entre scènes Ils définissent ce qui est autorisé, interdit, recommandé ou obligatoire. Les modes de coordination, qui constituent une part des régulations, sont souvent des dispositifs hybrides combinant l'ajustement (les multiples acteurs s'ajustent les uns aux autres de manière souvent bilatérale et implicite), l'autorité (la coordination dépend des décisions prises par les niveaux hiérarchiques supérieurs) et la délibération (la coordination des actions s'effectue par la biais de la concertation et de la décision négociée) (Delvaux, 2007, 78-79). (3) Les configurations des ressources et des interdépendances définissent les rapports de force entre acteurs ou entre scènes. Ces rapports de forces découlent du fait que les acteurs et scènes ne disposent pas des mêmes ressources mais aussi qu'ils n'occupent pas les mêmes positions dans le réseau complexe des interdépendances (Elias, 1981 ; Pfeffer et Salancik, 1978) Ce réseau, d'autant plus étendu que la division du travail est grande, lie entre eux les acteurs qui estiment avoir besoin des apports d'autres acteurs (vis-à-vis desquels ils vivent alors une dépendance processuelle) ou qui convoitent des ressources également recherchées par d'autres (vis-à-vis desquels ils vivent alors une dépendance compétitive).

Les quatre facteurs structurants ainsi définis peuvent être associés deux par deux. Alors que les modes de régulation et les configurations des ressources et des interdépendances structurent essentiellement les interactions sociales, les représentations et les circuits de connaissances structurent prioritairement les processus cognitifs. Ces deux derniers facteurs sont liés. Les représentations partagées (paradigmes, référentiels) circonscrivent l'espace du débat en délimitant (souvent sans que les acteurs en soient conscients) ce qui paraît indiscutable, évident, naturel. Intériorisés, profondément ancrés et relativement stables, les référentiels et paradigmes, mélanges de valeurs et d'algorithmes définissant une théorie de l'action, participent, entre autres choses, à la sélection des connaissances incorporables et compatibles. Ce processus contribue à stabiliser les circuits de connaissance. Il n'en reste pas moins que certaines évolutions des circuits de connaissance sont en mesure de modifier les représentations partagées. Ces changements sont plus souvent incrémentaux que radicaux parce que la stabilité du noyau central des représentations est jugée vitale par les individus et les groupes, du fait qu'elles remplissent des fonctions identitaires. En outre, les représentations sont organisées de telle manière qu'elles sont capables de réinterpréter les connaissances a priori adverses pour les intégrer dans une forme inoffensive pour le noyau central. Cette capacité de résistance amène d'ailleurs certains auteurs à estimer qu'un changement du noyau central des représentations (et du paradigme ou référentiel) ne peut guère s'opérer par le seul biais de la circulation des connaissances, et est plus probable lorsque les acteurs sont engagés dans des situations et pratiques qui vont à l'encontre de ce que leur dicteraient leurs représentations (Flament, 1987).

Les interactions entre les facteurs ne se limitent pas à ce couple de facteurs. Elles concernent tous les autres couples de facteurs. Comme l'illustre la figure 1, les quatre éléments structurels sont tous liés les uns aux autres21 21 Si les liens entre modes de régulation et circuits de connaissance ainsi qu'entre représentations et configurations des ressources et des interdépendances n'apparaissent pas dans la figure, c'est dans le seul souci de ne pas la surcharger. . Mais l'illustration de ces liens par des bandes ondulées et discontinues témoigne des possibilités de désajustement des facteurs. De tels désajustements modifient à la marge la configuration des facteurs structurels cadrant la scène, et peuvent générer sur cette scène des actions jusqu'alors impossibles ou impensables. Ces actions, à leur tour, sont susceptibles d'altérer un autre facteur. Ainsi, de fil en aiguille, par un processus itératif entre facteurs et actions, peut se dessiner un changement plus profond. Ces liens réciproques entre action et facteurs structurants sont symbolisés par des flèches d'épaisseur différente pour souligner que les facteurs structurels pèsent davantage sur l'action (publique) que l'inverse. La figure indique également que ces quatre facteurs agissent simultanément. C'est donc bien la combinaison de ces facteurs qu'il faut analyser lorsqu'on tente d'expliquer une action publique. Quant à la figuration de l'action (publique) sous forme de cercle pivotant sur lui-même, elle témoigne de l'incessante évolution de l'action, qui contribue souvent à reproduire les structures mais peut aussi, comme l'indiquent les flèches centrifuges, modifier l'un ou l'autre des facteurs structurants.


Ce modèle d'analyse, pensé à l'échelle d'une scène, peut être resitué dans un modèle où de multiples scènes participent à l'action publique. Dans ce modèle complexifié, les circuits de connaissance et les configurations des ressources et des interdépendances sont communs aux différents acteurs et scènes, mais les places que ceux-ci y occupent ne sont pas les mêmes. Sur le plan des deux autres facteurs, les différentes scènes peuvent partager certains traits en matière de représentations et de modes de régulation, mais aussi se distinguer au moins partiellement. Ainsi, en matière de représentations, des référentiels et paradigmes peuvent être transversaux aux scènes mais il arrive fréquemment qu'ils soient spécifiques ou que seuls certains traits de ces référentiels et paradigmes soient communs aux scènes et acteurs impliqués dans l'action publique.

Du fait des interdépendances et des interactions entre scènes, les changements qui s'opèrent sur une scène peuvent avoir des répercussions en cascade. Les processus de changement sont dès lors complexes, et difficilement prévisibles et maîtrisables par les acteurs, aussi puissants soient-ils. Lorsque des acteurs développent une action en direction d'une autre scène, il leur est d'autant plus difficile d'anticiper et de maîtriser les réactions de la scène ‘cible' que, jamais, cette dernière ne déploie son action uniquement en référence à l'initiative prise sur la scène ‘initiatrice' mais tient compte également des initiatives qu'ont prises ou que pourraient prendre d'autres scènes. La maîtrise du cours de l'action publique se complique encore dès l'instant où ces acteurs et scènes ne se contentent pas de s'adapter mais peuvent renvoyer l'affaire sur la scène initiatrice ou la porter ailleurs. Il y a donc plus d'une raison qui explique la difficulté de maîtriser les réactions d'une scène à une initiative la visant. Citons-en quatre : (1) la scène ‘cible' est soumise à d'autres influences que celles de la scène prenant l'initiative ; (2) la scène ‘cible' peut, plutôt que de s'adapter, reporter l'affaire sur de nouvelles scènes ; (3) la présence, sur chaque scène, d'acteurs aux représentations et intérêts divers accentue l'incertitude quant au résultat de leurs interactions ; (4) les actions déployées par la scène ‘cible' et par les divers acteurs qui la composent est structurée par des facteurs dont la scène initiatrice n'a qu'une connaissance partielle et sur lesquels il ne lui est pas nécessairement facile d'agir

6.Tendances évolutives globales et spécificités nationales ou sectorielles

En dépit de l'existence des lois générales que nous venons d'expliciter, tout ne se passe pas partout de manière identique. Nous avons déjà souligné que les contenus des facteurs structurels différaient partiellement en fonction des scènes impliquées dans une même action publique. Mais ils évoluent aussi dans le temps, à l'échelle sectorielle, nationale ou supranationale. Ils varient en outre selon les pays et les secteurs. Le caractère transnational et trans-sectoriel de certaines évolutions se conjugue ainsi avec les spécificités nationales et sectorielles.

Les évolutions transnationales et trans-sectorielles affectent notamment la circulation des connaissances, où l'un des faits majeurs est l'accumulation des connaissances archivables et archivées. Les stocks de connaissances écrites, orales ou iconographiques croissent de manière exponentielle et sont, en outre, de plus en plus accessibles, du fait de l'évolution des techniques informatiques et de l'expansion de l'anglais comme langue d'échange. Ces évolutions contribuent à l'élargissement et à la porosité des espaces de circulation des connaissances. Y contribue aussi la multiplication de trajectoires individuelles ne se confinant pas aux limites d'un pays ou d'un secteur. Mais toutes les connaissances ne sont pas également adaptées pour circuler avec aisance dans ces aires élargies. Ainsi les connaissances circulent-elles d'autant mieux qu'elles sont formulées dans la langue mondiale qu'est l'anglais, qu'elles proviennent de sociétés dont l'aura générale est grande ou de lieux ayant une réputation de bon fonctionnement, et qu'elles se présentent comme étant décontextualisées, ce qui accroit leur transportabilité et leur transposabilité.

La circulation accrue des connaissances va également de pair avec l'accentuation de la division du travail et l'extension du réseau des interdépendances, de même qu'avec la mondialisation de l'économie et la mise en compétition des sociétés nationales Ces évolutions ne sont pas sans rapport avec le développement des dispositifs de régulation souple (soft regulation). Les autorités hiérarchiques, de quelque niveau qu'elles soient, tendent à entrer dans des processus variés de décentralisation, et ce mouvement, favorisant une certaine forme d'autonomie, s'accompagne d'une réinvention des modes de contrôle et de régulation. Ainsi voit-on se développer l'exigence de reddition de comptes [accountability] et les outils de régulation basés sur la connaissance (knowledge based regulation tools). Ces évolutions participent au développement de la circulation de connaissances et celle-ci, dès lors, est plus qu'auparavant un enjeu essentiel des relations de pouvoir. Sur ce terrain de la connaissance, s'affrontent notamment des professionnels de plus en plus nombreux qui, tels les experts, les chargés de presse ou les lobbyistes, jouent un rôle central dans la sélection, la circulation, et de la traduction des connaissances. Mais en même temps, des acteurs autrefois ‘sans voix' sont désormais capables de structurer des connaissances dans des formes qui les rendent audibles à une échelle plus large que la scène sur laquelle ils évoluent.

Ces évolutions générales n'empêchent pas que, d'un pays à l'autre et d'un secteur à l'autre, les circuits de connaissance, de même que les configurations des ressources et des interdépendances, les modes de régulation et les représentations continuent à présenter des traits spécifiques, héritages des histoires singulières des pays ou des particularités des secteurs. Le rôle que jouent les connaissances dans la construction des politiques publiques n'est donc pas partout semblable, ce que met en évidence le concept de régime de connaissance (knowledge regime) (Mangez, 2008).

Changements dans le temps et variations dans l'espace s'articulent selon une dynamique qui n'est pas différente de celle décrite dans cet article. Une scène nationale ou sectorielle, caractérisée à un moment donné par une configuration spécifique de facteurs structurels (ou par un knowledge regime) peut être ainsi affectée par certains changements qui s'opèrent sur d'autres scènes nationales ou supranationales avec lesquelles elle entretient des liens d'interdépendance, ou par des actions intentionnellement déployées par ces scènes externes en vue d'avoir des effets sur elle-même. Mais ces changements ou ces actions externes composent nécessairement avec la configuration spécifique des facteurs qui, à cette période, structurent la scène nationale ou sectorielle. Dès lors, quelle que soit la force de l'influence externe, des traces de l'ancienne configuration subsistent toujours, et ces traces, mêlées aux nouveaux traits, continuent à donner au pays ou au secteur des caractéristiques singulières, notamment en ce qui concerne le rôle que joue la connaissance dans l'action publique.

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  • STURDY, S. Response to Armin Nassehi: "Making knowledge observable". Note for Knowandpol, 2008. (não publicado).
  • WEINGART, P. Die Stunde der Wahrheit: Zum Verhältnis der Wissenschaft zu Politik, Wirtschaft und Medien in der Wissensgesellschaft. Velbrück Wissenschaft: Weilerswilst, 2001.
  • 1
    Concept préfiguré par Robert Lane, dès 1966 (Lane, 1966), sous la forme de « knowledgeable society ».
  • 2
    Voir notamment Christensen et Lægreid, 2001.
  • 3
    Pour une approche de ce concept dans le cadre de la recherche KNOWandPOl, voir Mahon, 2008.
  • 4
    Cet article a été rédigé dans le cadre du projet de recherche intégré n° 028848-2 financé par le 6
    e programme-cadre européen : KNOWandPOL (The role of knowledge in the construction and regulation of health and education policy in Europe: convergences and specificities among nations and sectors). Plus d'informations sur le site web:
    http://www.knowandpol.eu. L'analyse qui suit est à la fois une synthèse et une transformation partielle d'un texte plus long publié dans le cadre de la recherche européenne KNOWandPOL (Delvaux, 2008).
  • 5
    Traduction par nos soins. Texte original: "Poorly formulated as it often is, and rooted more in subjective observation and analysis, it would be easy to overlook and dismiss such lay knowledge, were it not for the fact that policy makers themselves are increasingly inclined to regard it as a vital element in the policy process" (Sturdy, 2008, 4-5).
  • 6
    Pour une définition de ce terme, voir ci après, le point 5.
  • 7
    Traduction par nos soins. Texte original : "the ideas that actors hold affect how they define their interests in the first place" (Campbell (2002, 22).
  • 8
    Traduction par nos soins. Texte original : "the automatic assumption that ideas are only important when interests fail. ( ) The way in which actors conceive of their interests is affected by ideas. ( ) There is an everlasting interplay between ideas and interests. Neither necessarily dominates" (John, 1998, 154).
  • 9
    Des rapports ont été publiés à propos de la fabrication de PISA et de la Déclaration de l'OMS sur la santé mentale en Europe, ainsi que sur la réception de chacun de ces instruments dans six pays. Ces rapports sont disponibles sur le site
  • 10
    Des rapports ont été publiés à propos de six politiques de santé et six politiques d'enseignement.. Ces rapports sont disponibles sur le site
  • 11
    Ainsi, par exemple, toute dénomination désignant le résultat positif à atteindre plutôt que le processus négatif favorise le consensus autour de la définition du problème mais cadre moins le processus de préconisation.
  • 12
    Traduction par nos soins. Texte original: "seen as caused by human actions and amenable to human intervention" (Stone, 1989, 281).
  • 13
    Il s'agit par exemple de mettre en doute la conformité au corpus légal d'un ordre supérieur ou de sa compatibilité avec d'autres normes de même rang, difficilement modifiables. Les recours aux tribunaux peuvent être considérés comme des épreuves
    ex post. Dans certains pays, des épreuves
    ex ante sont institutionnalisées, tout projet normatif devant être soumis, préalablement à son adoption, à un conseil de juristes habilités à vérifier la compatibilité des nouvelles normes avec les normes existantes
  • 14
    Remarquons au passage que ces processus de sélection, simplification et estompement sont également observés dans le champ scientifique.
  • 15
    Dans le cas des associations causales, cette fragilité, propice à la multiplication des débats, tient au fait qu'entre deux phénomènes, il y a souvent plusieurs variables intermédiaires, que chacune de ces variables est elle-même le résultat de multiples variables, et que les liens établis entre variables peuvent évoluer dans le temps.
  • 16
    Knowledge regulation tools (KRT), en anglais.
  • 17
    Traduction par nos soins. Texte original: "The growing scientific nature of the administrative knowledge" (Pons & van Zanten, 2007, 116).
  • 18
    Traduction par nos soins. Texte original : « Through scientific observation not security but insecurity increases » (Luhman, 1990, 325).
  • 19
    Nombre de comparaisons, telles celles gérées par l'OCDE, sont en effet le fait d'organismes fédérant des entités qui, ensemble, décident de se comparer entre elles.
  • 20
    Il n'est par exemple pas innocent d'établir les comparaisons entre pays, entre régions ou entre organisations. Cela tend à pré-formater l'échelle à laquelle développer les préconisations, ou à légitimer telle proposition plutôt que telle autre.
  • 21
    Si les liens entre modes de régulation et circuits de connaissance ainsi qu'entre représentations et configurations des ressources et des interdépendances n'apparaissent pas dans la figure, c'est dans le seul souci de ne pas la surcharger.
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      13 May 2010
    • Date of issue
      Dec 2009

    History

    • Received
      Oct 2009
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